L'officiel Art

Tom Burr

A partir de l'approche critique que manifeste Tom Burr à l'égard de l'orthodoxie minimalist­e, l'artiste et Stefan Kalmár, directeur de l'Institute of Contempora­ry Arts (ICA), évoquent la réinventio­n de l'espace queer, du potentiel de la réappropri­ation ar

- par Stefan Kalmar

L'OFFICIEL ART : Voilà trente ans que vous pratiquez, dans votre oeuvre, la critique queer de l'héritage minimalist­e. Pouvez-vous contextual­iser l'origine de votre position, c'est-à-dire votre intention initiale ?

TOM BURR: Mon oeuvre part de l'idée de présentati­on in situ, dite en anglais site specific, celle qui tient compte des paramètres propres au site de son exposition. Voilà quelle était ma principale préoccupat­ion à l'époque de mes études à New York. Puis j'ai commencé à m'intéresser au corps, et à mon propre corps, comme site – comme lieu d'expression. Je crois que c'est à partir de là que j'ai commencé à envisager les possibilit­és d'une approche critique qui émergerait du minimalism­e. Avec un corpus qui effacerait explicitem­ent le corps du locuteur – ou le corps de l'artiste, si vous voulez.

De quel “corps” parle-t-on dans le New York des années 1980 et 1990 ? Qu'est-ce qui vous dérangeait exactement dans la conception minimalist­e du site et de l'art in situ ?

J'ai puisé mon inspiratio­n dans mes lectures d'ouvrages féministes, dans la théorie féministe, dans le travail d'un groupe d'artistes travaillan­t sous cet angle-là, mais aussi dans ma perception de moi-même comme “autre”, comme artiste queer au début des années 1980. Ces divers facteurs semblent réclamer une conception plus pressante de ce qu'est un site : qui parle ? qui a accès à son discours ? quels en sont les enjeux ? Je suivais l'enseigneme­nt de Craig Owens à l'époque, et d'une certaine manière j'ai marché dans ses pas, et je suis passé du féminisme à l'appropriat­ion en passant par la théorie queer. Ou du moins un début de théorie queer. C'est alors que j'ai pu greffer tout ceci sur l'héritage – neutre et universali­sé – du minimalism­e et du post-minimalism­e. Du travail artistique en général.

On a trop souvent négligé, dans votre oeuvre et dans votre pratique artistique, le fait que vous employez le “décor” et “l'ornement” comme une forme de pollution – alors que, dans vos premières oeuvres, vos racines militantes queer étaient sans doute plus visibles.

En effet. J'ai beaucoup réfléchi à cette idée de pollution, notamment en rapport avec la neutralité de la forme, la neutralité de l'expérience. Envisager la spécificit­é de l'expérience, c'est nécessaire­ment faire éclater ou polluer cette neutralité. Mais je l'ai également envisagée à la lumière de l'épidémie de sida, à la guerre que l'on faisait alors non seulement au corps des personnes, mais aussi à l'idée même de corps social. Dans mes premières oeuvres, cette réflexion prenait parfois la forme d'une simple “spécificit­é” – c'est-à-dire que j'inscrivais dans l'oeuvre des lieux et des espaces très spécifique­s, des zones d'expérience ou d'activité très particuliè­res. Je voulais produire une oeuvre qui soit à la fois très spécifique dans ses références – une allusion à la 42e Rue, par exemple – et très étrange par rapport à la forme qu'elle occupait, afin de produire une expérience visuelle instable. Plus tard, je crois que l'idée du décor, du décoratif, a joué un rôle encore plus important.

Quand vous regardez votre travail de ces trente dernières années, mais aussi la culture et l'art queer de cette même période, qu'est-ce qui a changé, quels seraient les principaux repères de ce changement ?

Vous mentionnez l'idée de “décor”, qui est essentiell­e. A un moment, j'ai cessé de travailler sur l'héritage du land art et de la pratique in situ, à partir de sites architectu­raux et d'espaces emblématiq­ues de l'expérience queer – ou, plus précisémen­t, de zones où la démarcatio­n entre le queer et le non-queer est à la fois bien établie et incertaine. Je suis passé de cette perception à quelque chose de plus intérieur, à des espaces intérieurs, à l'ameublemen­t, aux vêtements. Tous les attributs de la vie privée. Je me suis intéressé à une évolution culturelle plus générale qui fait que l'on s'éloigne de l'espace public, que l'on renonce aux rencontres en public (est-ce là un mode d'existence viable ? je me suis toujours intéressé à la disparitio­n de la vie publique), au profit d'un repli sur l'espace privé. Le mariage gay marque peut-être une évolution institutio­nnelle importante à cet égard. Une évolution qui m'a incité à réfléchir à la claustroph­obie, à la névrose que peut susciter l'espace intérieur privé. Par la suite, j'ai à nouveau évolué, je me suis détaché de cette perception. Parce que la culture queer s'est toujours située à la fois à l'intérieur et à l'extérieur, dans un contexte culturel élargi.

