L'Obs

Princesse country

THE GIRL FROM CHICKASAW COUNTY, PAR BOBBIE GENTRY (UNIVERSAL/PANTHÉON, 2 CD, 2 LP).

- FRANÇOIS ARMANET

Au coeur du Summer of Love, en juillet 1967, l’été de ses 25 ans, une fille de la campagne aux pieds nus, au beau visage d’Audrey Hepburn ou de Barbra Streisand selon les heures, devient une superstar en une chanson mystérieus­e. « Ode to Billie Joe » narre le suicide depuis le pont Tallahatch­ie d’un jeune garçon (que Joe Dassin transforma en Marie-Jeanne dans la version française). Un disque anachroniq­ue au temps de l’explosion psychédéli­que, du « White Rabbit » sous acide de Jefferson Airplane, de « Purple Haze » de Jimi Hendrix et de « Lucy in the Sky with Diamonds » aux initiales lysergique­s.

Roberta (Bobbie) Lee Streeter avait pris Gentry comme nom de scène, en gardant son prénom car celui de sa mère était Ruby. Adolescent­e, élevée par ses grands-parents dans une ferme du comté de Chickasaw (Mississipp­i), elle s’était rêvée en Jennifer Jones, sauvageonn­e du bayou dans « Ruby Gentry » de King Vidor. A 13 ans, elle était partie en Californie mais son âme était restée dans les terres de William Faulkner et de Robert Penn Warren, hantées par le racisme, la défaite et la violence. Dans ce Southern Gothic de passions fatales, de croyances magiques et de familles maudites où l’héritière désespérée d’« Ecrit sur du vent » (Douglas Sirk) croise l’évadé du pénitencie­r de « la Poursuite impitoyabl­e » (Arthur Penn). Auteure-compositeu­re-musicienne, sa voix profonde du Sud est un idéal de swamp blues et de country pop sophistiqu­ée (versant Nancy Sinatra). En à peine quatre ans, elle compose sept albums sertis de purs joyaux, de « Mornin’ Glory » au féministe « Fancy ». En 1971, elle cesse d’enregistre­r des disques et n’a pas 40 ans lorsqu’elle se retire – il y a quarante ans – de la vie publique. L’an passé, un coffret rassemblai­t l’intégralit­é du culte. En voici la crème.

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