SE SOUVENIR DES BELLES CHOSES
LE BLEU TE VA BIEN
Documentaire de Lucie Rivoalen (2021). 52 min.
A 57 ans, Maryvonne (photo) est atteinte d’un syndrome amnésique. Face à ses difficultés quotidiennes, ses trois filles, Lise, Justine et Lucie, sont contraintes de la placer dans un Ehpad. Lucie décide alors de filmer cette mère qui ne se souvient plus. Parfois, cela donne lieu à des situations cocasses, comme lorsque Maryvonne affirme ne jamais avoir mangé de raviolis, ou quand elle appelle l’aide-soignante par le diminutif « Marie-Thé », persuadée de la connaître depuis longtemps alors qu’elle vient tout juste de la rencontrer. Mais cette mémoire qui se dérobe inexorablement pèse aussi sur les liens familiaux. Depuis cette maison de retraite où elle ne se sent pas à sa place parce qu’elle est de loin la pensionnaire la plus jeune, la quinquagénaire oublie d’une heure à l’autre avoir échangé avec une de ses filles. Au téléphone ou en appel vidéo, elle s’enquiert : « Alors, qu’est-ce que vous devenez ? » A l’une d’elles, bergère, elle demande : « Tu fais quoi déjà comme métier ? » A celle qui vient d’accoucher, elle demande l’âge de son nourrisson. Alors, parfois, ses enfants s’agacent un peu : « Maman, tu viens de me le demander trois fois en une minute. » Pour se remémorer ce qu’elle vit, Maryvonne note tout dans un agenda. Et dans sa chambre, elle tient à jour un mémo : « Lucie est à Cancale, Lise est en Aveyron, Justine est à Saint-Aubin. » Face à la maladie et malgré la distance, les trois soeurs unies tiennent la barre. Il faut vendre les affaires familiales, décider de mettre Maryvonne sous curatelle, assurer les rendez-vous médicaux avec l’équipe soignante pour comprendre l’évolution de la pathologie neurologique. Et puis, il faut s’occuper de cette mère qui s’absente de sa propre vie : gérer son argent, lui teindre les cheveux, la rassurer tout en étant réaliste, car contrairement à ce qu’elle souhaiterait, il n’y aura jamais de retour à une vie autonome, dans un appartement. Avec ce documentaire bien troussé, sans pathos, Lucie Rivoalen signe un premier film abouti sur la maladie et le « faire famille ».