LES SIXTIES SOUS CLOCHE
BERLIN 63
Mini-série allemande d’Annette Hess et Sabine Bernardi (2021). Avec Sabin Tambrea, Sonja Gerhardt. 1, 2 et 3/6.
20h55 ARTE
N’est pas « Mad Men » qui veut. Bien sûr, il est cruel de convoquer son altesse sérénissime des séries pour juger la troisième saison de cette production allemande mais après les deux mini-séries « Berlin 56 » et « Berlin 59 », les points communs sautent encore plus aux yeux. Même reconstitution (trop) soignée des années 1960, même volonté de dépeindre au détail près un groupe social (ici une famille bourgeoise traversée par les soubresauts de l’époque), même dessin en coupe d’un pays basculant dans la modernité, même application dans la composition des personnages féminins… Pourtant, aucune énergie ne se dégage de l’ensemble, malgré un récit pourtant riche en climax dramatiques (accident de bus de Caterina Schöllack, la mère autoritaire de cette famille, accouchement tragique de sa fille Monika…). Dans leur costume sortant de chez le teinturier, les protagonistes s’agitent en vain, semblent n’avoir ni corps, ni désir, ni mémoire, et la série se fige en un théâtre de marionnettes. C’est d’autant plus dommage que l’Allemagne se relevant de la guerre et de son terrible passé est un terrain de fiction fécond comme l’ont prouvé au cinéma « Allemagne année zéro », de Roberto Rossellini, ou « le Mariage de
Maria Braun », de Rainer W. Fassbinder. Quant au fantasme de pénétrer la nuit ouest-berlinoise de l’époque et ses bas-fonds, elle reste un fantasme lointain pour le spectateur en quête de sensations fortes : Monika, Eva et Helga, les trois filles de cette bonne famille, sont bien trop prudentes pour y mettre les pieds. Finalement, nous assistons plutôt à une sorte de soap opera, plus proche de la soporifique « Clinique de la Forêt-Noire », impayable feuilleton des années 1980, que de la fresque monumentale (931 minutes) de « Berlin Alexanderplatz » de Fassbinder. Plutôt que de développer une théorie fumeuse sur l’épaisseur de l’ennui produit par la fiction télévisuelle allemande (« Inspecteur Derrick », « le Renard », « Dark »…), nous nous contenterons de dire que les sagas familiales ne sont pas notre truc. ARNAUD SAGNARD