L'Obs

RENCONTRE DU TROISIÈME TYPE

SRI LANDAISE

- MARIE LAURE MICHELON

Documentai­re de Maylis Dartigue (2022). 1h15.

23h30 FRANCE 3 « J’ai deux mères, un père, trois soeurs et un frère. Nous habitons de part et d’autre du globe, et sommes liés par l’événement de mon adoption. » Agée de 24 ans, Maylis Dartigue, réalisatri­ce de ce documentai­re, est partie en 2013 au Sri Lanka à la recherche de sa famille biologique. Munie d’un certificat comportant son nom de naissance, ne parlant pas un mot de cingalais ni de tamoul et bredouilla­nt un anglais précaire, elle s’est donné un mois pour en savoir plus sur ses origines. Aidée sur place par un policier bonhomme, elle trouve rapidement trace de sa famille. Trop rapidement même. Dès l’instant où son oncle est identifié par les services sociaux, une rencontre lui est proposée dans la foulée. On la devine déroutée, pas loin de faire volte-face : « J’essaie de leur faire comprendre que je veux juste des informatio­ns… » « En cherchant, on risque de trouver », lui rétorque son amie Jamila Jendari qui l’a épaulée dans son voyage. Elle filmera un peu plus tard un vibrant face-à-face entre Maylis et sa génitrice. Scène emplie d’émotions, un peu surréalist­e : entourée de nièces, d’oncles et de soeurs qu’elle découvre pour la première fois, la réalisatri­ce, le regard perdu, couverte de gâteaux au miel et de caresses, peine à dépasser la barrière de la langue, avant que le malaise s’estompe peu à peu. C’est à ce moment que son film opère un long flash-back, revenant aux premières semaines de vie de Maylis, en 1989, à partir des images tournées au Caméscope par ses parents adoptifs deux décennies auparavant. On y découvre sa mère biologique berçant le nourrisson qu’elle s’apprête à abandonner à ce couple français, la montée dans l’avion pour gagner l’Europe, puis les premiers pas, tours de manège et spectacles de danse de la fillette dans sa nouvelle contrée, les Landes. A ces bribes de passé fixées sur bande-vidéo, le film alterne des séquences de vie quotidienn­e au Sri Lanka, dans cette famille de sang que la jeune femme apprend à connaître. En résulte ce beau journal intime qui, avec beaucoup de finesse et de poésie, reconstitu­e tel un puzzle sensible les tirailleme­nts, les joies et les reflux émotionnel­s qui traversent l’esprit d’une enfant adoptée.

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