L'Obs

La vie en bleu

YVES KLEIN, INTIME. HÔTEL DE CAUMONT-CENTRE D’ART, AIX-EN-PROVENCE (13). 04-42-20-70-01 ET WWW.CAUMONT-CENTREDART.COM. JUSQU’AU 26 MARS 2023.

- JULIEN BORDIER

Soixante ans après sa mort, à seulement 34 ans, l’aura d’Yves Klein brille toujours autant que son célèbre bleu outremer (Internatio­nal Klein Blue) dont il a fait breveter le principe de fabricatio­n, en 1960. Prototype du plasticien contempora­in ouvert à tous les médias (peinture, sculpture, performanc­e, photograph­ie…), le Niçois ne cesse d’imaginer des oeuvres spectacula­ires : les « monochrome­s en feuille d’or », « peintures de feu », « le Saut dans le vide »… Yves Klein maîtrise parfaiteme­nt son image. Il dirige ainsi ses « Anthropomé­tries », véritables happenings avant la lettre, tel un chef d’orchestre. En noeud papillon et gants blancs, il invite ses modèles dénudés et badigeonné­s de bleu à laisser leur empreinte corporelle sur la toile.

L’exposition que lui consacre l’Hôtel de Caumont, à Aixen-Provence, propose d’escalader le mythe Klein par la face intime. On ne peut pas comprendre en e et ses créations sans parler du rôle fondamenta­l joué par le judo dans sa vie. Fils de deux artistes peintres, Yves Klein rejette l’idée de suivre la voie de ses parents. Après son échec au bac, il part pour le Japon pour étudier la seule forme d’art essentiell­e à ses yeux, l’art martial. Cette pratique qui lie force et spirituali­té, développe le rapport à l’espace, la justesse du geste, la notion de chute et, par conséquent, du vide, le marque profondéme­nt. Quand il revient en France avec sa ceinture noire, cet autodidact­e garde ses distances avec la peinture académique, préférant employer le rouleau pour réaliser des monochrome­s ou bien, plus tard, recourir à de véritables « pinceaux vivants ». Il désire que le spectateur soit totalement imprégné par la couleur bleue, la plus sensible selon lui. Le regardeur doit devenir comme ses « sculptures éponges », gorgé de pigment. Le parcours chapitré de l’exposition aborde sous différents angles une carrière qui n’a duré que huit ans. La question de la religion a eure. Fervent catholique, Yves Klein aspire à une forme d’élévation vers l’immatériel, comme sur cette célèbre photo (un montage) qui le montre suspendu en plein vol. En 1962, il commence la création de moulages en plâtre de ses amis. Dans un témoignage poignant datant de 1966, sa veuve, Rotraut Uecker, raconte que le jour de la mort d’Yves Klein (d’une crise cardiaque), était programmée la réalisatio­n du « portrait relief » de l’artiste. Le plâtrier a finalement réalisé son masque mortuaire. La dernière empreinte d’Yves Klein.

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« Sculpture éponge bleue sans titre, (SE 44) » (1960).

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