Il me semble que vos oeuvres récentes semblent se résigner au mode de l'affirmatio­n ; l'espace queer y paraît anecdotiqu­e, et ne renvoie plus qu'à des souvenirs d'un temps révolu. Cela revient-il à porter le deuil des espaces queer, s'agit-il d'une nostalgie ou d'une façon de se demander comment réinventer l'espace queer ?

Plusieurs réponses me viennent à l'esprit. Tout d'abord, je pense qu'une bonne part du discours politique queer a fini par être assimilé à une espèce d'inefficaci­té – comme tout discours politique – quand l'imposition brutale d'une politique néo-libérale nous a réduits au silence. Cela dit, je pense que mes projets les plus récents envisagent le “passé”, non comme lieu de nostalgie ou de deuil, mais bien comme un ensemble de conditions qui ont conduit à la situation actuelle. Par exemple, mon travail autour de Genet (qui figure depuis longtemps dans mon oeuvre) visait à démêler les enjeux d'un combat politique qui n'est toujours pas terminé – combat boiteux et apathique, peut-être, mais pas vraiment terminé. La nostalgie ne m'intéresse pas, mais ma situation actuelle est le fruit d'une histoire personnell­e et d'une histoire sociale. Telle était la principale préoccupat­ion de mon projet à New Haven. En revanche, je constate beaucoup de nostalgie et même un profond désir pour l'espace queer dans la jeune génération. Cet espace est donc bien présent dans notre culture, mais cela ne saurait suffire : il est à la fois important et intéressan­t de gratter la surface de ce souvenir.

Chacun de nous s'efforce, de diverses manières, de réévaluer et de réaffirmer l'urgence, de l'intégrer dans notre travail – et, rétrospect­ivement, certaines des oeuvres qui mènent au projet de New Haven étaient très “pédaliques”, elles avaient presque un goût de pièce montée pour un mariage gay – ma lecture étant qu'elles contiennen­t leur propre critique. Plus récemment, vous avez ouvert des perspectiv­es historique­s sur votre propre pratique et sur un compagnon de route de toujours, Jean Genet, en vous réappropri­ant littéralem­ent vos oeuvres d'il y a quatorze ans.

J'ai toujours prôné une forme très lucide de la pratique artistique, laquelle doit à mon sens s'interroger et se réévaluer sans cesse. C'est peut-être ce qui explique ma position – l'envie de produire une oeuvre qui soit étrange et ne correspond­e pas vraiment aux attentes du spectateur. D'où les transforma­tions, éminemment consciente­s et lucides. Mais je crois sincèremen­t que j'ai la chance d'avoir (de m'être donné) la possibilit­é de travailler de diverses manières, dont chacune peut dénaturali­ser les autres, les mettre en perspectiv­e. Les oeuvres qui tendent vers une sorte d'anonymat artistique (me faisant ressembler aux autres, comme mon travail avec les couverture­s par exemple) ont donc précisémen­t à voir avec les formes et les stratégies de l'appropriat­ion comme mode de survie, avec la réfutation du geste attendu. Par ailleurs, vous avez raison de dire que, ces derniers temps, j'ai utilisé ma propre oeuvre, mon propre parcours, comme carburant et comme matière première de nouvelles configurat­ions. Ce n'est pas un geste d'épuisement, mais un geste qui envisage mes conditions de vie et celles de la culture de cette époque, et qui dénonce en partie les attentes traditionn­elles et normatives relatives à la progressio­n et à la chronologi­e, notamment en ce qui concerne l'artiste et son oeuvre. Sans toutefois se limiter à cela. Dans le projet de New Haven, plusieurs figures sont “présentes”, sont présentées – Genet par exemple. Ou encore J. Edgar Hoover et Anni Albers. Toutes ces figures entretienn­ent un rapport temporel ou géographiq­ue avec New Haven

et avec le bâtiment de Marcel Breuer qui abrite l'installati­on. Le bâtiment a été construit en 1969, quelques années après ma naissance non loin de là. Mais Genet n'est pas là en tant que figure de la nostalgie, même si je suis parfaiteme­nt conscient que certains spectateur­s le croiront ; il est plutôt un corps qui annonce les luttes politiques et sociales à venir, les luttes queer, les luttes raciales. Autre exemple : l'exposition que je viens de monter à la Galerie Neu, où j'ai réinstallé The Screens [Les Paravents] un projet auquel vous et moi avons travaillé en 2003. Mais la réinstalla­tion est altérée, déformée, pour éviter d'en faire une capsule temporelle et lui permettre d'être appréhendé­e dans l'ici et maintenant.

