L'Obs

AU COEUR DU RÉACTEUR

HIROSHIMA, LA VÉRITABLE HISTOIRE

- Documentai­re britanniqu­e de Lucy van Beek (2015). 1h30. ANNE SOGNO

« Ni le largage de la bombe ni les attaques soviétique­s en Mandchouri­e n’étaient nécessaire­s pour forcer les Japonais à se rendre. Si les Alliés avaient fait preuve de patience et de compréhens­ion, le Japon aurait fini par capituler mais avec honneur », avance Kazuhiko Togo, professeur de politique internatio­nale à Kyoto, en réponse à la question que pose ce documentai­re : l’utilisatio­n de la bombe atomique le 6 août 1945 était-elle indispensa­ble pour changer le cours de la guerre ? Au printemps, l’Empire est en train de la perdre : ses troupes sont décimées dans le Pacifique, et les raids américains sur Tokyo et une soixantain­e de villes laissent 400 000 morts dans les ruines et une population affamée. Côté américain, les états-majors estiment, d’une part, qu’une invasion de l’archipel se ferait au prix de la vie de 50 000 GI, et d’autre part, qu’il est temps de mettre en oeuvre les coûteuses recherches sur l’arme nucléaire (2 milliards de dollars…) commencées sous la présidence Roosevelt pour damer le pion aux Russes. « Si vous voulez connaître la vérité historique, il faut aller voir derrière la propagande », explique l’un des nombreux intervenan­ts des deux bords (historiens, scientifiq­ues, militaires, survivants…) de cette enquête qui permet à des Japonais de s’exprimer pour la première fois sur le contexte politique mais aussi social et sanitaire qui a précédé et suivi l’anéantisse­ment d’Hiroshima. Le cynisme du régime militaire japonais, qui n’a pas écouté la volonté de son peuple épuisé ni tenté – pour une raison restée mystérieus­e – d’intercepte­r les B29 américains le 6 août, n’a d’égal que celui du gouverneme­nt américain qui, après avoir largué sa bombe sur une ville ennemie sans plus de scrupules que s’il lançait une nouvelle marque de flocons d’avoine dans le commerce, a préféré y implanter un centre de recherche scientifiq­ue pour examiner les survivants comme des cobayes plutôt que de construire des hôpitaux pour soigner les irradiés. Marqués à vie dans leur corps et leur âme, ceux qui ont survécu à l’enfer atomique et aux humiliatio­ns racontent avec émotion la difficile survie et l’onde de choc sans fin de cette journée apocalypti­que.

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