DE L’AUTRE CÔTÉ DU MIROIR
DE “MATRIX” À “SENSE8”, LA RÉVOLUTION WACHOWSKI
Documentaire de Thibaut Sève (2024). 1h00.
En 1999, « Matrix », avec son arsenal d’innovations techniques et son histoire paranoïaque (les humains, asservis à leur insu, vivent dans une simulation numérique), fut davantage qu’un coup d’éclat ou un carton de plus au box-office : un jalon fondamental dans l’histoire récente de Hollywood. Vingt-cinq ans après, ce documentaire revient sur l’itinéraire iconoclaste des cinéastes à l’origine de cette référence de la pop culture. Il met en perspective la symbolique du film à la lumière des coming out trans des Wachowski, Lana en 2012, puis Lilly en 2016. Si « Bound », leur premier long-métrage sorti en 1996, mettait déjà en scène un couple de lesbiennes, « Matrix » pousse la métaphore des préoccupations LGBT plus loin encore. Notamment cette séquence ultra-célèbre où le héros Neo (Keanu Reeves) doit choisir entre la vérité et l’illusion, selon qu’il prendra une pilule rouge ou bleue. Pas de doute désormais : ne rien changer ou accepter la vérité renvoie au dilemme des trans entre genres assigné et vécu. De même lorsque le méchant du film, l’agent Smith (Hugo Weaving), incarnation cauchemardesque du conformisme, persiste à appeler Neo par son ancien nom, comment ne pas songer au dur combat des trans pour imposer l’usage du patronyme qu’ils se sont choisi ? Une lecture validée par Lilly Wachowski : « Je suis heureuse que cette intention première ait enfin été révélée. Le monde de l’industrie [du cinéma] n’était pas prêt à l’époque. » En 2015, l’échec commercial de trois des films des deux soeurs les pousse à se tourner vers Netflix. Elles réalisent pour la plateforme la série « Sense8 » et renouent par là même avec un large public. Militante française pour les droits des personnes transgenres, Lexie y voit « l’oeuvre de la maturité trans ». Un des personnages, Nomi, est une femme transgenre lesbienne, en fait une version libérée du Neo de « Matrix » : tous deux sont des hackers, auxquels on rappelle sans cesse leur identité passée. « Etre trans, c’est beaucoup de solitude », explique Lexie. Elle souligne combien des icônes culturelles telles que les Wachowski sont importantes.