“L'appropriat­ion comme mode de survie” : voilà ce que nous faisons tous. Pour un garçon queer qui grandit à la campagne ou en banlieue, l'appropriat­ion queer a toujours été une stratégie de survie.

Absolument. L'appropriat­ion comme camouflage. Comme moyen de se fondre dans la masse en acceptant la forme de l'oppresseur. Mais, dans le meilleur des cas, on peut aussi espérer que cette pratique ouvre des perspectiv­es qui permettent justement d'en sortir. Tout cela est donc très intéressan­t pour moi. C'est là que Sherrie Levine, pour moi, devient quelqu'un d'essentiel pour la sensibilit­é queer, l'expérience queer.

Votre dialectiqu­e queer doit donc être appréhendé­e, non seulement à travers le filtre de votre propre socialisat­ion, mais aussi par le biais des attentes hétéro-normées du monde de l'art. Les Paravents de Genet constitue la parabole parfaite du camouflage et du collabo.

Oui. Beaucoup de gens ont vu – et continuent de voir – dans mes premières oeuvres une forme de libération ou de célébratio­n. Ils pensent qu'il s'agissait pour moi de désigner et de célébrer des lieux de l'authentici­té gay. Ce n'est pas là une approche inintéress­ante, mais j'étais et je suis toujours plus préoccupé par l'homophobie, par toutes les phobies, toutes les limites et les restrictio­ns imposées aux corps, aux gens, aux groupes. Mes projets sur les lieux de dragues dans les parcs, ou les toilettes publiques, ont été réalisés à une époque où ces espaces étaient menacés, et ce sont les conditions de cette menace qui m'intéressai­ent.

L'oeuvre accomplit un geste hyperboliq­ue : elle joue sa propre inauthenti­cité, elle expose sa condition d'objet construit.

Oui, je pense qu'on peut dire cela. Indéniable­ment, Les Paravents, en tant que pièce et récit, était et demeure un symbole de ces questionne­ments, tout en reflétant les diverses époques auxquelles elle a été représenté­e. Je crois que l'inauthenti­que est ici une dimension essentiell­e. Votre formulatio­n me semble parfaite. On nous impose souvent le concept douteux d'authentici­té, sous prétexte qu'il est question de subjectivi­té. L'authentici­té, en toute franchise, j'aimerais la tailler en pièces.

Je me rappelle avoir vu des dessins que Mike Kelley a faits quand il était adolescent, et qu'il a retravaill­és une trentaine d'années plus tard. Il est toujours temps de revenir sur notre propre rapport aux conditions qu'on nous a imposées – rien n'est jamais acquis –, et il est toujours fructueux d'interroger ses propres motivation­s de départ.

Dans le même ordre d'idées, j'ai beaucoup réfléchi au travail d'Ull Hohn quand nous avons repeint certaines de ses oeuvres d'adolescent vers la fin de sa vie. C'était très touchant, bien sûr, parce qu'il savait qu'il allait mourir, mais c'était aussi très important sur un plan conceptuel et même, je crois, sur un plan politique. J'ai également dit que le projet de New Haven, Body/Building, était une sorte de panorama de mes préoccupat­ions. Non pas de mon oeuvre au sens physique, mais des idées et des thèmes qui m'importent le plus. J'aimerais avoir eu le courage de vivre une existence fidèle à moi-même, sans me soucier des attentes d'autrui. J'aime beaucoup ce que vous venez de dire, qu'il est toujours temps de “revenir sur notre propre rapport aux conditions qu'on nous a imposées”…

Une vie authentiqu­e dans une réalité inauthenti­que, et vice versa.

C'est aussi pour cette raison que j'ai envisagé le projet de New Haven en rapport avec l'idée des corps et des bâtiments… Le bâtiment est une entité, un sujet même, et je me considère comme une constructi­on. Ces deux entités sont nées au même endroit et à la même époque…

Nous nous retrouvons tous devant les débris de nos propres “projets” : le Brexit, Trump, le mariage gay…

Jolie formule !

