L’enfant sauvage
Un père chasseur et son fils de 5 ans errent, à cheval, dans un monde sans pitié
ON ÉTAIT DES LOUPS, PAR SANDRINE COLLETTE, JC LATTÈS, 208 P., 19,90 EUROS.
Dans cette région montagneuse, la nature a tous les droits. Liam y vit en chassant et en vendant ses peaux. Ce n’est pas tant par goût de tuer les animaux, c’est qu’il n’apprécie pas la compagnie des hommes. Ava, sa femme, l’a suivi dans ce coin désert par amour. Elle y élève leur fils de 5 ans, Aru, et passe des nuits seule, tandis que son mari bivouaque sous les étoiles en écoutant hurler les loups. Un soir, Liam remarque les empreintes d’un ours devant sa maison. Dans le jardin, Ava gît, recroquevillée. Sous son corps inerte, celui, vivant, de l’enfant, qu’elle a réussi à protéger, mais qui n’a pas sa place dans ce monde sauvage. Liam n’a bientôt plus qu’une obsession, se débarrasser de lui. Il selle son cheval et emmène Aru à la ville pour le confier à un oncle. Or celui-ci n’en veut pas. Commence alors une longue errance, dans les bourrasques, les tempêtes. Le périple incertain de deux êtres que les liens du sang ne
parviennent pas à unir, un père rongé par le remords et son fils mutique. Sandrine Collette, qui a fait ses débuts dans le polar, instaure un climat tendu à l’extrême. Dans le décor de western d’une région jamais nommée, l’écrivaine du Morvan traite d’un sujet actuel, universel, le rude apprentissage de la paternité. La lueur éperdue qui luit dans les yeux d’Aru rend Liam fou de rage. Finira-t-il par entendre cet appel ? Ses actes, comme ceux d’Abraham dans la Bible, semblent mis à l’épreuve par un dieu énigmatique. Magnifiée par le théâtre d’une nature sublime et impitoyable, cette chevauchée prend aux tripes. L’auteure de « Ces orages-là » place une nouvelle fois au bord du gouffre des créatures en attente de rédemption. Elle parle encore de la férocité de l’homme, de son combat contre la bête tapie en lui. Un roman puissant et magnétique.