Melting potes
Fearless Movement, par Kamasi Washington (double album, Young Turks).
Au confluent du jazz et du hip-hop, Kamasi Washington jouit d’une aura dépassant allègrement la chapelle jazz, quoique des puristes déplorent sa réputation de nouveau géant du genre. Estampillé porte-drapeau du new jazz West Coast et « voix jazzy » de Black Lives Matter, le ténor poursuit sa route librement. Le colosse n’est pas Coltrane et ne prétend pas révolutionner le saxophone (son fidèle Selmer Mark VI) mais jouer une musique qui danse (spirite et charnelle) : ballades cool, déhanchements funk et envolées free. S’il a deux modèles, ce sont Pharoah Sanders (son père Rickey Washington, saxophoniste lui aussi, l’emmena, à l’âge de 8 ans, assister à un concert du créateur de « Karma »), dont les échos s’entendent sur la prière en guèze, langue de la Bible éthiopienne, qui ouvre son nouvel album ; et Wayne Shorter (période Weather Report plus que Jazz Messengers), avec qui il fit ses premières armes.
Né dans le ghetto de South Central à Los Angeles, éduqué au jazz et au gospel par ses parents musiciens, il a grandi au son du hip-hop. Pour lui, la « musique noire » n’a pas de frontières et c’est naturellement qu’il est devenu le « saxo des stars du rap » auprès de Lauryn Hill, Snoop Dogg et Kendrick Lamar. C’est de cette famille que viennent les invités de marque du premier disque (au rang desquels André 3000, en duettiste flûtiste, et le parrain du funk, George Clinton), le second restant dédié au jazz-rock cinématographique, voyage cosmique et exploration méditative de celui qui est aussi un fan de Bernard Herrmann.