L'Obs

LE VIT DE BRIAN

PULSIONS

- GUILLAUME LOISON

Thriller américain de Brian De Palma (1980). Avec Nancy Allen, Michael Caine, Angie Dickinson. 1h40. 22h50 TCM CINÉMA

A l’origine de « Pulsions », le souhait de Brian De Palma de porter à l’écran « Cruising », livreenquê­te dans lequel un flic new-yorkais est envoyé par sa hiérarchie comme appât dans le milieu SM homo. Mais c’est finalement William Friedkin à qui il reviendra de l’adapter. Aux quelques scènes d’infiltrati­on qu’il a déjà développée­s, le réalisateu­r de « Carrie » accole une vieille idée de cinéma qui sommeille dans ses tiroirs : une drague fougueuse entre deux inconnus dans un musée, comme lui-même l’a régulièrem­ent pratiquée lorsqu’il était étudiant. Le tout va donner un classique étincelant du thriller érotique (on se gardera bien de le pitcher ici), qui pioche autant dans la grammaire hitchcocki­enne (en particulie­r « Psychose ») que dans le sadisme baroque des gialli italiens de Dario Argento, alors à son sommet (« Suspiria » est sorti trois ans plus tôt). Réinvesti avec force dans « Pulsions », ce tropisme des femmes suppliciée­s à l’arme blanche provoqua en Amérique l’ire des associatio­ns féministes qui appelèrent au boycott du film à sa sortie. S’il ne boude pas son plaisir à honorer ce cahier des charges sulfureux (la photo du chef opérateur Ralf D. Bode, renversant­e de beauté, sublime les corps des victimes comme la sensualité des crimes), De Palma désamorce pourtant tout procès en machisme par une ironie et une science de l’excès sans équivoque. La moindre image, la moindre intention sont ici au service d’une grande expérience ludique dont on ne peut pas dire qu’elle chante les louanges du virilisme. Mari sexuelleme­nt flapi du personnage d’Angie Dickinson (photo), mère de famille frustrée, flic manipulate­ur confit de vulgarité, psy trouble et toqué campé avec délice par Michael Caine… Il ne fait pas bon être un homme de pouvoir dans « Pulsions ». Au contraire des femmes sur lesquelles le film, malgré sa violence, porte un regard autrement plus bienveilla­nt et respectueu­x. En premier lieu, l’héroïne Liz Blake, interprété­e par la formidable Nancy Allen, muse et compagne du cinéaste à l’époque, décalque féminisé du Roger Thornhill de « la Mort aux trousses » que le destin place comme lui au mauvais endroit au mauvais moment.

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