Tribune
Contre les inégalités entre les formes de commerce, il est temps d’agir, par Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du Commerce et de la Distribution.
Pour faire face à la concurrence du e-commerce, les magasins ont dû se réinventer. Un nouveau modèle est ainsi en train de naître pour le plus grand profit des consommateurs. Ce modèle “phygital” mixe les magasins physiques et le e-commerce, notamment grâce au développement de nouveaux services (drives, livraisons). Il permet par exemple au consommateur d’acheter en magasin et de se faire livrer chez lui ou d’acheter sur Internet et de se faire livrer dans un magasin à côté de son domicile. Ce modèle est une chance pour le consommateur, à condition qu’il soit compétitif. C’est pourquoi une politique d’égalité des conditions de concurrence entre magasins physiques, e-commerçants français et acteurs transnationaux est indispensable. La fiscalité est au coeur de cet enjeu. Elle est encore aujourd’hui construite sur le physique alors que l’économie l’est de moins en moins : les pure player étrangers (Amazon…) ne paient presque pas d’impôt sur les sociétés en France sur l’ensemble de leurs opérations, les market place sont souvent peu fiscalisées, notamment lorsque les vendeurs sont situés hors d’Europe... Enfin, les impôts fonciers ne concernent que très marginalement le e-commerce alors qu’ils pèsent lourdement sur le commerce physique. D’autres contraintes contribuent à renforcer cette inégalité entre les formes de commerces, comme celles des horaires d’ouverture. VERS UNE ÉGALITÉ DES CONDITIONS DE CONCURRENCE S’il est possible de se faire livrer à toute heure par Internet, les magasins ne peuvent notamment pas ouvrir le dimanche aprèsmidi. La multiplication des normes d’urbanisme - ne s’appliquant qu’aux magasins physiques et renchérissant les coûts des opérations - empêche également une “respiration ” intelligente du parc commercial à un moment où il est nécessaire pour ces magasins d’investir pour se moderniser. Les enjeux de cette égalité des conditions de concurrence sont majeurs. D’abord l’emploi : le commerce de détail en France représente 1,8 million d’emplois et est souvent le premier employeur local. Or, à chiffre d’affaires égal, le commerce physique emploie 2 à 3 fois plus de salariés que le commerce électronique. Mais c’est aussi l’enjeu de notre vie en société afin que nos villes restent un lieu de convivialité et non une succession de casiers de retrait, de showrooms et de camions de livraison. Il est temps d’agir !
“41 % des Français ont le sentiment qu’ils peuvent se passer des magasins physiques”