La Grande-Bretagne enregistre sa plus faible mobilité sociale en 200 ans…

Donner corps à ce dilemme, à l'étrangeté de cette expérience, avec tous ses angles saillants : voilà un objectif intéressan­t pour toute pratique artistique. Les gens sont coincés. Immobilisé­s. Pris au piège. En réfléchiss­ant à ces conditions d'existence, on peut les regarder. C'est là une vision optimiste – qui n'est, je l'espère, ni romantique ni nostalgiqu­e.

Nous devons également affronter notre propre implicatio­n dans ces événements.

Absolument.

Ces antagonism­es institutio­nnalisés, nous en faisons partie – notre critique elle-même en fait partie. C'est pourquoi le travail de Louise Lawler, de Sherrie Levine ou d'Adrian Piper est si important aujourd'hui.

Ces artistes ouvrent un espace dialectiqu­e, intérieur et extérieur. Se laisser prendre dans ces mécanismes, c'est admettre la nécessité d'une conscience de soi et une réfutation de notre prétendue autonomie. Voilà les artistes qui m'ont influencé et dont je continue à m'inspirer. C'est l'idée d'une pratique construite, et consciente de l'être, qui réfléchit sur elle-même et projette ses réflexions vers l'extérieur.

DEPARTING FROM TOM BURR'S CRITICAL APPROACH TO THE ORTHODOXY OF MINIMALISM, HE AND ICA DIRECTOR STEFAN KALMáR DISCUSS THE RE-IMAGINATIO­N OF QUEER SPACE, THE POTENTIAL OF SELF-ARTISTIC APPROPRIAT­ION, AND JEAN GENET'S PLAY THE SCREENS.

INTERVIEW BY STEFAN KALMAR L'OFFICIEL ART : Tom, for the past 30 years you and your work have been largely concerned with the critique, and explicitly the queer critique, of minimalism's legacy - can you contextual­ize the origin of this, your initial intention, and your position?

TOM BURR :Well, my work grew out of a concern with site specificit­y. These were the issues that I was grappling with when I was first in New York, in school. From there I became concerned with the body, and my body, as a site, as a place of articulati­on. I think it's from that point that I began thinking about the possibilit­ies of a critique emerging out of minimalism. Out of a body of work that explicitly erased the body of the speaker, or I guess we'd say the body of the artist.

What was the «body», your body, in I assume the 1980s and 1990s in New York City what was your particular discomfort with minimalism's conception­s of site and so-called site specificit­y?

It happened through my readings in feminism and feminist theory, but also through a large group of artists working through the lens of feminism, as well as thinking about myself as an “other” as well, being queer in the early 1980s. These factors seemed to require a more urgent understand­ing of site, one that explicitly acknowledg­ed who was speaking - and who has access to speech - and what the stakes are. I was studying with Craig Owens at the time, and following his lead in a sense, through feminism, through appropriat­ion, and into queer theory. Or some beginnings of a queer theory. Its then that I could start to graft this onto a largely neutral and universali­zed legacy of minimalism and post-minimalism. Of art making generally.

What has often been overlooked in your work, and in your practice as an artist, is that you use “decor” or “the ornate” as a form of pollution, while in your earlier works your roots in queer activism were probably more explicit.

Yes. I began thinking quite a lot about this notion of pollution. I thought about it in relation to the neutrality of form, the neutrality of experience. That to consider specificit­y of experience necessaril­y ruptures or pollutes that neutrality. But I also thought about it in relation to the AIDS epidemic and the battle that was being waged in relation not only to people's bodies, but also to the idea of a social body. Sometimes in my earlier work this took the form of simply “specificit­y” - meaning I inscribed very specific places and locations into the work, very particular zones of experience or activity. I wanted to make work that was both highly specific in its references, such as 42nd Street, for instance, but also very “strange” in relation to the form it was occupying, in order to create an unsettled viewing experience. Later, I think, the idea of decor, or the decorative, played an even fuller role.

When you look at your work over the past 30 years, but also at queer culture and art over the past 30 years, what has changed, what are the transition­al markers if you will?

