Faut-il indexer les salaires sur l’inflation ?
“Ce serait bon pour la croissance française”
Pourquoi êtes-vous favorable à l’idée d’indexer les salaires sur l’inflation ?
Parce que depuis de nombreuses années, les Français ont vu leur pouvoir d’achat se dégrader et qu’un rééquilibrage est nécessaire, surtout au vu de la conjoncture mondiale. Cette année encore, l’augmentation moyenne des salaires, secteurs privé et public confondus, se situera entre 2,5 % et 3 %, alors que l’inflation dépassera les 5 %. Et je ne vous parle pas du poids de l’immobilier, qui pèse de plus en plus dans le budget des ménages. Indexer certains salaires sur l’inflation n’est en rien radical : cela ne permettrait « que » de maintenir le niveau de vie de nos concitoyens, aucunement de les enrichir.
Quand vous dites « indexer certains salaires », à qui pensez-vous ?
Aux 60 % à 70 % des travailleurs qui ont les rémunérations les plus faibles – ce qui inclut naturellement les salariés au Smic, déjà indexés sur l’inflation. Il me semble en effet que les salariés situés dans les déciles de salaires les plus élevés ne souffriront pas de fournir un effort en matière de pouvoir d’achat. On peut supposer que leur capacité d’épargne sera moins importante, ce qui reste acceptable. Si vous soutenez le pouvoir d’achat des classes modestes et moyennes, non seulement vous permettez à des Français touchant entre 1 300 euros [le Smic] et 1 800 euros [le salaire médian] par mois de continuer à s’alimenter correctement, à se
chauffer et à ne pas rogner sur leurs besoins de santé, mais ce serait bon pour la croissance, puisqu’ils continueront à maintenir leur consommation à un niveau élevé.
Cela n’aggraverait-il pas la spirale inflationniste ?
L’épisode d’inflation que nous traversons n’a rien à voir avec une politique salariale trop « généreuse » ! Elle provient d’une succession de mauvaises récoltes dans le monde, du Covid qui a désorganisé le transport des marchandises et les entreprises, des effets de la guerre en Ukraine, etc. Maintenant, je reconnais qu’il existe un risque que certaines entreprises profitent de la hausse des salaires pour augmenter, plus que de raison, leurs prix. Mais nous pouvons limiter cet effet d’aubaine en instaurant une vraie surveillance des prix.
Ne risque-t-on pas d’affaiblir la compétitivité de nos entreprises ?
C’est une vision très étroite d’affirmer que le « coût du travail » réduirait la compétitivité. Elle dépend de bien d’autres choses en réalité : de la productivité, du taux de change et aussi de l’effet « de réputation ». Pourquoi les Allemands exportentils si bien leurs produits industriels et nous, nos produits de luxe ? Pas parce qu’ils sont moins chers, mais parce qu’ils séduisent les marchés internationaux. Le maintien de salaires décents ne grèverait en rien cet état de fait.
Propos recueillis par