Le bilan de compétences, pour quoi faire ?
Ce dispositif, qui consiste à faire le point sur sa vie professionnelle, peut accompagner une reconversion aussi bien qu’une évolution de poste
Avant, Véronique Dars-Lagarde était cheffe monteuse et réalisatrice. Mais ça, c’était « avant », avant un bilan de compétences qui a contribué à changer sa vie. En 2015, quand elle apprend que son employeur, Télé Toulouse, va fermer, elle décide de faire un point sur sa vie professionnelle. Pendant quatre mois, Véronique s’investit à fond dans son bilan de compétences, en parallèle de son travail, grappillant du temps entre 12 heures et 14 heures : « J’ai fait énormément de recherches, beaucoup échangé avec ma conseillère, notamment sur les professions paramédicales, mais les tests qu’elle m’a fait passer ont mis en évidence un attrait pour l’enseignement. Je me suis laissé convaincre, et j’ai filé m’inscrire au concours de l’Inspe [Institut national supérieur du Professorat et de l’Education, NDLR]. » Pour mettre toutes les chances de son côté, Véronique, qui a alors 47 ans, s’inscrit dans une préparation privée au concours de professeurs des écoles et prend aussi des cours de mathématiques. « Quand j’ai décroché le concours, j’étais très fière de moi, mais l’année de master 2 a été rude, je travaillais tous les jours, y compris soirs et week-ends. » Titularisée en 2016, Véronique travaille aujourd’hui dans une école proche de Toulouse. « Je m’éclate ! s’exclame-t-elle. C’est un travail très gratifiant, mon ancien métier ne me manque pas du tout. Le changement d’“identité” lié au changement de métier n’a pas été facile, mais je l’ai bien préparé grâce à mes stages d’observation. Reste que si je n’avais pas fait ce bilan de compétences, je n’aurais jamais pensé à devenir enseignante. »
L’objectif du bilan de compétences, qui fait partie de la formation professionnelle, est clairement défini dans le Code du Travail : il doit ainsi « permettre à des travailleurs d’analyser leurs compétences professionnelles et personnelles ainsi que leurs aptitudes et leurs motivations afin de définir un projet professionnel et, le cas échéant, un projet de formation ». Il est donc pertinent, qu’il y ait déjà un projet professionnel précis, ou pas. Il se déroule dans le cadre de séances absolument confidentielles, y compris vis-à-vis de l’employeur, même si c’est lui qui le finance. Mais comment choisir le ou la professionnelle qui va vous accompagner ? Hélène Fromont, quinze ans d’accompagnement de bilan de compétences à son actif (1),
conseille de se fier à son feeling, en profitant de l’entretien préalable de positionnement, gratuit, pour s’assurer que « le courant passe » : « Il est important de se sentir à l’aise avec la personne qui va vous accompagner. Il faut lui demander quelle est son approche. Est-elle plus dans l’accompagnement, dans une démarche maïeutique ? Ou plus dans l’interprétatif, avec des tests et une approche qui s’apparente un peu plus à celle d’un conseiller d’orientation? Comment cette personne a-t-elle été formée? A-t-elle un réseau professionnel important et dans le domaine d’activité qui vous intéresse, s’il est déjà défini ? » Un conseiller qui connaît bien le métier ou le secteur d’activité que vous visez sera en effet plus apte à attirer votre attention sur des aspects moins connus de cet univers, et à en avoir une vision réaliste.
