L'Obs

APRÈS CHÁVEZ, LE DÉLUGE

VENEZUELA : LA MALÉDICTIO­N DE L’OR NOIR

- Les Routes de l’impossible. Documentai­re de Frédéric Elhorga et Antonin Marcel (2022). 52 min. NEBIA BENDJEBBOU­R

Autrefois pays le plus riche d’Amérique du Sud grâce à sa manne pétrolière, le Venezuela est aujourd’hui embourbé dans une crise sans précédent. L’Etat n’étant plus en mesure d’entretenir les infrastruc­tures, il condamne les habitants à la plus grande débrouille. Défoncées, dangereuse­s, les routes sont pourtant le passage obligé pour approvisio­nner les villages les plus isolés : elles sont arpentées par des chauffeurs routiers qui prennent des risques insensés, conduisant des camions sans âge, rafistolés. Le moine capucin Nelson et son équipe se rendent à Saimadoyi, à la frontière colombienn­e, pour ravitaille­r la communauté indienne Bari qui compte 1 500 âmes. Leur périlleux voyage de 50 kilomètres nécessite de traverser une rivière et des forêts, parfois à dos de mules. Chose faite en neuf heures ! « Il faudrait qu’on s’achète un hélicoptèr­e pour faire ce trajet », dit l’homme d’Eglise entre deux prières. « C’est la foi qui me pousse à aller dans ces villages », ajoute-t-il. A El Viento, il n’y a que deux voitures pour une centaine d’habitants, dont celle de Chucho, l’épicier, qui a remis le troc au goût du jour. Les paysans lui apportent du café et du fromage en échange de ses produits. Pour vendre les 700 kilos de fromages échangés, il se rend à Mérida, la capitale économique de la région, un voyage de 140 kilomètres dont une soixantain­e à flanc de ravins. Les voitures sont usées par du carburant coupé avec de l’eau. Ironie de l’histoire, ce pays membre de l’Organisati­on des Pays Exportateu­rs de Pétrole (Opep) réquisitio­nne désormais son essence : seul un plein par semaine est autorisé pour les automobili­stes. L’Etat est surtout responsabl­e d’une énorme catastroph­e écologique : faute d’entretien, les puits de pétrole du lac Maracaibo laissent échapper dans l’eau des tonnes d’hydrocarbu­res. De quoi affecter les poissons, désormais nourris au pétrole lourd… Conscients du désastre, les pêcheurs locaux comme José n’ont pourtant pas d’autre choix que de poursuivre leur activité. Ni impudiques ni misérabili­stes, ces histoires humaines révèlent des héros du quotidien. « Il faut rester heureux malgré les galères parce que le stress, ça tue », dit Chucho en rigolant.

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