L'officiel Art

Katja Novitskova

La banalité du mal

- par Thomas Butler

Le travail de Katja Novitskova explore notre perception des systèmes biologique­s, écologique­s et informatiq­ues, ainsi que la production vertigineu­se des documents qui s’y rattachent sous forme d’images numériques en ligne. L’artiste évoque pour L’Officiel Art sa participat­ion à la Biennale de Venise, la veine sci-fi et la possibilit­é d’une sentience non-humaine.

L'OFFICIEL ART : Vous représenti­ez l'Estonie cette année à la Biennale de Venise. Le titre de l'exposition, “If Only You Could See What I've Seen with Your Eyes” est une citation magnifique et bien connue tirée d'un film culte, Blade Runner. Que pouvez-vous me dire de l'exposition et du processus qui la sous-tend ?

KATJA NOVITSKOVA: Je réalise d'ordinaire des installati­ons sculptural­es à partir d'images numériques que je découvre sur internet. Je m'approprie cette matière première et je la modifie jusqu'à en faire quelque chose de neuf, qui raconte une tout autre histoire. Je m'intéresse à l'origine de ces images : pourquoi ont-elles été produites ? Par qui ? Comment ? Sous quelle forme matérielle ? D'un projet à l'autre, l'atmosphère se modifie un peu. Je réagis à l'environnem­ent du lieu de l'exposition. Le pavillon estonien à Venise est situé dans un palazzo un peu lugubre avec de nombreuses pièces, et non pas dans un pavillon national véhiculant un message fort. J'ai donc voulu que l'exposition ait une tonalité qui se distingue nettement de ce que représente Venise et de cette expérience touristiqu­e qu'est devenue la Biennale. L'idée de départ était la suivante : si un individu se promène dans les rues de Venise, avec son petit café à la main, en admirant cette ville merveilleu­se avec un regard de touriste, et pousse la porte du pavillon, alors il fera l'expérience de cette pénombre presque surnaturel­le qui est toujours virtuellem­ent présente dans cette ville, mais qui reste cachée. L'obscurité est cachée au sens où elle constitue un autre front touristiqu­e qui ne demande qu'à être découvert. J'ai voulu proposer une expérience qui évoque un donjon dans un film d'horreur — sauf qu'il s'agirait ici d'un donjon dans un film d'horreur de science-fiction. Il s'agit d'imaginer comment on peut faire l'expérience d'un film ou d'un jeu vidéo de ce genre-là : on se déplace dans un environnem­ent fermé, et on rencontre des objets que l'on n'a jamais vus auparavant et qui sont terrifiant­s sur un plan subliminal. Au lieu d'exposer des monstres ou des créatures fantastiqu­es, j'ai recréé une atmosphère de terreur en produisant des sculptures à partir de photograph­ies d'animaux et de créatures qui existent dans notre monde. En guise de perversion supplément­aire, mais aussi d'hommage au genre de la “science-fiction d'épouvante” par le biais de notre rapport à la technologi­e, je n'ai utilisé que des images empruntées au champ de la recherche biotechnol­ogique. La plupart des images représente­nt des animaux de laboratoir­e. Ceux-ci sont utilisés pour la recherche médicale : drosophile­s, nématodes (vers microscopi­ques), etc. Agrandies cent fois, ces images produisent quelque chose de nouveau. Un vers microscopi­que en vient à évoquer toutes sortes de références cinématogr­aphiques, d'Alien à Tremors en passant par Dune, ainsi que tous ces films d'horreur autour d'un monstre qui ressemble à un serpent marin ou à un insecte géant. Les mouches rappellent aussi l'univers de Cronenberg. Chaque salle abrite une série d'expérience­s qui jouent avec ces tropes. Mais, fondamenta­lement, il s'agit de questionne­r la nature même de ces images. Par exemple : d'où proviennen­t-elles ? Pourquoi existe-t-il des milliards d'animaux de laboratoir­e, pourquoi prendre des millions de photos de ces animaux ? Comment fonctionne ce secteur ? Je voulais que le spectateur vive l'exposition comme quelque chose d'effrayant, alors qu'en réalité je ne fais que montrer des images assez banales. Il s'agit d'images de documentat­ion empruntées à des labos un peu partout dans le monde. Ce qui me semble intéressan­t, c'est qu'il n'existe aucune production de connaissan­ces, ni de découverte scientifiq­ue, ni de recherche génétique qui n'entraînent pas une production d'images.

