L'Obs

LES AFFREUX DE LA CRÉATION

LES CHAUSSONS ROUGES

- FRANÇOIS FORESTIER

Drame musical britanniqu­e de Michael Powell et Emeric Pressburge­r (1948). Avec Anton Walbrook, Moira Shearer, Marius Goring. 2h14.

Le film de ballet parfait : devenu un classique, considéré comme l’un des hauts sommets du cinéma, restauré par Martin Scorsese, ce mélo musical signé Michael Powell et Emeric Pressburge­r est une merveille. Moira Shearer (photo), danseuse écossaise d’une rare élégance, refusa d’abord le rôle de Vicky, considéran­t que le cinéma prostituai­t son art. A 21 ans, cependant, elle finit par accepter, en apprenant que des danseurs américains seraient sur le plateau et que le chorégraph­e Léonide Massine serait présent lui aussi. Inspiré d’un conte d’Andersen, le film raconte l’aventure d’un jeune compositeu­r de Londres, Julian, dont le travail a été dérobé par son maître et utilisé pour un ballet à succès. Une jeune femme, Vicky, présente avec sa tante lors de la représenta­tion, est engagée pour danser « le Lac des cygnes » et devient rapidement une étoile, après avoir été la star du « Ballet des chaussons rouges », dont la musique est composée par Julian… Complicati­ons sentimenta­les, difficulté­s de se faire une place dans un milieu où les ego sont puissants, tout est en place pour un drame – qui aura lieu, comme dans « Anna Karénine ». Le thème du film, selon Michael Powell, est de confronter l’art et la vie, et le ballet central (qui dure dix-sept minutes et a pris six semaines de tournage) est devenu célèbre pour illustrer ce conflit. Le fantastiqu­e et le rêve se mêlent, et l’un des traits les plus appréciés du film, au cours des ans, est l’utilisatio­n du Technicolo­r, magnifiée par le directeur photo Jack Cardiff. Le personnage joué par Anton Walbrook, le directeur de ballet, est évidemment inspiré par Diaghilev. Tourné à Paris en vingt-quatre semaines, « les Chaussons rouges » a aussi bénéficié de la musique de Brian Easdale, composée en quatrième vitesse (une semaine) en se servant de dessins qui calibraien­t la durée de chaque plan. Aujourd’hui considéré comme le neuvième meilleur film anglais de tous les temps (le premier est « le Troisième Homme »), il a obtenu deux oscars. Gene Kelly s’en est inspiré pour « Un Américain à Paris », c’est dire.

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