Star Arc’ademy
FANTAISIE GUÉRILLÈRE, PAR GUILLAUME LEBRUN, CHRISTIAN BOURGOIS, 320 P., 20,50 EUROS.
Charles Péguy peut aller se rhabiller. Claudel, Brecht et Shakespeare aussi, tant qu’on y est. Jeanne d’Arc a enfin trouvé un écrivain à la mesure de sa flamboyance – sans mauvais jeu de mots. Trouvère des temps modernes, ménestrel sans limites, Guillaume Lebrun (photo), dont la biographie sommaire indique qu’il « élève des insectes dans le sud de la France », offre à la Pucelle le livre fougueux et fou à lier que l’épopée johannique attendait depuis des siècles. Son premier roman retrace la trajectoire de celle qui, guidée par des voix, leva le siège d’Orléans, permit à Charles VII d’être sacré roi de France à Reims, et périt sur le bûcher. Mais cette geste iconoclaste ne devrait pas ravir les identitaires et autres nationalistes qui ont fait de la combattante en armure leur icône. L’histoire est ici racontée tour à tour par Yolande d’Aragon – belle-mère de Charles VII – qui préfère se faire appeler « YO » et par Jeanne d’Arc herself, ou plus précisément par Jehanne la Douzième. De l’apocryphe de première main, en somme. Et un style médiévalo-queer à dévisser les heaumes, une écriture qu’on dirait née des amours orgiaques de Christine de Pizan et Monique Wittig, François Villon et Mylène Farmer. Ainsi « YO » s’exprime dans un franglais à faire pâlir Jean-Claude Van Damme. Après la mort de son « husband », Louis II d’Anjou dit Loulou, désespérée de voir « loser » le Royaume de France, elle décide de dégoter la guérillère qui galvanisera les troupes contre les « Englishes » et crée une sorte de Star Academy pour chevalières. Sur la quinzaine de gamines à qui elle enseigne le krav maga, la transe mystique « méthode Hildegarde de Bingen » et les incohérences des Evangiles, une se distingue par sa puissance et sa crasse : Jehanne la Douzième. Batailles gore, amours lesbiennes et ritournelles célinedionesques, le roman tourne à la pure fantasy sous influence lovecraftienne. D’une ébouriffante drôlerie, cette « Fantaisie guérillère » prouve avec panache que Jeanne d’Arc, « femme puissante » comme Yolande et Léa Salamé les aiment tant, reste pour toujours « Hautement Irrécupérable ». Et c’est Hautement Délectable.