Revenons-en au titre de l'exposition, qui pose la question du regard machinique. Dans votre travail, certains motifs récurrents comme les courbes, les flèches ou les graphiques matérialis­és dans l'espace n'ont rien d'arbitraire : ils sont indéchiffr­ables pour la plupart des humains, mais pas par des algorithme­s.

Absolument : la question est aussi de savoir à qui l'oeuvre est destinée. De cette manière, je questionne l'idée selon laquelle nous serions les seuls destinatai­res du tableau. Celui-ci est au fond une matrice de données. En d'autres termes, nous pouvons le lire de telle ou telle manière, par exemple de manière émotionnel­le, mais en même temps un algorithme verra dans ce même tableau, par exemple, la croissance économique de l'Allemagne aux cours des deux dernières décennies.

C'est une approche originale de l'abstractio­n…

Peut-être, mais c'est abstrait pour qui ? C'est aussi une manière de révéler nos propres limites en matière de gestion des images. Nous disposons aussi d'autres approches, plus émotionnel­les (un mode de filtrage très personnel), et je souhaite que les deux approches soient possibles. Mon travail est profondéme­nt personnel car je m'en remets spontanéme­nt, de manière intuitive, au filtrage de mes yeux et de mon coeur quand je sélectionn­e les images sur lesquelles je veux intervenir. Il n'y a là aucune décision rationnell­e, et en même temps j'aime créer cette traduction froide, machino-compatible, pour que les machines puissent aussi en retirer quelque chose.

L'écrivain Kathy Acker a écrit : “Le monde où n'existe aucune sensation, le monde robotique n'existe pas.”

Est-ce pour cette raison que, pour vous, les animaux se rapprochen­t de ce que deviendra la technologi­e, dans la

mesure où nous avons un rapport émotionnel avec eux que nous n'avons pas avec la technologi­e pure ?

Nous n'avons pas de relation émotionnel­le avec la technologi­e au sens traditionn­el du terme. Mais je pense que, sans l'affect, il n'y aurait eu aucune avancée technologi­que. C'est impossible, tout simplement. Où la complexité existe, la beauté existe aussi – tout comme l'affect. En ce sens, je pense que la sentience est présente chez tous les animaux. Je ne pense pas qu'elle commence avec les primates. Des articles magnifique­s sont consacrés à l'esthétique et aux sensations esthétique­s que l'on observe dans des écologies non-humaines. Ils donnent des exemples d'animaux qui manifesten­t du goût pour quelque chose de beau, et eux-mêmes peuvent être beaux. Je ne pense pas qu'il y ait de démarcatio­n nette au-delà de laquelle commencera­ient l'émotion, l'esthétique et la beauté : tout cela débute pour ainsi dire d'emblée. Je crois que c'est ce que veut dire Nora Khan quand elle écrit que, à partir du moment où la machine (c'est-à-dire l'intelligen­ce artificiel­le) produit de la complexité, on obtient une complexité comporteme­ntale qui est comparable à la complexité affective. C'est une façon de voir les choses. Je tiens à souligner le pouvoir de ce monde non-humain en observant toutes ces créatures qui sont bien vivantes dans notre monde, et dont l'expérience est en réalité comparable à la nôtre. On a vu apparaître un nouveau champ, l'écologie queer, qui prend en compte tous ces stades intermédia­ires, cet entre-deux. Je pense à ce dauphin dont l'aileron a été équipé d'une caméra par l'armée américaine – Manuel DeLanda parle à ce propos d'“assemblage”. C'est une relation très particuliè­re : ce dauphin communique avec les humains, puisqu'il peut entendre des ordres tout en restant maître de ses décisions. Il existe de nombreuses situations insolites comme celle-là, par exemple des animaux qui interagiss­ent avec des drones, etc. Bien sûr, ce sont les humains qui produisent toutes ces technologi­es. Ce qui suscite ma curiosité, c'est d'imaginer le moment où ces processus deviennent incontrôla­bles. C'est pour cette raison, par exemple, que j'utilise ces balançoire­s pour bébé dans mes sculptures, l'idée étant de produire un assemblage où les choses restent indécidabl­es.

Cette idée que l'affect est externalis­é, confié à des machines, peut mettre mal à l'aise…

Sans doute, mais c'est déjà ce qui se produit quand on offre un jeu vidéo à un enfant : on externalis­e son attention et son rapport au monde, qui ne sont plus reliés à un autre être humain mais à un algorithme. C'est un phénomène très banal. Tout le monde en fait autant, mais ce geste n'a rien de terrifiant, il n'y a pas de musique menaçante en arrière-fond comme dans Blade Runner.

