ENTRE LES MURS
AU COEUR DU COLLÈGE, UN AN À JEAN VILAR
Série documentaire de Stéphane Gillot (2024, 1, 2 et 3/6).
Un collège de Chalon-sur-Saône en guise de « Loft », et sa flopée de petits personnages hauts en couleur élevés au rang d’acteurs de télé-réalité. Il y a là Manon, la petite peste de 14 ans qui fait sa belle et papillonne avec les garçons, Raphaël et Mehdi, terreurs boutonneuses tapies au fond de la classe, Mohamed, pion grand seigneur, héraut des gamines en détresse, ou monsieur Gilares, prof d’EPS à l’accent chantant doublé d’un psy de première bourre. Passées au filtre de la Six, leurs turpitudes d’apprenants/sachants alimentent un sympathique soap opera strié d’archétypes vus et revus, gros clashs, drague dure, gloussements, coups de blues, jusqu’aux couleurs vives du bâti de Jean-Vilar, en tout point conformes aux aplats des studios bardés de caméras de La Plaine Saint-Denis où s’enfermèrent jadis Loana et consorts. Quand bien même le train-train chapitré de la vie scolaire, avec son cortège de devoirs et de représentations, se marie sans heurt avec les canons de cette télé-là, on pourrait ironiser des heures sur le kitsch insensé de cette estampille M6, griffe envahissante qui nappe la moindre particule de réel. Et pourtant, malgré la voix off dispensable d’Ophélie Meunier, pourvoyeuse intarissable de clichés (« La quête de popularité est très importante au collège » – sans blague ?), ou cette surcharge d’afféteries scénaristiques qui lient les séquences entre elles (les troisièmes 2 passeront-ils en seconde générale ?, madame Machin pleurera-t-elle dans ses carottes râpées après le chahut de trop ?, Kevin va-t-il laisser Kevina tranquille ?), le programme est suffisamment animé de bonnes intentions pour explorer avec fraîcheur et précision la nébuleuse contrastée de l’adolescence. Témoin, le harcèlement dont est victime Duygu, attachante gamine moquée par un groupe de garçons plus balourds que psychotiques, est documenté par un millefeuille de scènes qui disent à la fois la banalité du mal, l’impact des coups portés et la psyché en friche de ces élèves embarrassés d’eux-mêmes, bourreaux comme victimes.