L'Obs

L’AUTRE CHAMP DE BATAILLE

VIOLS DE GUERRE, 70 ANS D’HISTOIRE D’UNE ARME TABOUE

- Documentai­re de Danièle Alet (2019). 55 min. HÉLÈNE RIFFAUDEAU

Dans « Une femme à Berlin. Journal 20 avril22 juin 1945 », publié sous l’anonymat en 1954, une jeune Allemande révèle les viols collectifs et répétés, commis par des soldats soviétique­s, dont elle a été victime à la Libération. Ce n’est pas un cas isolé : en Allemagne, elles seraient plus de 900 000 à avoir été, comme elle, des butins de guerre pour ceux que l’on considérai­t alors comme des héros – un tiers de ces viols ont été perpétrés par des soldats de l’Ouest. Mais ces crimes, minorés en les réduisant à de « sales histoires », ont été largement occultés dans la Grande Histoire. Il a fallu attendre 1995 et le travail de l’historienn­e Miriam Gebhardt pour briser ce tabou. Dans un documentai­re qui mêle archives et témoignage­s, la réalisatri­ce Danièle Alet revient sur cet épisode et lève le voile sur ces crimes massifs utilisés, durant soixantedi­x ans, comme arme de guerre. En 1944, pendant la campagne d’Italie, des soldats du corps expédition­naire français – dont on a préféré retenir, là aussi, les seuls actes de bravoure – s’attaquent aux femmes, aux petites filles et aux petits garçons. Pendant la Seconde Guerre mondiale, des milliers de jeunes femmes asiatiques, désignées sous l’euphémisme « femmes de réconfort » (photo), sont réduites à l’état d’esclaves sexuelles par l’armée impériale du Japon pour satisfaire ses soldats. Ces faits n’ont été révélés qu’en 1992. Durant les années 1990, dans plusieurs conflits, le viol est même devenu une arme stratégiqu­e à visée d’épuration et d’exterminat­ion : mutilation­s sexuelles massives en République démocratiq­ue du Congo, « camps de viol » en Bosnie, transmissi­on volontaire et organisée du sida au Rwanda. Depuis, le viol et les exactions sexuelles ont été reconnus comme crimes contre l’humanité en ex-Yougoslavi­e par le Tribunal pénal internatio­nal, de même, la torture sexuelle au Rwanda est désormais considérée comme un élément constituti­f du génocide. Malgré ces avancées juridiques, le corps des femmes continue à être, comme on l’a vu notamment avec les femmes yézidies en Syrie, un champ de bataille.

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