Spirou est mort, vive Spirou !
SPIROU ET FANTASIO. TOME 56 - LA MORT DE SPIROU, PAR BENJAMIN ABITAN, SOPHIE GUERRIVE ET OLIVIER SCHWARTZ, DUPUIS, 64 P., 11,90 EUROS.
Il y a quelques années, « l’Obs » suppliait qu’on laisse mourir les héros de BD patrimoniaux. Message reçu cinq sur cinq par Dupuis. Dans cette maison qui tente de ressusciter Gaston Lagaffe, on a décidé que le glas avait sonné pour Spirou. Drôle de façon pour l’éditeur belge de fêter son centenaire… Après six ans d’absence, voici donc le groom débonnaire et son compère Fantasio sous la ligne claire d’Olivier Schwartz et le scénario de Benjamin Abitan, homme de radio, et Sophie Guerrive, autrice des exquis albums « Tulipe ». Cet attelage réussit le pari d’allier classicisme formel, aventure trépidante et thématiques modernes, comme l’écologie ou la réalité virtuelle.
Retour à Korallion pour le binôme intrépide, déjà visitée dans le mythique « Spirou et les hommes-bulles » (1965) de Franquin et Roba. La cité sous-marine est devenue une station touristique. Paysage de rêve, cocktails succulents, bienveillance à tous les étages : trop beau pour être vrai. Il faut peu de temps avant que le duo (ou le trio, avec l’écureuil Spip) affronte des limules, une corporation cynique, Zorglub l’ennemi de toujours et… la mort. Ce qui n’émeut pas grand monde. Car, selon une annonce fracassante prononcée dans les dernières pages, Spirou sera remplacé par un autre personnage dans les prochains albums de la série. Coup commercial ? Volonté d’enterrer définitivement la mascotte, qui peine à trouver de nouveaux lecteurs ? Besoin de renouveau dans une époque post-#MeToo ? Qu’importe, ce livre complètement méta donne une direction audacieuse à l’univers créé en 1938 par Rob-Vel. On l’appelle désormais « Spirou-Verse », en référence au « Spider-Verse » de Spider-Man et ses mondes parallèles. Décidément, ça dépoussière à Marcinelle.