Les remords d’Hasan
LES PROMESSES D’HASAN, PAR SEMIH KAPLANOGLU. DRAME TURC, AVEC UMUT KARADAG, FILIZ BOZOK, GÖKHAN AZLAG (2H28).
Une lumière magnifique inonde l’image, un zef à décorner les boeufs souffle dans les herbes et Hasan, agriculteur prospère, qu’un prologue a pris le soin de nous montrer enfant, dort sous un arbre majestueux. Irruption d’un technicien venu réquisitionner son champ pour y ériger un pylône électrique. Le vieil homme résiste et suggère de choisir… celui du voisin. Au fur et à mesure que le film progresse, le spectateur découvre ses compromissions pour protéger ses intérêts au détriment de ceux des autres : emploi de pesticides par cupidité (l’UE lui retoquera ses pommes), rachat de terre pour presque rien, conflit avec un frère dont il s’est éloigné. Quant à sa femme, elle mégote sur le liseré bleu absent d’une couverture pour laquelle elle a passé commande. Le projet d’un voyage à La Mecque va forcer le paysan turc à régler ses comptes – une paire de chaussures jamais acquittée, la scène est assez drôle – et à affronter sa conscience.
Découvert en France avec l’élégiaque « Trilogie de Yusuf », Semih Kaplanoglu reste fidèle à sa manière : sens plastique évident, invitation à la contemplation, acmé d’un cauchemar sublime où un arbre arraché réapparaît cime vers la terre en occupant tout l’écran. Deuxième chapitre d’une seconde trilogie entamée en 2019 sur le pardon, « les Promesses d’Hasan » porte une attention permanente à un environnement abîmé par l’homme, plans d’un chat mort ou de fruits blets. Kaplanoglu voit son art « comme une confrontation de la vie à la lumière des puissances supérieures », ses films évoquent tous un monde qui disparaît.
SOPHIE GRASSIN