L'Obs

De la haine

CONTRECOUP, PAR MARIE LABERGE, ÉDITIONS QUÉBEC AMÉRIQUE, 544 P., 24 EUROS.

- CLAIRE JULLIARD

Marie Laberge, grande dame des lettres québécoise­s, aurait pu intituler son quinzième roman « Ceux qui restent » comme l’un de ses précédents opus. Celui-ci examinait l’évolution des proches d’un suicidé. Son nouveau récit choral se penche sur les dommages collatérau­x d’un carnage. En 2018, Rock s’empare d’une arme d’assaut et tue trois femmes dans une boutique. L’une d’elles, Juliette, était l’ex-petite amie de son jumeau Eloi. L’assassin la tenait pour responsabl­e de l’abandon de son frère, lequel pour préserver sa relation amoureuse avait coupé les ponts avec lui. Rock ne s’en était jamais remis. Retranché dans le sous-sol de ses parents, il entretenai­t son ressentime­nt contre les femmes et la société. Tapi devant son ordinateur, il émettait des messages orduriers. Jusqu’à son passage à l’acte. « Contrecoup », histoire d’une gémellité pathologiq­ue, est une enquête, non pas sur le parcours d’un meurtrier, mais sur les réactions de son entourage. Et sur la psychologi­e des trois victimes qui se connaissai­ent et dont les liens se révèlent complexes. En une série de chapitres courts et vifs, l’auteure dissèque les interrogat­ions des familles, des amis, des amants. Elle sonde le désarroi d’Eloi face à son double monstrueux et à sa mère Ginette. Celle-ci, qui préférait Rock, sombre à son tour dans un état critique. L’intrigue est dense, le livre, un peu long mais le rythme, trépidant. Son thème va au-delà du terrorisme et des violences faites aux femmes. Car le tueur est en proie à un mal viscéral et contagieux. La haine qui gangrène notre civilisati­on, c’est toute la problémati­que du livre : comment résister à ce poison violent et insidieux, comment avancer ? Comme toujours, chez l’écrivaine, la vie reprend ses droits en douceur. Ce qui fait la force de Marie Laberge, c’est la vitalité vibrionnan­te d’une oeuvre où la mort est pourtant omniprésen­te.

 ?? ?? Née à Québec en 1950, romancière, dramaturge et scénariste, MARIE LABERGE
est l’auteure d’une trilogie, « le Goût du bonheur » (« Gabrielle », « Adelaïde » et « Florent »), qui s’est vendue à plus d’un million d’exemplaire­s dans le monde francophon­e, dont 300 000 ex. en France.
Née à Québec en 1950, romancière, dramaturge et scénariste, MARIE LABERGE est l’auteure d’une trilogie, « le Goût du bonheur » (« Gabrielle », « Adelaïde » et « Florent »), qui s’est vendue à plus d’un million d’exemplaire­s dans le monde francophon­e, dont 300 000 ex. en France.

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