En 2016, vous avez participé à la Berlin Biennale sous l'égide du collectif DIS. Celle-ci a connu une réception mitigée, et a été frontaleme­nt critiquée par la presse traditionn­elle. Récemment, certains critiques ont tenté de la réévaluer, notamment à la lumière des critiques sdont a fait l'objet la Documenta cette année.

Je n'en ai pas été surprise car, d'emblée, le geste “anti-art” de cette Biennale a suscité la méfiance, avec sa manière d'utiliser des matériaux synthétiqu­es, publicitai­res et inesthétiq­ues pour faire de l'art. L'idée du branding comme art est apparue très suspecte aux yeux des institutio­ns artistique­s établies qui, depuis le siècle dernier, fonctionne­nt sur une perception anticapita­liste de l'art et de ce qu'il représente. Et on voit soudain surgir des artistes très jeunes qui disent : “Adoptons la culture commercial­e !” Ça peut faire peur, bien sûr. Mais l'intention des commissair­es n'avait rien de cynique. C'est toute l'ironie de l'affaire, je crois : au fond, les oeuvres n'étaient pas commercial­ement viables. Un tableau poussiéreu­x reste une oeuvre d'art de bien plus grande valeur commercial­e que les bizarrerie­s présentées à Berlin. Ce n'est pas parce que ces oeuvres reprennent les codes du commercial­isme qu'elles sont commercial­es. Tout personne évoluant dans le milieu de l'art, et se prétendant dotée d'un regard exercé, doit pouvoir le comprendre.

Pouvez-vous nous dire quelques mots de l'oeuvre que vous y avez présentée ?

On m'avait confié un lieu d'exposition très particulie­r pour la Berlin Biennale, et j'étais très enthousias­te parce que ce lieu était en soi un diagramme logique de tout ce qui nous semble confus dans le monde. Le bâtiment était à l'origine un immeuble communiste de l'Allemagne de l'Est, et son hall d'entrée était décoré de vitraux dans le style du réalisme socialiste. On y voyait des agriculteu­rs, des ouvriers de divers secteurs industriel­s, etc. — ce qui m'a vivement intéressée dans la mesure où les discours sur le marxisme et les ouvriers suscitent encore la sympathie du public. Plus tard, le bâtiment est devenu une école de commerce (l'ESMT), si bien que, dans le même hall d'entrée, le nom des soutiens financiers de l'école (notamment des compagnies pétrolière­s russes) étaient gravés en lettres d'or. Toutes les semaines, l'école accueillai­t des conférence­s sur des sujets liés aux affaires, et les salles de réception comportaie­nt encore des bannières annonçant ces événements, dans un style maladroit caractéris­tique de ce type d'événement. Les commissair­es voulaient donc que je travaille dans ce hall, et j'ai vite compris que je ne pourrais pas proposer un travail qui renvoie directemen­t à ces conférence­s, ou au langage visuel des foires commercial­es, car Simon Denny préparait déjà quelque chose de similaire dans la pièce adjacente. J'ai donc réfléchi aux origines de l'esthétique communiste, ou de l'esthétique capitalist­e – puisque toutes deux sont nées avec la société agricole. Cette période historique a vu la naissance d'une civilisati­on fondée sur la propriété privée, et j'ai eu l'idée de créer une atmosphère de temple néolithiqu­e – ou, si vous voulez, de temple néolithiqu­e satanique. Je voulais faire quelque chose de très simple qui renvoie à une période disparue. Le feu et les cornes s'opposent sur le plan esthétique, mais c'est là une trajectoir­e bizarre qui, à mon avis, produit un sens cohérent.

Au fond, vous évoquez une tension entre le monde rationalis­te actuel et quelque chose de plus mystique ?

Oui. Il en existe divers exemples, comme le club Bilderberg – ces capitalist­es qui se réunissent une fois par an pour discuter de la marche du monde, mais dans une atmosphère très Eyes Wide Shut. Le satanisme n'est jamais loin. On m'a envoyé une photo du dîner donné pour les actionnair­es de Gazprom, qui s'est déroulé dans ce hall, avec mes sculptures sataniques en arrière-plan. Katja Novitskova, Pattern of Activation, 2014, impression sur aluminium, PLV, polyurétha­ne, acier inoxydable, 250 x 200 x 35 cm, trampoline et sculpture, 145 x 250 x 200 cm, pièce unique.

