Le flop de Trump
La vague rouge annoncée aux élections américaines de mimandat n’a donc pas eu lieu, et Joe Biden a évité la déroute. D’après les premiers résultats du scrutin du 8 novembre, le président démocrate conservera sa majorité au Sénat tandis que, à l’heure où nous écrivons ces lignes, le sort de la Chambre des Représentants est encore incertain tant la bataille est serrée. C’est une première dans l’histoire électorale américaine. Car ces élections, qui tiennent lieu de référendum sur l’action du président, lui sont presque toujours défavorables. Et avec une inflation à 8 %, il semblait naturel que 2022 soit une répétition des échéances de 2010 et 2018, qui enregistrèrent des défaites sévères du parti au pouvoir. Il y a donc dès maintenant quelques enseignements à tirer de ce qui ne sera, au mieux, qu’une « red ripple », une vaguelette rouge.
Tout d’abord, Donald Trump est sans conteste le grand perdant de ces élections. Le come-back du milliardaire, qui a la prochaine présidentielle en tête, n’a pas eu les effets escomptés. Plusieurs candidats qu’il soutenait et partisans de la thèse de « l’élection volée » par Biden ont été battus. Et ceux qui ont gagné sont ceux qui ont renié ses outrances. Il est même désormais certain qu’aucun des négateurs d’élections ne sera élu dans un des swing States, ces Etats qui peuvent basculer d’un parti à l’autre à chaque élection. De plus, avec la réélection de Ron DeSantis, 44 ans, en Floride, avec 20 points d’avance sur son adversaire démocrate, l’ex-président sera défié par un rival sérieux qui a déjà levé plus de 200 millions de dollars pour la campagne présidentielle de 2024. Et Trump a laissé entendre qu’il pourrait faire des révélations sur son ancien protégé, soulignant la menace qu’il représente pour son investiture.
Ensuite, si les considérations économiques ont été déterminantes pour les électeurs, elles n’ont pas été exclusives de leurs convictions sociétales (le droit à l’avortement) et politiques (l’avenir de la démocratie). Il semble que la stratégie consistant à présenter le scrutin comme un enjeu existentiel pour la démocratie ait été payante. Les abstentionnistes démocrates, choqués par la violence de la campagne MAGA (« Make America Great Again », le slogan de Trump), ont repris le chemin des urnes. Ils ont vu dans l’agression au marteau du mari de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des Représentants, qualifiée de « folle » par Trump et haïe par les trumpistes, une illustration de la dérive MAGA. En outre, l’abrogation par la Cour suprême de l’arrêt Roe vs Wade, qui garantissait depuis un demi-siècle le droit à l’avortement, a ancré la question de l’interruption volontaire de grossesse dans le débat national. « Il s’avère que les femmes apprécient d’avoir des droits humains et que nous votons », a tweeté Hillary Clinton. Ainsi dans quatre Etats, Californie, Kentucky, Michigan et Vermont, où la question était posée sous forme de référendum, les défenseurs du droit à l’IVG l’ont emporté. Pourtant ces élections, aussi serrées soient-elles, ne signifient évidemment pas que l’Amérique, lasse des excès trumpistes et de la rhétorique guerrière, veut désormais être gouvernée au centre. Le camp républicain, débarrassé des excès narcissiques de Trump, ne l’est pas de sa sémantique ultraradicale. Jamais les camps n’ont été aussi divisés, et l’atmosphère de guerre civile continuera après les midterms en vue de l’élection présidentielle de 2024.
Présenter les “midterms” comme un enjeu existentiel pour la démocratie a été payant.