Sweat à capuche
Nos ancêtres n’avaient pas renoncé à être des conquérants. Néanmoins, au début du e siècle, il se produisit un basculement. Pendant que Vladimir Poutine, le président de l’ancienne Russie, échouait en Ukraine à reconstruire un empire selon des modalités traditionnelles (consistant à envoyer des soldats prendre possession de territoires physiques), Elon Musk, un entrepreneur originaire d’Afrique ayant fait fortune en Amérique parvenait à asseoir sa domination sur un territoire immatériel du nom de Twitter. Bien sûr, nos aïeux ne vivaient pas dans Twitter, mais ils y conversaient (en tout cas une partie d’entre eux, mais quatre fois supérieure en nombre à la population ukrainienne, et qui produisait des propos dont l’incidence sur le monde était largement plus forte que tout ce qui pouvait se dire en Ukraine). Il s’agit là d’un changement majeur dans l’Histoire. Au regard d’une conquête militaire classique qui – indépendamment de sa réussite – était devenue trop coûteuse en vies, en temps, en répercussions économiques et géopolitiques, le nouveau mode de conquête apparut à nos ancêtres comme rapide, aisé, et bon marché. Alors même que Poutine et Musk poursuivaient des buts tout à fait semblables : imposer leur loi à des gens sur lesquels ils n’exerçaient légitimement aucun pouvoir. Ce qui di érait étaient les moyens : aux armes se substituaient les programmes informatiques et leur aptitude à dicter des règles sans donner l’impression de contraindre. C’est aussi que les conquérants à l’ancienne n’avaient pas compris que maîtriser la conversation était devenu le meilleur moyen – mais au fond peut-être l’avait-il toujours été – de maîtriser la vie. Ainsi peut-on dater de ce tournant le goût de nos aïeux pour la célébration de ceux qu’ils appelaient les « géants de la Tech » et qui se substituèrent dans la mémoire collective aux héros militaires de jadis. Ce qui se matérialisa par la disparition du costume et des uniformes au profit du tee-shirt et du sweat à capuche comme attributs de la puissance.