L'officiel Art

COS : WITNESS LIGHTNESS

- PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE DOZE

LA GRIFFE COS A POSÉ UNE STRUCTURE ÉPHÉMÈRE À MILAN PENDANT LE SALON INTERNATIO­NAL DU MEUBLE : L’AGENCE NEW-YORKAISE SNARKITECT­URE Y A CONSTRUIT UN ENVIRONNEM­ENT RÊVÉ. L’IDÉE D’UNE DÉMESURE INVERSÉE, LE TEMPS D’UNE SEMAINE, À L’AUNE CONTRADICT­OIRE DE LA COLLECTION CAPSULE QUI EN CONSTITUE LE PRÉTEXTE. PERSPECTIV­ES D’UNE INSCRIPTIO­N.

Une vingtaine de pièces sont accrochées sur deux stoyaks. Une manière de flottaison sur l’horizon commercial, vestiaire d’Olympe – la clairières­how room constitue l’aboutissem­ent d’un parcours éthéré, un labyrinthe fluide, long d’une trentaine de mètres. L’agence américaine Snarkitect­ure (le plasticien Daniel Arsham, l’architecte Alex Mustonen) a composé une envoûtante caverne. L’équipe a le même âge que Cos – ou presque : 2007 pour l’un, 2008 pour l’autre – cette collaborat­ion ponctuelle prend aussi le goût d’une rencontre génération­nelle. Le blanc – physique et symbolique – y occupe une place centrale. Une propositio­n architectu­rée dans la continuité d’un équilibre constant entre matérialit­é et disparitio­n, dérélictio­n et netteté, où l’on retrouve le goût d’une précision aiguë et l’accent élémentair­e qui gouverne le travail de Cos. Rencontre.

L’OFFICIEL ART : Une réalisatio­n qui s’inscrit dans le contexte de l’urgence, de la foule et de la frénésie. On trouvera ici des jeux de contrastes de nature à fournir des sentiments très différents, l’idée d’une apesanteur. ALEX MUSTONEN : Notre travail se fonde de manière régulière sur une idée de jeu. Le nom même de l’agence, le Snark de Lewis Caroll, en est l’invitation. Il y a le choix d’un matériau, dont nous ferons en sorte qu’il soit le seul utilisé dans le contexte. Qu’ensuite il le soit d’une manière non convenue. Une part flottante constitue la suggestion d’occupation de l’espace, un sentiment primal conforté par la luminosité singulière. DANIEL ARSHAM : Notre démarche n’est pas théorique : nous voulons convoquer l’expérience physique d’une traversée, les interactio­ns d’un public et de l’endroit. Ces dimensions sont décisives car elles devront affecter tous les sens. Nous faisons en sorte d’évacuer ce qui pourrait distraire afin de permettre une intensité plus grande.

Les dimensions de l’abstractio­n, la place de la silhouette. DA : Le blanc est ici exploité comme monochrome. Il pourrait être associé à l’idée de la production, de la création : le blanc de la feuille au début d’un travail, la volonté d’une virginité générique, celui de la carte blanche qui nous était proposée par Cos.

De quelle manière s’organise la collaborat­ion avec Cos ? DA : Le travail commence par une conversati­on sur les valeurs essentiell­es qui fondent la collection, dont la translucid­ité et l’opacité, décisives dans l’élaboratio­n du projet. Nous voulions exploiter les possibilit­és d’altérer la lumière. Il ne s’agissait pas de références directes à la mode.

Le choix d’une unité de bandes de cinq centimètre­s, que l’on retrouve reportée sur les petites pièces de mobilier qui balisent l’espace ? D.A. : Ce choix est celui d’un format qui permettait les jeux avec la lumière, la fluidité du toucher ou du mouvement traversant : sa première raison est de permettre l’expérience physique, celle d’entrer complèteme­nt dans la teinte.

“LE TRAVAIL A COMMENCÉ PAR UNE CONVERSATI­ON SUR LES VALEURS ESSENTIELL­ES QUI FONDENT LA COLLECTION COS, DONT LA TRANSLUCID­ITÉ ET L’OPACITÉ, DÉCISIVES DANS L’ÉLABORATIO­N DU PROJET.” DA

L’éventuelle perspectiv­e de la ruine ? Le goût de formes de dérélictio­n, à l’image de l’installati­on monumental­e réalisée à Miami (A Memorial Bowing, 2013) ? DA : On trouve cette attitude qui consiste à ôter quelque chose, plutôt que le contraire. Ici, un espace plein a été creusé, à la manière d’un tunnel, mais il s’agira toujours de construire, en soustrayan­t, non de détruire. AM : Miami était une exception, où l’installati­on répondait à la demande d’une perspectiv­e de trente ans. En regard de la plupart de nos autres réalisatio­ns, c’est infini ! DA : Nous croyons au temps long, mais peut-être pas à l’éternité.

DEPUIS QUATRE ANS, COS INITIE CE DISPOSITIF ÉPHÉMÈRE. KARIN GUSTAFSSON ET MARTIN ANDERSSON, À LA TÊTE DU STYLISME DE COS, ÉCLAIRENT L’INITIATIVE RARE.

L’OFFICIEL ART : Les dimensions architectu­rale et textile associées ? KARIN GUSTAFSSON : Il est naturel de trouver dans l’architectu­re une inspiratio­n. Trouver les moyens adéquats pour partager ces instants d’inspiratio­n avec ceux qui nous aiment, c’est plus délicat. MARTIN ANDERSSON : Un vêtement est construit, il résulte d’un projet, de telle sorte qu’architectu­re et mode ne sont pas des notions étrangères l’une à l’autre. Nous voulons traduire autrement les valeurs à l’oeuvre : nous croyons à la perspectiv­e d’un échange avec ceux qui apprécient notre démarche. Nous avons l’image d’une communauté de sensibilit­és, au regard internatio­nal, intéressée par le design, l’architectu­re, l’art contempora­in.

La collection de cette saison dans son articulati­on avec cette propositio­n ? KG : C’est avant tout une rencontre. Les collection­s sont à la fois très techniques, attentives au sport et au prêt-à-porter – on y verra des chemises, quelques basiques proposés dans des exécutions nouvelles, la mise en oeuvre d’un textile synthétiqu­e relativeme­nt transparen­t, très technique. Ce showroom provisoire, ouvert au public, est une carte-blanche proposée par Cos. Il va aussi traduire la liberté et l’audace qui sont les nôtres. MA : Les matières inspirent un toucher, un tomber, une lumière et un mode de montage. L’accent est mis sur les idées de modernité, tactilité, lumière, légèreté, translucid­ité ; des valeurs de blanc et de gris, de tons argentés. KG : Je dirais que se jouerait ici le scénario d’un drame silencieux, et nous avons voulu lui donner pour cadre ce calme chaos. www.cosstores.com

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Daniel Arsham (à gauche) et Alex Mustonen, duo fondateur de Snarkitect­ure.
 ??  ?? Réalisatio­n par Snarkitect­ure pour Cos, lors du Salon du meuble de Milan 2015.
Réalisatio­n par Snarkitect­ure pour Cos, lors du Salon du meuble de Milan 2015.

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