“C’est bien le minimum”
LUCILE SCHMID
Vice-présidente de La Fabrique écologique, think tank ayant pour objectif de promouvoir l’écologie et le développement durable
Que pensez-vous des annonces du gouvernement sur l’aide alimentaire d’urgence, prévue pour septembre ?
Je n’ai rien contre, mais cette aide ne correspond pas à l’idée du « chèque alimentation durable », réclamé en 2020 par la Convention citoyenne pour le Climat. Elle ne vient pas du tout modifier le système ! Au contraire, elle n’est qu’un pansement pour le faire perdurer, une manière d’acheter la paix sociale. Par ailleurs, si « l’aide au mieux manger » promise par le gouvernement pour l’avenir est soumise à l’appréciation de la grande distribution, cela ne me rassure pas !
Comment imaginiez-vous cette aide ?
Elle devrait permettre d’accompagner les classes populaires, mais aussi les agriculteurs, dans un changement de système. La Fabrique écologique prône l’idée d’une « carte de fidélité et de solidarité écologique », qui ouvrirait un rabais à chaque achat écologique et pourrait être alimentée par l’Etat et les collectivités territoriales, à destination des ménages les plus modestes. Il faudrait seulement établir, collectivement, avec les acteurs concernés, le panier des produits en question : des productions locales − c’est essentiel −, de qualité, sans conservateurs, et le plus possible issues de l’agriculture biologique.
Faut-il en exclure la malbouffe ?
C’est bien le minimum ! Il serait totalement absurde de financer des produits transformés ou de la charcuterie industrielle ! Pourquoi aurions-nous moins d’ambition pour les classes populaires que pour les cantines scolaires [qui doivent servir au moins 50 % de produits dits durables ou de qualité, dont 20 % de bio, NDLR] ? Bien sûr, il n’est pas question d’imposer aux gens ce qu’ils doivent manger − l’alimentation, c’est très intime. Mais quand on nous dit qu’il est impossible de s’immiscer dans les paniers de la ménagère, je ne suis pas d’accord. C’est de l’argent public ! Enfin, la mesure ne peut pas se limiter à des versements pécuniaires : il sera nécessaire, comme le soulignent les associations d’aide sociale, d’accompagner les bénéficiaires du chèque, de recréer du lien, notamment entre ceux qui produisent et ceux qui consomment.
Mais comment aider les deux bouts de la chaîne ?
Il y a une forme de blocage en raison du manque d’interaction entre agriculteurs, consommateurs et défenseurs de l’environnement. Les stéréotypes sont tenaces. Mais regardez les Amap. Elles permettent une double émancipation : de la malbouffe et de la grande distribution. Nous avons besoin de cette forme d’écologie populaire. Expérimentons-la, au niveau local !
Propos recueillis par