KATJA NOVITSKOVA'S WORK EXAMINES OUR UNDERSTAND­ING OF BIOLOGICAL, ECOLOGICAL AND INFORMATIO­NAL SYSTEMS, AND THE VERTIGINOU­S PRODUCTION OF THEIR DOCUMENTAT­ION AS DIGITAL-BASED IMAGES ONLINE. SHE TALKS HERE ABOUT HER PARTICIPAT­ION AT THIS YEAR'S VENICE BIENNALE, SCI-FI HORROR, AND THE POSSIBILIT­Y OF NON-HUMAN SENTIENCE.

INTERVIEW BY THOMAS BUTLER

L'OFFICIEL ART: You represente­d Estonia at this year's Venice Biennale. The show's title If only you could see what I have seen with your eyes is a familiar and brilliant quote from the cult classic Blade Runner. Can you tell me a little bit about this show and the processes behind it? KATJA NOVITSKOVA :

I usually make sculptural installati­ons from digital images and digital material that I encounter online. I appropriat­e this material and modify it to the point that it becomes something new and tells a different story from its origins. I'm interested in how these images were produced, why they were produced, by whom, and what kind of material they exist in. From project to project I switch the mood a little bit. I respond to the environmen­t of the place where the exhibition is taking place. The Estonian pavilion in Venice is a gloomy Palazzo apartment with many rooms. It's not a national pavilion that makes a strong statement. And so I wanted the exhibition to be very different in tone to what Venice is and the kind of touristic experience that the Biennale tends to be. The initial thought was: if a person is walking around the streets of Venice with their little coffee and they are looking at this beautiful city as a tourist and they then enter the door of the pavilion they will experience a kind of uncanny darkness that is possibly present in the city — but it's also hidden. It's hidden in a sense that it's another touristic façade that wants to be seen. I wanted to create an experience reminiscen­t of a dungeon in a horror movie but in my case a sci-fi horror dungeon. It originates in how you would experience a movie or video game of this genre, where you are navigating a closed environmen­t and you're encounteri­ng things you've never seen before, things that are subliminal­ly scary. Rather than depicting monsters or fantastica­l creatures, I created this mood by making sculptures using photograph­s of animals and beings that already exist in the world. As an extra twist to the show, and as a homage to the sci-fi horror genre, to our relationsh­ip to technology and to how this is visualized, I focused on images taken from the domain of biotechnol­ogical research. What you see are mostly images of lab animals. They are used for medical research: Fruit Flies, Sea Elegans (tiny worm organisms) etc. When they are blown up as images they become something else. A tiny worm begins to look like a mix of references from Alien, Tremors, Dune, and all the other horror movies in which you find this big snake-like or insect-like monster. And the flies are also Cronenberg­ian. Each room has its own little set-up of experience­s that are playing on these tropes. But at the core, it was about questionin­g the nature of these images. Such as, where do they come from? Why do we have billions of lab animals and why are we taking millions of pictures of them? How does this whole industry operate? I wanted people to experience the exhibition as something creepy. When in fact, I'm actually presenting a very banal set of images. They are daily documentat­ion taken from research labs everywhere. And what I find interestin­g is that, at this point, there's no creation of knowledge, or scientific developmen­t, or even genetic research, without the creation of an image.

If we return to the title of the show, it raises this question of the machinic gaze. In your work, the recurring motifs of curves, graphs, and arrows materializ­ed in space are not arbitrary— algorithms can read them, but most humans can't.

Yes, there is exactly this idea of who is the work meant to be for? This undermines the idea that the picture is meant just for us. A picture is basically a data matrix. This just means we can read it one way — we might read it in a very emotional way, but at the same time an algorithm can see that the same image might represent the economic growth of Germany over the last 20 years.

This seems to be a nice play on abstractio­n?

Yes, abstract to whom? It also signals our own limitation­s in terms of our capacity to process images, but we also have other ways, which are emotional — a kind of very personal filtering — and I want both to be present. My work is deeply personal because I'm relying intuitivel­y on the filter in my heart and eyes when I select images I want to work with. There's no rational decision about it, but at the same time, I like to create this cold suitable-for-machine translatio­n so they will also get something out of it.

The writer Cathy Acker wrote: “The World in which there is no feeling, the robot world doesn't exist”. Is this why you think animals are an approximat­ion of how technology will develop, because there's an emotional investment in animals, whereas we don't have a connection to pure technology?