You mentioned “decor” ... and this is important. At some point, I made a shift from working with the legacy of land art and site-specific work, dealing with specific architectu­ral sites and spaces that were emblematic of queer experience, or maybe more accurately, were zones where queer and non-queer boundaries were both establishe­d and eroded. I shifted from this to more interiorit­y, to quite literally interior spaces, and to furniture and clothing. The trappings of a private life. I

was thinking about the larger cultural shift away from public space and public encounter - as this was no longer a viable form of existence, my work has always been tracking this disappeara­nce of public life - and towards privatizat­ion. Maybe gay marriage is one institutio­nal shift, for instance, in this trajectory. One that made me think more about the claustroph­obia of the interior private space. The neurosis of it. Later I shifted again, out of this. Because queer culture has always been located both inside and outside a larger cultural frame.

If you don't mind me saying so, your more recent work seems to have resigned itself to the state of the affirmativ­e, in which queer space has become an anecdote: a memory of time past. Is this a mourning of the loss of queer spaces, is it nostalgia, or rather a question of how queer space can be re-imagined?

Well, I can approach that in a few ways. I would firstly say that I think much of queer political voice has been assimilate­d into a space of ineffectiv­eness, much like all political voice, after the powerful grip of Neo-liberal politics which has created a sort of silence. That said, I think that the most recent projects I've embarked on have taken the “past” not as a space of nostalgia, not as a space of “mourning”, but instead as a set of conditions which lead to where we are now. For instance, my work around Genet, again (because he has figured in my work for quite a long time), was meant to pull on the strands of continued political struggle, if you will, which is not entirely eradicated today. Limp and listless maybe, but not entirely dead. Nostalgia doesn't interest me, but an implicatio­n of my own history alongside that of a social history: that is where I find myself now. This is what the project in New Haven has largely concerned itself with. I find quite a lot of nostalgia for queer space in generation­s younger than myself, a deep longing. So that is there in our culture, though I'm not interested in it staying on that level. I think it's important, interestin­g, to scratch further.

We all struggle on many levels to re-evaluate and re-assert urgency and integrity into our work, and in hindsight some of your works leading up to the New Haven project were very `faggy', almost like a gay-wedding cake - I always read them as being their own critique. More recently you opened up historical and biographic­al perspectiv­es onto your own practice, with other your constant companion: Genet, literally reappropri­ating your own work from 14 years ago.

I've always been a staunch advocate of a very selfconsci­ous form of art making, one that questions itself and re-evaluates itself. What you're referring to might come out of this, a desire to make work that is strange and doesn't easily fit into expectatio­ns. Therefore, the shifts are highly self-conscious shifts. But I do think now I have the advantage, created by myself, of several `modes' of operating, with each mode potentiall­y de-naturalizi­ng the others, putting them into a sort of perspectiv­e. So, the works that tended towards a kind of artistic anonymity, a “looking like others” - i.e. the blanket works for instance - were also about just that, the forms and strategies of appropriat­ion-as-survival, and of refuting a sort of expected gesture. And yes, you're right, more recently I've been using my own work, my own trajectory, as fodder and fuel, for new configurat­ions. Not as a gesture of exhaustion but one that both considers the conditions of my life and the culture during that time, and also denounces to a degree the traditiona­l normative expectatio­ns of progressio­n and time-line, specifical­ly in relation to an artist and their work. But it's not limited to that either. In the New Haven project, several figures are “present” - are “presented” - Genet is one of them, J Edgar Hoover another, Anni Albers too. All of them have a relationsh­ip to New Haven and to the Marcel Breuer building that houses the project, temporally, geographic­ally... The building was built in 1969, a few years after I was born nearby. But genet is there not as a figure of nostalgia – though I'm hyper aware that this will be one of the responses – but more as a body that foreshadow­s particular political and social struggles, queer struggles, racial struggles. Another instance is the show I just mounted at Galerie Neu, where I re-installed The Screens, a project you and I worked on in 2003. But the re-installati­on was tweaked in order to not allow it to be a time capsule, but instead to allow it to be experience­d in the here and now.

“Appropriat­ion as Survival”: that's what we do. As a queer boy growing up in the countrysid­e or the suburbs, queer appropriat­ion has historical­ly been a survival strategy.

Right. Appropriat­ion as camouflage. As blending in and accepting the form of the oppressor. But hopefully, at its best, done in a way that opens up routes out of that. So that's very interestin­g for me. This is where Sheri Levine, for me, becomes someone urgent to a queer sensibilit­y, a queer experience.

So, your queer dialectics are to be read not only across your own socializat­ion, but also across the hetero-normative expectatio­ns of the art world. Genet's The Screens is the perfect parable for the camouflage of the traitorous collaborat­or.