EXPLORATION DE SOI
Le bilan de compétences dure vingt-quatre heures maximum, sont inclus les entretiens, en présentiel ou en visio, mais aussi le temps de travail du conseiller sur votre dossier. « Au-dessous de douze heures d’entretien, c’est un peu court pour réussir à se mettre en mouvement et s’impliquer dans la démarche », souligne Hélène Fromont. Tout bilan doit comporter trois phases, dont la durée varie en fonction du candidat. La première est destinée à la connaissance et à l’exploration de soi, au sens large, « ça peut parfois être long, indique-t-elle, mais c’est toujours indispensable ». La deuxième est consacrée aux investigations extérieures, l’exploration des deux ou trois pistes de formation ou d’orientation qui reviennent souvent dans les échanges : « C’est un travail de documentation, résume Hélène Fromont, incluant des rencontres avec des professionnels évoluant dans le métier ou le secteur professionnel envisagé, et c’est aussi une démarche d’autonomisation, ce n’est pas au conseiller de faire ce travail à la place de la personne qui fait son bilan. » Une étape qui peut se révéler très chronophage, surtout si cette personne souhaite faire des
stages auprès de professionnels pour tester son projet. La troisième et dernière phase est la matérialisation d’un plan d’action : entrée en formation, démarches administratives pour créer une entreprise, etc. La conseillère insiste : « Un bilan de compétences réussi suppose beaucoup d’investissement, ce n’est pas un échange en mode descendant. C’est plutôt la rencontre de deux expertises, le conseiller qui accompagne, expert de la démarche, des outils, du monde du travail et de la formation, et la personne accompagnée, qui est la seule à savoir ce qui est bon pour elle. »
Comme Véronique, Aurélien Boucher, 39 ans, s’est tourné vers le bilan de compétences quand il a commencé à ne plus se sentir à sa place dans son travail, dans le secteur de l’informatique : « J’en avais vraiment marre d’être assis à mon bureau. » Après un bilan de compétences en 2020, et un brevet professionnel responsable d’entreprise agricole (BPREA) décroché en 2022, il travaille aujourd’hui comme ouvrier agricole, en attendant de trouver une exploitation à reprendre ou à créer en Bretagne : « Quand j’ai commencé le bilan, j’avais déjà une idée de ce que je voulais faire, du maraîchage. Les entretiens ont donc rapidement
“Le bilan, ce n’est ni du coaching, ni une thérapie, ni une baguette magique. Mais on peut en attendre un ‘reboost’ de sa confiance en soi.”
CLARENCE MIRKOVIC, CONSULTANTE EN BILAN DE COMPÉTENCES
basculé de la définition du projet à l’accompagnement vers ma reconversion, et la constitution d’un dossier de démission-reconversion. » Le principe de ce dispositif est de permettre à un salarié de se reconvertir en suivant une formation financée par France Compétences, tout en touchant une allocation chômage. « Ma conseillère m’a épaulé pour faire mon dossier de financement et pour candidater dans l’organisme où j’ai passé mon BPREA. Son aide a été déterminante », ajoute encore Aurélien.
BIEN CHOISIR LE MOMENT
Si les exemples de Véronique et d’Aurélien sont très positifs, il peut arriver que le bilan déçoive celui ou celle qui s’y est engagé. « Il y a parfois des attentes beaucoup trop élevées, ou déplacées, décrypte Hélène Fromont. Un bilan de compétences n’est pas fait pour trouver un emploi rapidement, le consultant n’est pas là pour donner un projet tout ficelé, il ne fait pas “à la place”, le bilan n’est pas non plus le remède miracle en cas de conflit professionnel. » Clarence Mirkovic, consultante en bilan de compétences (2), insiste aussi pour souligner la différence entre son travail et celui de psychologue : « Le bilan sert à définir un nouveau projet professionnel, qu’il s’agisse d’évoluer dans son poste ou de changer de métier. Ce n’est ni du coaching, ni du développement personnel, ni une thérapie, ni une baguette magique : les gens qui arrivent en espérant avoir une révélation sur le sens à donner à leur vie sans faire aucun travail de leur côté seront forcément déçus. En revanche, on peut en attendre un “reboost” de sa motivation et de sa confiance en soi. » Clarence Mirkovic souligne enfin l’importance de bien choisir le moment pour faire cette démarche : il faut être un minimum disponible. Si vous avez du mal à trouver un créneau pour caler un premier rendez-vous avec un conseiller en bilan de compétences, c’est peut-être le signe que vous n’êtes pas encore prêts à vous engager dans ce voyage potentiellement très introspectif.
(1) Hfromont.fr.
(2) Marevolutionpro.com et le podcast « Ma Rêv’olution pro », sur toutes les plateformes.