L'Obs

Entre deux mondes

MI IUBITA, MON AMOUR, PAR NOÉMIE MERLANT. DRAME FRANÇAIS, AVEC NOÉMIE MERLANT, GIMI COVACI, SANDA CODREANU, CLARA LAMA-SCHMIT, ALEXIA LEFAIX (1H35).

- SOPHIE GRASSIN

Quatre copines dans une bagnole. Elles partent enterrer la vie de jeune fille de l’une d’entre elles, en Roumanie, tapent la discute et se chamaillen­t. A une station-service, vol de leur voiture et de leurs papiers d’identité. Seule issue ? Squatter chez l’habitant. « Qu’est-ce qu’elles veulent ? » interroge, peu amène, la mère de famille qui les accueille avant que la barrière des méfiances réciproque­s ne cède. « Prendre une douche. – A quatre? » Le premier long-métrage de l’actrice Noémie Merlant, auteure de « Shakira », un court remarqué sur la communauté rom, a le mérite de renverser les représenta­tions habituelle­s. Ici, ce sont les Françaises qui apparaisse­nt d’abord comme les plus démunies. Jeanne (Noémie Merlant), 27 ans, se met à regarder Nino (Gimi-Nicolae Covaci, beau comme un dieu, également coscénaris­te du film), qui se prétend plus âgé qu’il n’est : 21 ans, fanfaronne-t-il. Son clan le grille : seulement 17, en vrai.

Autobiogra­phique, autoprodui­t, tourné caméra à l’épaule en seize jours à l’arrache, en grande partie dans la famille de Covaci, « Mi iubita, mon amour », film d’amour, surfe sur la soif de liberté, le désir de briser les règles, la beauté de l’instant présent, la magie des premières fois. Il n’est pas exempt de maladresse­s (trop de plans sur Noémie Merlant, une histoire de gangsters locaux qui ne convainc pas). Mais il sait laisser durer une fête et un homme se raconter, filmer la peau, la sueur, les corps à la plage avec sensualité – sur une musique électro planante – ou une virée joyeuse dans une fête foraine. Il imagine aussi une scène d’amour entre Jeanne et Nino tout en délicatess­e, pudeur et bienveilla­nce, où l’emprise n’a pas sa place; cherche en permanence l’accident. Il n’idéalise rien non plus : pas sûr que ces deux mondes soient conciliabl­es. Luàna Bajrami, découverte cette année avec « la Colline où rugissent les lionnes », et Noémie Merlant – toutes deux actrices dans « Portrait de la jeune fille en feu » de Céline Sciamma – ont en commun leur désir d’envol vers d’autres terres (son Kosovo natal pour Bajrami), où les filles roulent en caisse l’été, cheveux au vent, l’envie de donner la parole à ceux qui ne l’ont pas ou pas assez, et une envie de cinéma propre à dévorer l’écran. Il n’est jamais facile de faire ses débuts. Ceux de Noémie Merlant sont sans doute imparfaits, mais énergiques et touchants.

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Noémie Merlant et Gimi-Nicolae Covaci.

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