Nos années Blondie
AGAINST THE ODDS 1974-1982, PAR BLONDIE (UNIVERSAL, COFFRETS 8 OU 3 CD, 12 OU 4 LP).
Dans le New York sale, poisseux, dangereux et vibrant du milieu des années 1970, Blondie fut un groupe phare de l’explosion punk au côté des Ramones, de Richard Hell, James Chance, Patti Smith et Television. Une Blank Generation, précurseur du punk anglais, qui fit les nuits warholiennes du Max’s Kansas City et du CBGB et les jours junks de Basquiat, Mapplethorpe et Burroughs. Debbie Harry était Blondie et dans Blondie. Même si Chris Stein constitue l’autre moitié à l’origine du quintet, elle en est l’incarnation. Rare en son temps : une fille dans un club exclusif de garçons, une chanteuse, très féminine et féministe, se revendiquant androgyne dans l’univers macho du rock. Iggy Pop lui donnait le surnom de « Barbarella sous speed », mais c’est Marilyn Monroe (une enfant adoptée comme elle) qui lui avait inspiré son personnage, raconte-t-elle dans « Face It », son excellente autobiographie. « Mon personnage de Blondie était une poupée gonflable, mais avec un côté sombre, provocateur et agressif » (1).
Tour à tour sans abri, réfugiée dans les lofts pourris du Lower East Side, serveuse au Max’s, barmaid au White’s, Bunny chez Playboy, Debbie Harry en a vu de toutes les couleurs. Qui se reflètent au fil des ans dans la musique du groupe, ce métissage entre glam rock et punk, pop et disco, funk et reggae, jusqu’au calypso de « The Tide Is High » et au rap (« Rapture » fut le premier rap classé numéro un dans les charts !). Pendant vingt ans, Chris Stein avait stocké toutes les archives de Blondie dans sa grange à Woodstock. D’où a jailli ce coffret qui retrace leur carrière, réunissant les six albums (remastérisés) de leurs glorieuses années (avant quinze ans de séparation) et 36 inédits et versions alternatives. De « X Offender » (les radios refusaient de passer « Sex Offender », le titre original) et « In the Flesh » du premier album aux tubes (blonde) platine de « Parallel Lines » (« Hanging on the Telephone » et sa sonnerie de téléphone britannique, « One Way or Another », « Pretty Baby » écrit en référence à « la Petite » de Louis Malle, « Heart of Glass ») ou à « Call Me », thème de la BO d’« American Gigolo », « parce que c’est ce que le personnage de Richard Gere disait à toutes les femmes ».
(1) « Face It. Autobiographie », de Debbie Harry (Harper Collins, 2020).