Le tourbillon de Zadie
Il y a donc deux Zadie : l’une, britannique, s’est fait connaître avec « Sourires de loup », son premier et meilleur roman. Elle écrit aussi des articles sur les célébrités en vogue : Beyoncé et Kierkegaard, par exemple. L’autre Zadie est écrivaine elle aussi. Elle voudrait écrire son meilleur livre, mais c’est la première qui l’a fait. Comment se venger d’elle ? En écrivant un roman victorien, tiens !
Feydeau en Angleterre. Sarah, la jeune servante de l’écrivain William Ainsworth, reçoit ses ordres d’Eliza Touchet, la gouvernante (et copine occasionnelle) de William. Mais ce dernier épouse la domestique (Sarah donc). Qui commande alors à qui ? William est une sorte d’Alexandre Dumas anglais. Il écrit trop, trop vite, trop pas très bien. Il imagine un roman qui se déroule à la Jamaïque, une île qu’il n’a pourtant jamais visitée. Mais Zadie at-elle jamais vécu sous Victoria et Albert ?
Imposture et côtelettes. Mrs Smith s’est inspirée du procès Tichborne, une affaire qui a défrayé en son temps le barreau britannique, dans la seconde moitié du XIXe siècle, et pour laquelle se passionne Eliza Touchet. Qui est ce boucher semi-analphabète qui tenta, en 1866, de se faire passer pour sir Roger Tichborne ? Imposteur ou rescapé véritable d’un naufrage en mer ? Punchlines à la kalach. Zadie Smith a enfermé, dans « l’Imposture » beaucoup de personnages qui virevoltent dans un tourbillon élégant. Tourbillon qui vous donnera peut-être le mal des transports, mais Zadie Smith aligne les punchlines en mode kalachnikov. Jouissif, donc.
L’Imposture, par Zadie Smith, traduit de l’anglais par Laetitia Devaux, Gallimard, 544 p., 24,50 euros.