L'Obs

LA BEAUTÉ DU VICE

UN SI DOUX VISAGE

- Drame américain d’Otto Preminger (1952). Avec Robert Mitchum, Jean Simmons. 1h28. FRANÇOIS FORESTIER

C’est un de ces polars dont Hollywood avait le secret, dans les années 1940 et 1950 : ambiance délétère, acteurs de renom, scénario jamais crédible (mais bien envoyé), image en noir et blanc d’une qualité incroyable… Comment croire une seconde que Frank (Robert Mitchum), ambulancie­r engagé par la famille Tremayne, puisse être troublé par la belle-fille du patriarche, Diane (Jean Simmons) ? Visiblemen­t, cette femme est dingue. D’ailleurs, on s’aperçoit assez vite qu’elle veut saboter la voiture dont notre héros est le chauffeur pour se débarrasse­r de sa belle-famille – ce qu’elle réussit parfaiteme­nt, devenant du même coup l’héritière de la fortune. Evidemment, Frank, devenu son amant, est soupçonné d’avoir bidouillé les freins et le changement de vitesse, et, afin de profiter de la dispositio­n d’une loi (les époux ne peuvent témoigner l’un contre l’autre), est contraint de se marier avec Diane. C’est là que ça se gâte : celle-ci devient de plus en plus erratique et, un tantinet dégoûté, Frank décide de prendre la poudre d’escampette. Mal lui en prend – je ne vous raconte pas la fin, diabolique. Le truc, c’est que le film est signé Otto Preminger, metteur en scène à tout faire, avec quelques belles réussites à son crédit dans ces années-là : « Laura » (1944), « Mark Dixon, détective » (1950), avant de devenir celui qui va défier les censeurs de la Liste noire avec « l’Homme au bras d’or » (1955). Connu pour son caractère dictatoria­l et ses gueulantes mémorables, il a eu droit à sa leçon, sur le tournage. Alors que Robert Mitchum devait gifler Jean Simmons, Preminger demandait qu’on refasse la scène, encore et encore. Exaspéré par le sadisme du cinéaste, Mitchum lui dit : « Encore ? » et lui en allonge une, ce qui remit les pendules à l’heure. Quant à Jean Simmons, mariée à Stewart Granger, elle a poursuivi une carrière en dents de scie, avec une préférence pour les péplums (« la Tunique », « Androclès et le Lion », « les Gladiateur­s », « l’Egyptien », « Spartacus »). Elle avait, en effet, « un si doux visage » et jouait à merveille l’innocence, voire la sainteté.

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