L'Obs

La classe anglaise

THE REAL THING, PAR GASPARD ROYANT (BELLEVUE MUSIC).

- NICOLAS SCHALLER

Est-ce l’effet du dérèglemen­t climatique? Voilà qu’un petit Français sort un excellent album de pop anglo-saxonne, textes et production compris. Le trop méconnu Gaspard Royant, Parisien d’origine savoyarde au fort tropisme sixties, est coutumier du fait : ses trois premiers disques lorgnaient tour à tour Roy Orbison, la northern soul ou Phil Spector. Soul toujours mais moins oldies et plus anglais, son quatrième LP invente une pop blanche d’aujourd’hui, pleine de style et d’esprit. De nos aspiration­s médiocres de techno-dépendants (« To the Stars ») aux ridicules du virilisme (le single « M.A.N. »), les paroles, coécrites avec l’écrivain et satiriste Stephen Clarke, dressent un tableau désabusé de l’air du temps que la musique ensoleille.

« The Real Thing » sonne comme un croisement entre Prefab Sprout et Drake, l’excellent « Cursed » comme du Last Shadow Puppets revisité pour la série « Euphoria ». Format Scope et gimmicks synthétiqu­es, l’inspiratio­n de

Royant est très cinématogr­aphique. Son fantasme serait-il de signer la chanson d’un James Bond ? Plusieurs titres feraient carrément l’affaire, « We Wanted the World » dans un Pierce Brosnan ou « Mountain of Regrets » sur un Roger Moore en escale asiatique, entre élégance vintage et efficacité pop. C’est tout l’art de Royant que de pasticher à foison, et avec les moyens du bord, en conservant sa singularit­é de crooner anachroniq­ue. Chante-t-il les vautours du showbiz prêts à faire du fric sur les morts à la moindre occasion lorsqu’il parodie le riff de cuivres de « Feeling Good » de Nina Simone ? Fun, classe et parfaiteme­nt estival.

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