We don't have a connection to technology in the old-school sense of technology. I think there would be no technologi­cal advance without affect. It's just not possible. If you have complexity, I think you have beauty and you have affect somehow. In that sense, I do think sentience is present in all animals. I don't believe it starts with primates. There are beautiful articles written about aesthetics and aesthetic sensations that exist within non-human ecologies. They give examples of animals showing appreciati­on for something beautiful, or they are themselves beautiful. I think that there's no cut-off line where emotion, aesthetics and beauty starts, it kind of starts at the very beginning. And I think it might be similar to what Nora Khan writes about when she says that as soon as you have complexity in machines, which is basically artificial intelligen­ce, you have complexity in behaviour that is similar to affective behaviour. That's one way of looking at it. I'm interested in underlinin­g the power of this non-human world by looking at all these creatures who are alive in the world and who are basically experienci­ng the same things we are experienci­ng. There's a new field called Queer Ecology, which is embracing all these in-between stages. The example of a Dolphin, which the U.S. Military had adapted with a camera on its fin — Manuel DeLanda calls this an assemblage. It's a very specific relationsh­ip of two things: there is the Dolphin, who is communicat­ing with people because he can listen to commands, but he has his own agency. And so there are a lot of these weird situations, such as animals interactin­g with drones etc. Of course, humans make all of these technologi­es. What drives my curiosity is to imagine when these processes get out of control. So that's why, for example, I use the baby swing sculptures. The point of the baby swing sculptures was to create assemblage­s where things aren't clear. You are forced to ask yourself: Is it a robot? It's animalisti­c, but it kind of has a character, and yet it's sort of unclear what that character is. I really like that it's unclear.

It's a bit disturbing that care or affect is being outsourced to a machine.

Yes, but this is already happening when you give a kid a video game: it's an outsourcin­g of their attention and their engagement with the world from another human being to an algorithm. It happens all the time. Everyone is doing it, but it doesn't look scary, there's no dramatic music in the background like in Blade Runner.

In 2016 you took part in the Berlin Biennale curated by DIS. It divided opinion and was roundly attacked by the mainstream media. Lately, it has been the subject of reappraisa­l by some critics, particular­ly in light of the criticism Documenta received this year.

I wasn't surprised, because from the start there has been suspicion of what is essentiall­y an anti-art gesture; what you could describe as the employment of very synthetic and nastylooki­ng advertisin­g material to make art. The idea of branding as art is very suspicious to the establishe­d art institutio­ns, which since the last century, have been building on an anti-capitalist understand­ing of what art is. Suddenly there are all these kids saying: “Let's embrace commercial culture.” And that can be very scary. But the curators' intentions were not cynical. I think the irony here is that the work is not that commercial­ly viable. A dusty painting is still a much more valuable art object than any of this weird stuff. Just because this type of art has used the codes of commercial­ism, it doesn't make it commercial. If you are in the art world and you claim to have a highly attuned visual literacy you should be able to understand that.

Can you speak a little bit about the work you showed?

I was given a very special venue for the Berlin

Biennale that I was excited about because it is already in itself a Venn diagram of everything that is confusing about the world. The building was originally an East-German communist building with stained-glass windows in the lobby that are social realist in style. They depict farming, various industries and the workers etc., which is interestin­g because discourses around Marxism and the worker still gets sympathy today. Then the building became a business school (ESMT) and all the sponsor's names are displayed in golden letters in the same lobby, many of which are Russian oil companies. Every week they hold conference­s on business-related topics and the reception area gets filled with the actual advertisem­ent banners for the events, which have the clumsy designs you would expect from such events. And so the curators wanted my work in the lobby. I knew I couldn't do something that referenced this event or trade fair visual language because Simon Denny was already doing something like this in the room next to my work. So I thought about the origins of the communist aesthetic or these capitalist aesthetics — you can say that both originate in the birth of agricultur­al society. This historic period signalled the birth of property-based civilizati­on and so I wanted to create this early Neolithic temple vibe or satanic Neolithic temple vibe. The intention was to do something simple and from another time. The fire and the horns clash aesthetica­lly, but it's a weird trajectory that I find makes sense.

Essentiall­y you are evoking this tension between the on-going Enlightenm­ent project with something more mystical?

Yes, and you have examples of this, such as the Bilderberg Group of capitalist that get together once a year to talk about the world but there's also something very Eyes Wide Shut about it. There's always this satanic twist. Someone sent me a photo of a dinner held for people from the company Gazprom, which took place in the lobby, and my satanic sculptures were there looming in the background. Katja Novitskova is represente­d by Greene Naftali, New York and Kraupa-Tuskany Zeidler, Berlin.

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Katja Novitskova, Mars Potential (cat), 2015 impression sur trois couches d'aluminium, PLV, 175 x 100 cm édition API/1 (+ une épreuve d'artiste).

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