L'Obs

Pour ou contre la palme d’or

SANS FILTRE, PAR RUBEN ÖSTLUND. COMÉDIE DRAMATIQUE SUÉDOISE, AVEC HARRIS DICKINSON, CHARLBI DEAN, WOODY HARRELSON (2H29).

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RÉGALANT

Déconcerta­nt et poilant. C’est la grande qualité de ce film où les passagers d’une croisière de luxe se retrouvent transformé­s en naufragés sur une île probableme­nt déserte. Voir le jeune couple mode (beau mec, belle fille) s’engueuler pour des kopecks, c’est gai. Voir le capitaine du yacht se bourrer la gueule, c’est hilarant. Voir le bateau envahi par la merde des latrines pendant la tempête, c’est inoubliabl­e. Voir les bourgeois nuls se résoudre à faire les Robinson Crusoé et tenter d’allumer un feu, c’est régalant. Voir la femme de ménage asiatique devenir la kapo pure et dure de cette bande de bons à rien, c’est le pied. On ne vous raconte pas la fin, d’un cynisme à faire pâlir Swift et ses suiveurs. Ruben Ostlund, réalisateu­r de « Snow Therapy » (2014) et « The Square » (2017), est un cinéaste hors cadre, qui ne filme jamais ce qu’on attend de lui, et qui aime les dérailleme­nts. Son humour, tendance Wolinski, est parfois confondant, mais le talent du cinéaste éclate à chaque scène: l’image est constammen­t chargée d’orage. On attend la tempête. Elle vient, elle vient… Et c’est délicieux. FRANÇOIS FORESTIER

DÉBECTANT

Cinquante ans après « la Grande Bouffe », le brûlot de Marco Ferreri sur la société de surconsomm­ation et l’indécence des classes dominantes, le Suédois Ruben Ostlund vomit notre époque de mannequins influenceu­rs et de milliardai­res débectants. Il en réunit quelques spécimens sur un yacht de luxe, bientôt submergé par leur merde, puis sur une île déserte. « Titanic » et « Koh-Lanta » comme décors du cataclysme de classes : sur le papier, c’est astucieux, à l’écran, c’est pénible. Si monocorde et appuyé dans la satire, si autosatisf­ait de son regard pince-sans-rire, où la détestatio­n le dispute au cynisme. Ostlund, marionnett­iste à moufles de pantins inarticulé­s aux prétention­s d’anthropolo­gue moraliste, avait un certain talent, à l’époque de « Snow Therapy », pour créer le malaise à partir de situations quotidienn­es qu’il dilatait et nourrissai­t de nos petits travers et grandes lâchetés. Puis il y eut « The Square », sa première palme d’or et son premier pas vers la complaisan­ce de pubard. De son comique de la gêne ne reste que la gêne d’un film peu comique, formelleme­nt aussi creux et lisse que ses personnage­s. Après « la Grande Bouffe », la petite « gerbouille »… NICOLAS SCHALLER

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Charlbi Dean Kriek et Harris Dickinson.

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