Lai Ching-te
Grand défenseur de la démocratie, le nouveau président de Taïwan ne mâche pas ses mots contre Pékin, mais tient à “promouvoir la paix”
1 BÊTE NOIRE
C’est le candidat le plus détesté par Pékin que les Taïwanais ont élu comme président le 13 janvier, avec plus de 40 % des voix. Le candidat du Parti démocrate progressiste (PDP) a très souvent été gratifié de noms d’oiseaux par la presse officielle chinoise : « le menteur de l’indépendance de Taïwan », « le voyou de l’extrême », « le prêcheur de guerre »…
2 FRANC-PARLER
Lai Ching-te s’est attiré l’exécration du régime chinois par ses déclarations tranchées en faveur de l’indépendance de l’île. En 2017, au moment de prendre ses fonctions de Premier ministre, il se décrivait comme « un homme politique qui soutient sans aucune hésitation l’indépendance de Taïwan » et promettait de « ne jamais changer de position ».
3 PRAGMATIQUE
Depuis, il s’est conformé à la ligne de la présidente sortante Tsai Ing-wen : « Taïwan n’a pas besoin de déclarer l’indépendance, elle est de facto souveraine et indépendante. » Se décrivant désormais comme un « pragmatique qui a autant d’affinité avec la Chine que d’amour pour Taïwan », il dit vouloir « promouvoir la paix tout en protégeant Taïwan ». Lors de sa campagne, il a assuré qu’il ne ferait pas de déclaration officielle d’indépendance.
4 CHEVRONNÉ
Lai Ching-te, 64 ans, connu aussi sous son nom anglais William Lai, a fait toute sa carrière politique au sein du PDP. Contrairement à la présidente sortante, une technocrate qui n’avait jamais été élue avant d’être nommée candidate à la présidentielle par le parti, Lai est un politique chevronné. Elu député de Tainan, puis maire de la même ville pendant deux mandats, il est nommé en 2017 Premier ministre de Tsai Ing-wen, puis vice-président.
5 COMBATIF
Malgré l’existence au sein du PDP d’un fort courant indépendantiste, la présidente Tsai Ing-wen a toujours observé une grande retenue. Lai est aux antipodes : éloquent, il improvise souvent ses discours et ne fuit pas le clash. Dans un clip de 2005 qui fait les délices de ses partisans, on le voit au Parlement s’en prendre violemment à ses adversaires du parti Kuomintang (proPékin) qui avaient bloqué une proposition d’achat d’armements américains, en leur criant : « Vous avez détruit ce pays ! »
6 PAUVRETÉ
Lai tranche avec une classe politique taïwanaise généralement issue des couches favorisées. Lui est né à Wanli, une bourgade du nord de l’île, dans une famille pauvre. Comme le toit de leur bicoque fuyait à la moindre pluie, la famille l’avait couvert de feuilles de plomb. « Mais à chaque typhon la couverture s’envolait », raconte-t-il dans une vidéo. Il a 2 ans quand son père meurt au fond d’une mine de charbon, intoxiqué au monoxyde de carbone.
7 FIBRE SOCIALE
Sa mère a élevé seule ses six enfants.
Lai entretient avec elle une relation très forte : « Elle partait travailler aux aurores et revenait quand nous étions déjà couchés. » De son enfance très pauvre, Lai garde une grande sensibilité aux besoins des populations les moins favorisées.
8 NÉPHROLOGUE
Elève doué, Lai réalise son rêve : devenir médecin. Il obtient sa spécialité en néphrologie dans une université à Taïwan et décroche un master en santé publique à Harvard, aux Etats-Unis. Ce bagage lui servira en 2020, quand, vice-président, il contribuera au choix des politiques de lutte et de prophylaxie les plus efficaces du monde contre le Covid-19.
9 DÉMOCRATE
En 1996, Taïwan tient son premier scrutin démocratique, après un demi-siècle de dictature militaire du Kuomintang. Et pour influencer – déjà – le vote taïwanais, Pékin lance des missiles dans les eaux proches de l’île. C’est ce qui décide Lai à se consacrer à la politique : « J’ai compris que j’avais le devoir de participer à l’expérience démocratique de Taïwan et de la protéger contre ceux qui voulaient la détruire », écrit-il dans le « Wall Street Journal ».
10 VICEPRÉSIDENTE
La Chine a réagi avec d’autant plus de colère à son élection que la viceprésidente Hsiao Bi-khim, ex-ambassadrice de Taïwan à Washington de 2020 à 2023, dont la mère est américaine, est proche de poids lourds de l’administration Biden. Pékin l’a inscrite sur la liste noire des personnalités interdites de séjour en Chine et à Hongkong.