“Personne ne gagnerait à détériorer davantage la situation”
On sait que l’inflation est difficilement vécue par les ménages les plus fragiles. Ne faut-il pas en atténuer les effets en indexant justement les salaires sur l’inflation ?
Vous avez raison sur un point : il faut lutter à tout prix contre une inflation galopante, même si je vous rappelle que la France est moins touchée que ses voisins européens, grâce à un contrôle des prix et à une importante politique redistributive [aides et allocations]. Par ailleurs, indexer les salaires sur l’inflation, cela se pratique déjà pour le salaire minimum, ce qui a un impact, direct ou indirect, sur une forte proportion de la masse salariale de notre pays. Mais étendre cette indexation à tous les salaires aggraverait l’inflation.
Pourquoi ?
Parce que, pour une entreprise, augmenter les salaires signifie augmenter l’ensemble de ses coûts de production et alourdir ses charges. Certaines ont certes les moyens de le faire, mais pour d’autres, cela signifierait une baisse importante de leur marge. Et aurait nécessairement un impact sur les prix des produits… ce qui aggraverait, par ricochet, l’inflation. Pour les ménages les plus modestes, dans un premier temps, l’indexation serait donc un gain, mais les prix s’alignant vite, le retour de flamme risquerait d’être difficile. Je vous rappelle par ailleurs que si certaines grandes entreprises
françaises se sont beaucoup enrichies ces dernières années, la plupart pâtissent d’un contexte difficile, avec ce qu’on appelle un « coût d’offre », une forte augmentation des coûts due au renchérissement de l’énergie et des matières premières. Ce coût creuse leur endettement, ce qui, dans un contexte de remontée des taux d’intérêt, est mauvais. Elles connaissent aussi des difficultés à recruter, donc à améliorer leur productivité. Personne ne gagnerait à détériorer davantage cette situation.
Que prônez-vous pour atténuer les effets de l’inflation ?
Le mécanisme le plus intéressant, à mon sens, est celui des aides ciblées versées par l’Etat, comme par exemple le chèque énergie. On peut bien sûr discuter de son montant, de sa durée et de la proportion des ménages qui en bénéficient, mais sur le principe, c’est une solution efficace. Quant au secteur privé, il faut encourager le versement de primes qui permettent de sauver le pouvoir d’achat des ménages le temps de la crise, sans alourdir les charges ni créer durablement d’emballement inflationniste. Je regrette que les syndicats français manquent de pragmatisme à ce sujet et ne réclament pas davantage de primes. Se focaliser sur l’augmentation du salaire nominal n’est pas, à moyen terme, le meilleur levier.
Propos recueillis par