CONTREPOINT
DIRECTEUR DU PALAZZO GRASSI ET DE LA PUNTA DELLA DOGANA à VENISE (2010), MARTIN BéTHENOD S’EST VU CONFIER DEPUIS UN AN LE COMMISSARIAT D’UN AUTRE FLEURON DE LA COLLECTION DE FRANçOIS PINAULT: LA SECTION CONTEMPORAINE DU GUCCI MUSEO, à FLORENCE.
L’OFFICIEL ART : Depuis un an, vous êtes en charge des expositions d’art contemporain au Gucci Museo où vous avez programmé une exposition collective, “Femminilità Radicale” (Lee Lozano, Alina Szapocznikow, Evelyne Axell) puis “Grosse fatigue” de Camille Henrot. Quelle orientation entendez-vous donner à ce lieu, et quelles en sont, selon vous, les spécifcités ? MARTIN BÉTHENOD : Plutôt que d’expositions, il s’agit d’un programme d’accrochages d’oeuvres de la Collection Pinault, souvent inédites, qui constituent un contrepoint à l’activité principale du Musée, lié à l’histoire de la marque, de la mode et plus généralement du goût. Ces accrochages, qui peuvent être thématiques ou monographiques, portent un regard particulier sur les femmes artistes, des années 1960 à aujourd’hui.
Vous êtes attentif à la présence des femmes artistes au sein des expositions, qu’est-ce qui vous amène à faire ce choix notamment dans le contexte italien, la question de la parité en art vous semble-t-elle d’actualité?
Il nous a semblé, tout d’abord, intéressant d’aborder une question qui a été relativement peu explorée en Italie, où il n’y a pas d’institutions qui s’y consacrent de manière permanente, comme par exemple en France le Frac Lorraine ou ponctuelle, comme l’accrochage “Elles” au Centre Pompidou. Nous trouvions également important de souligner ainsi la place des artistes femmes au sein de la Collection Pinault, et de toutes les expositions de Palazzo Grassi-Punta della Dogana depuis 2006, de Bridget Riley à Cindy Sherman, Tatiana Trouvé, Julie Mehretu, Sturtevant ou encore Roni Horn. Mais il ne s’agit pas d’une recherche statistique de la parité ou de l’exclusivité , puisque les artistes hommes sont aussi présents, comme par exemple Irving Penn dans cet accrochage.
Le troisième accrochage dont vous assurez le commissariat au sein du Gucci Museo constitue un clin d’oeil à l’iconographie botanique. Comment ce thème entre t-il en écho avec les collections permanentes du musée et avec l’environnement urbain de Florence (la cathédrale Santa Maria del Fiore se trouvant à proximité du musée)? Il s’agit d’échos légers, plus subtils que littéraux, tant avec la tradition iconographique forentine de la Renaissance à aujourd’hui (les salles Botticelli des Ofces sont à moins de 100 mètres) qu’avec l’emblème de la ville. Au-delà de ces clins d’oeil, il y avait l’idée de montrer la richesse de potentialités de cette iconographie. A l’opposé de toute mièvrerie, de toute joliesse même, elle permet d’aborder des thèmes aussi divers que la vanité, le deuil, la politique…
En juin 2010, vous avez pris la direction de Palazzo Grassi – Punta Della Dogana, et êtes donc en charge de la programmation. Quelle orientation avez-vous souhaité insufer depuis votre prise de fonction ? Comment ces deux volets de votre activité, à deux échelles radicalement diférentes, se complètent-ils ?
La programmation de Palazzo Grassi et Punta della Dogana est construite sur la base d’une alternance entre grandes expositions thématiques construites à partir des oeuvres de la Collection Pinault, et projets monographiques
conçus avec ou par des artistes qui occupent au sein de la collection une place majeure. Ce qui rassemble tous ces projets, c’est d’une part la manière dont ils sont construits au plus près des artistes, impliqués à chaque stade de leur conception et de leur réalisation et d’autre part notre volonté de développer, autour d’eux, un important programme culturel. Ce programme, qui comprend plus de 150 événements par an, conférences, colloques, projections, concerts… fait de Palazzo Grassi - Punta della Dogana l’un des centres culturels les plus actifs d’Italie.
“à L’OPPOSé DE TOUTE MIèVRERIE, DE TOUTE JOLIESSE MêME, L’EXPOSITION DU GUCCI MUSEO PERMET D’ABORDER DES THèMES AUSSI DIVERS QUE LA VANITé, LE DEUIL, LA POLITIQUE.”
“Femminilità radicale : Lee Lozano, Alina Szapocznikow, Evelyne Axell dans la Collection Pinault”, jusqu’au 7 septembre, Gucci Museo, Piazza della Signoria, 10, 50122 Florencde, Italie