PACHYDERMES DANS LA PEAU
LA FEMME QUI MURMURAIT À L’OREILLE DES ÉLÉPHANTS
Documentaire allemand de Jez Lewis et Jocelyn Cammack (2022). 1h24.
Lovée entre les impressionnantes pattes d’un éléphant couché, Lek Chailert le caresse avec une affection toute particulière. Lorsqu’elle se lève, enfourche son tricycle et les appelle, les pachydermes s’approchent et la suivent sans hésitation, l’un après l’autre. Comme sa mère avant elle, la Thaïlandaise est devenue la maman des éléphants du pays, même ceux qui ne lui appartiennent pas. Depuis 1995, elle les recueille et les soigne à l’Elephant Nature Park, dans le nord du pays. Cela lui vaut d’ailleurs une réputation d’emmerdeuse et des menaces de mort à ne pas prendre à la légère. Les snipers de la mafia, laquelle considère ces volumineux mammifères « comme des machines à sous », n’ont pas hésité à viser celui qui venait d’ouvrir un parc concurrent ni à assassiner un activiste luttant contre la déforestation. Dans la vidéo aux images insoutenables qu’elle projette aux touristes qui visitent son parc, Lek rappelle que le royaume comptait 300 000 éléphants sauvages et 100 000 captifs en 1900 et qu’aujourd’hui, ils ne sont plus que 6 000, exploités et maltraités. Une situation qui n’a fait que se dégrader pendant la crise sanitaire. Dans des parcs désertés, des propriétaires peu scrupuleux ont laissé les éléphants enchaînés et isolés, parfois sans eau ni nourriture pendant plusieurs jours. Lek, que la vision de ces maltraitances bouleverse, reste toutefois de marbre quand elle rencontre des propriétaires pour racheter leurs bêtes : « Je dois faire semblant de ne pas être affectée. S’ils voyaient mes larmes, ils multiplieraient le prix par dix. » La fermeture des camps pendant la crise sanitaire lui a permis de rencontrer ses ennemis et d’essayer de les convaincre, ainsi que leurs employés, d’être moins cruels. A terme, Lek, dont ce documentaire – qui aurait gagné à être un peu plus ramassé – dresse le portrait, envisage de fermer son parc aux visiteurs « pour libérer les éléphants qu’on fait travailler en Thaïlande, les soulager de cette souffrance que leur inflige l’industrie du tourisme et leur rendre une dignité ».