WILLIAM BURNS, DIPLOMATE PARALLÈLE
Apparemment, il est l’homme idéal pour diriger la CIA. Diplomate de 66 ans, William Burns est à ce point apprécié par l’establishment américain que la commission du renseignement du Sénat, qui l’a auditionné pour le job, l’a adoubé à l’unanimité en mars 2021.
Mieux, deux personnalités très respectées, l’une démocrate, l’autre républicaine, ont plaidé en sa faveur : l’ex-secrétaire à la Défense de Barack Obama, Leon Panetta, et l’ex-secrétaire d’Etat de George Bush père, James Baker. Du jamais-vu.
Bill Burns, qui parle couramment le russe, a notamment été ambassadeur à Moscou de 2005 à 2008, où il a rencontré à plusieurs reprises Vladimir Poutine. Dans un livre de 2019 qui relate les moments forts de sa carrière (« The Back Channel », Random House), le futur patron de la CIA décrit l’autocrate russe par une formule qui le résume admirablement :
« Une combinaison très inflammable de mécontentement, d’ambition et d’insécurité. » Trois ans avant l’invasion de l’Ukraine, Burns ajoute, prémonitoire : « Au fil des ans, son goût du risque a grandi alors que son pouvoir s’est durci et que le cercle de ses conseillers a rétréci. »
Début novembre 2021, quand il est devenu clair que Poutine préparait une intervention militaire, Joe Biden a envoyé Bill Burns à Moscou discuter avec Poutine. Loin des micros et des regards, le patron de la CIA lui a fait savoir qu’il connaissait dans les moindres détails son plan d’annexion de l’Ukraine. Et l’a prévenu des sanctions économiques qui seraient déclenchées. En vain. Le diplomate, qui parle aussi parfaitement l’arabe et le français, est l’homme des missions secrètes. En 2003, après la chute de Saddam Hussein, il a convaincu le colonel Kadhafi de renoncer à son programme atomique militaire. C’est lui aussi qui a posé les bases de l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien.
Depuis l’élection de Joe Biden, certains qualifient William Burns de secrétaire d’Etat de l’ombre. De fait, il est l’envoyé du chef de la Maison-Blanche pour les missions périlleuses. Après Moscou, le président américain l’a dépêché à Riyad, en mai, rencontrer l’homme fort du royaume saoudien, Mohammed Ben Salmane (« MBS »). Le but : préparer la première visite d’un président américain depuis le meurtre du journaliste saoudien d’opposition Jamal Khashoggi en 2018, assassinat commandité par « MBS » en personne selon un rapport déclassifié de… la CIA.