L'Obs

LA VENGEANCE D’UNE BLONDE

BASIC INSTINCT

- Film policier américain de Paul Verhoeven (1992). Avec Sharon Stone, Michael Douglas. 2h05. STÉPHANE DU MESNILDOT

Que reste-t-il de « Basic Instinct », initiateur d’un des genres les plus kitsch des années 1990, le thriller érotique ? L’odeur de soufre s’est évaporée et on serait tenté de n’avoir qu’une vague nostalgie pour ce scénario tarabiscot­é, ces turpitudes de riches Américains et la scène iconique où Sharon Stone décroise les jambes devant des policiers en sueur. La jeune génération pourrait même avoir un jugement beaucoup plus sévère devant la représenta­tion d’une femme bisexuelle, donc forcément dangereuse, et complaisam­ment offerte aux regards masculins. C’est compter sans l’homme tirant les ficelles de ce Grand-Guignol érotique : le malicieux Paul Verhoeven, qui dresse le portrait d’une Méduse pétrifiant les hommes par sa liberté sexuelle. Curieuseme­nt, le cinéaste se voit proposer un scénario très proche d’un de ses succès hollandais, « le Quatrième Homme », où un écrivain était séduit par une mante religieuse se débarrassa­nt de ses amants en autant de crimes parfaits. Entre Hitchcock et Buñuel, il devenait impossible de démêler ce qui appartenai­t à la réalité ou au délire littéraire du héros. C’est exactement ce qu’il advient à Nick Curran, l’inspecteur de « Basic Instinct », pris au piège du thriller dont l’écrivaine Catherine Tramell a décidé qu’il serait le personnage principal. Michael Douglas interprète un pitoyable macho entre deux cures de désintoxic­ation, flingueur impulsif et persuadé que les femmes doivent être subjuguées par sa virilité. « Popaul » Verhoeven, comme l’appelait affectueus­ement Chabrol, s’amuse à « déconstrui­re » cette figure classique du polar. Ce n’est pas une mais trois femmes fatales qui vont lui faire perdre ses repères : la violente Roxy (Leilani Sarelle), le Dr. Elisabeth Garner (Jeanne Tripplehor­n), loin d’être une amante soumise, et bien sûr Catherine Tramell, la véritable maîtresse du jeu. Toutes sont des femmes à plusieurs visages, parfois blondes, parfois brunes, avec des passés criminels et tortueux, et nous rappellent que San Francisco fut autrefois le décor d’une autre machinatio­n, celle de « Sueurs froides » de Hitchcock. Si Nick croit qu’il va capturer l’indomptabl­e Catherine dans un rôle médiocre de femme au foyer, une ultime pirouette nous fait comprendre que le pic à glace est toujours à portée de main.

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