L'Obs

DU FORD PUR ET DUR

LA CHARGE HÉROÏQUE

- FRANÇOIS FORESTIER

Western américain de John Ford (1949). Avec John Agar, Joanne Dru, John Wayne. 1h40.

Le deuxième film de la trilogie que John Ford a consacrée à la cavalerie, après « le Massacre de Fort Apache » et avant « Rio Grande ». Sur fond de guerres indiennes, le réalisateu­r brosse le portait d’un militaire, le capitaine Brittles (joué par John Wayne), qui tente de désamorcer un conflit, alors qu’il est au bord de la retraite. Tous les thèmes de Ford sont là, toutes ses images aussi : tourné dans Monument Valley, avec l’aide des tribus locales (à une époque où l’on ne faisait jouer, à Hollywood, que des faux Peaux-Rouges, des Blancs couverts de brou de noix), le film est à la fois nostalgiqu­e, émouvant et visuelleme­nt splendide. Le tournage, d’ailleurs, a été source de bagarres homériques, notamment entre le metteur en scène et le directeur photo, Winton C. Hoch (qui recevra un oscar pour « l’Homme tranquille » en 1952) : ainsi, alors qu’un orage assombriss­ait l’horizon, Ford exigea qu’on tourne, malgré le refus de Hoch. On dit que des coups de poing furent échangés, doublés d’insultes dont Ford n’était pas avare. Résultat : une scène en Technicolo­r absolument inoubliabl­e de beauté. La légende veut que Ford, hésitant sur le choix de l’acteur principal, ne voulait pas de John Wayne, trop fruste à son avis (il l’avait pourtant découvert en 1928, pour « Mother Machree »). Mais, assistant à la projection de « la Rivière rouge » de Howard Hawks, le vieux grognon changea d’avis : « Je ne savais pas que ce fils de pute pouvait jouer ! » Le tournage de « la Charge héroïque » terminé, Ford se fendit d’un cadeau : un gros gâteau marqué « Tu es un acteur, maintenant ! ». Le film est resté dans les annales, ne serait-ce que pour les conditions primitives dans lesquelles il a été tourné (camping pour tous les technicien­s, douches froides, cantine minimale et, surtout, pas de whisky !). Et aussi pour les blagues salaces dont Joanne Dru, l’actrice qui joue la nièce de l’un des officiers, était l’objet. Son vrai nom de famille était LaCock. On imagine les calembours, les galéjades et les vannes qu’elle a dû subir, la pauvre. En ce qui concerne Wayne, son vrai prénom était « Marion ». Vu la carrure du gars, on le blaguait moins.

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