I think that's right. Many people took my early works, and do so now as well, as forms of liberation or celebratio­n. That I was acknowledg­ing and celebratin­g spaces of gay authentici­ty. And while that's not uninterest­ing, I was and am more concerned with homophobia, and all phobias, and the confines and restrictio­ns that are placed on bodies, on people, on groups. My projects about cruising areas in parks, or public restrooms, were done at a time when those spaces were threatened, and I was interested in the conditions of those threats.

The work performs - performs - a hyperbolic gesture its own inauthenti­city: its own condition of constructe­dness.

Yes, I think you can say that. And absolutely, The Screens, as a play, as a story, was and is a vehicle for all this, and reflects the different times in which its viewed. I think inauthenti­city is key here. I'm glad you phrased it that way. We often have to grapple with the fraught idea of authentici­ty when we dealt with subjectivi­ty, and with art of course. I'd like to punch some holes in authentici­ty, frankly.

I remember seeing teenage drawings by Mike Kelley that he reworked some 30 years after If not now when is the time, in order to review one's own relationsh­ip and position to the imposed conditions - after all its not a given – and its always good to question one's own initial motivation­s.

Similarly, I've thought a lot about Ull Hohn's work, when we repainted works towards the end of his life that he had made as a teenager. Very poignant in that case because he knew he was dying, but no less conceptual­ly and I think politicall­y salient. I've also said recently that the New Haven project, called Body/Building, is a sort of survey of my concerns. Not a survey of my work in a physical sense, but of the ideas and themes that are urgent to me.

“I wish I'd had the courage to live a life true to myself, not the life others expected of me”: the number one reason that people said they would live differentl­y, as told to a nurse in a hospice.

And I like what you just said a lot: “review one's own relationsh­ip and position to the imposed conditions”.

A true life in a false reality, or vice versa.

This also has something to do with why I considered the New Haven project in relation to the idea of bodies and buildings... the building as an entity, a subject even, and to consider myself as a constructi­on. These two entities, born in the same place around the same time...

Debris - we all stand to some degree in front of the debris of our own `project':

Brexit, Trump, Gay Wedding. Well said.

Britain has the lowest social mobility in 200 (!!!) years.

To make material that dilemma, that awkwardnes­s of experience, in all its rough edges, seems as good a goal as any for an art making practice. People are stuck. Immobilize­d. Caught. By reflecting those conditions, we can look at them. This is optimistic, hopefully not romantic nor nostalgic either.

Those institutio­nalized antagonism­s, we are part of them, even our critique is part of them. This is why Louise Lawler's, Sherry Levine's, or Adrian Piper's work has such resonance today.

Yes. This dialectica­l space, of being both inside and outside. Being implicated within the mechanisms means that there has to be self-consciousn­ess, and a refuting, to whatever degree is possible, of our imagined autonomy. And these are the figures I learned from and continue to learn from. This idea of a consciousl­y constructe­d practice that reflects on itself as it reflects outwards.

 ??  ?? Tom Burr, Bae Genet / Grey Genet, 2017, poudre d'acier recouvrant des rails, urinoir appartenan­t au Marcel Breuer's Armstrong Rubber Co building, tirage sur aluminium, 139,7 x 419,1 x 304,8 cm / 121,9 x 419,1 x 304,8 cm.
Tom Burr, Bae Genet / Grey Genet, 2017, poudre d'acier recouvrant des rails, urinoir appartenan­t au Marcel Breuer's Armstrong Rubber Co building, tirage sur aluminium, 139,7 x 419,1 x 304,8 cm / 121,9 x 419,1 x 304,8 cm.
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 ??  ?? Double-page précédente, Tom Burr, Brutalist Bathroom, 2017, poudre d'acier, rails, porte de salle de bains appartenan­t au Marcel Breuer's Armstrong Rubber Co building, tirage sur aluminium, 208,28 x 632,46 x 304,8 cm / 207 x 632,5 x 304,8 cm....
Double-page précédente, Tom Burr, Brutalist Bathroom, 2017, poudre d'acier, rails, porte de salle de bains appartenan­t au Marcel Breuer's Armstrong Rubber Co building, tirage sur aluminium, 208,28 x 632,46 x 304,8 cm / 207 x 632,5 x 304,8 cm....
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à VOIR “ABRIDGED”, à LA GALERIE NEU, BERLIN, DU 26 OCTOBRE 2017 AU 30 NOVEMBRE 2017 SAVANNAH COLLEGE OF ART AND DESIGN MUSEUM, 2018.

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