Secteur
Cavistes : In vino veritas
Près de 5 800. C’était le nombre de cavistes en France en 2016, selon Equonoxe. Si la grande distribution représente environ 85 % du volume des achats du secteur, les cavistes tirent leur épingle du jeu puisque leur nombre n’a cessé d’augmenter, + 18 % depuis 2008. Et la tendance va se poursuivre, entraînant également une hausse du chiffre d’affaires du secteur. Pour vous faire une idée, les cavistes vendent 154 millions de litres de vin par an et près de 6 millions de litres de spiritueux. Le chiffre d’affaires généré tournerait autour 1,7 milliard d’euros. Selon le cabinet Xerfi, les revenus des détaillants spécialisés augmenteront de 2,5 % en 2019. “C’est une progression qui atteste d’une très belle dynamique du secteur, composé de nombreux petits commerçants présents sur tout le territoire”, analyse Nathalie Viet, directrice du syndicat patronal des cavistes professionnels. À noter que cette croissance est aussi due au maillage du territoire français opéré par les réseaux en franchise.
Boire moins mais mieux
Vous entendez, et constatez, depuis plusieurs années que la consommation de vin a diminué ? Vous avez raison ! Mais pas de panique parce que cette baisse profite
grandement aux cavistes justement. Les Français consomment moins de vin mais misent sur la qualité quand ils en boivent, d’où l’intérêt de faire appel à son caviste pour ses conseils et son savoir-faire. En fait, c’est surtout le nombre de consommateurs réguliers de vin qui a diminué comme le montre le graphique ci-contre. En même temps, le nombre de consommateurs occasionnels s’accroît, et c’est justement le type de clients ciblés par les cavistes. Des clients à la recherche de conseils et de vins de qualité. Ils privilégient la qualité à la quantité, préférant des produits de vignerons. “Les consommateurs occasionnels cherchent l’accompagnement et la fidélité”, analyse Nathalie Viet. “On sait que le marché va migrer vers plus de spécialisation”, renchérit Jérôme Guilluy, directeur général La Vignery. Cette quête de bons produits se ressent sur les linéaires des cavistes sur lesquels de nombreux vins proviennent de producteurs indépendants. C’est le cas chez Cavavin : “Pour la plupart de nos produits, nous connaissons l’histoire du vigneron, c’est notre ADN, précise Étienne Boivin, responsable développement France. À la recherche d’un contact privilégié et de conseils, nos clients nous sollicitent beaucoup pour des accords mets et vins.” Côté prix, il s’agit également de satisfaire la demande des clients. Créée en 2005 par Romain Mulliez, l’enseigne La Vignery a coupé la poire en deux entre la grande distribution et le caviste de quartier en gardant les avantages de la première, à savoir les prix, et les avantages du second comme le service et la proximité. C’est aussi pour cette raison que leur marge est basse et les frais élevés. “Nous sommes condamnés à faire du volume pour proposer du choix et des prix”, ajoute Jérôme Guilluy. C’est pourquoi la tête de réseau préconise de grands locaux commerciaux, entre 300 et 450 m2 de surface de vente, situés majoritairement dans des retail park. Dans les boutiques, 1 500 références de vin “pour lesquelles on va raconter une histoire. Le client veut savoir d’où vient le vin et comment il est fait. Il veut être rassuré. C’est aussi pour ça que 25 bouteilles sont ouvertes en permanence pour faire goûter”, indique Jérôme Guilluy. D’ailleurs, l’enseigne a créé un processus pour contrôler la qualité des vins vendus en vérifiant trois critères - la
“Les consommateurs sont moins nombreux mais plus exigeants”
viticulture pratiquée (désherbage, insecti-cides...), le chai (sulfite, pressoir utilisé...) et l'environnement de l'entreprise (gestion de l'eau, traitement des déchets...) - et goûte les produits référencés chaque année. "Les cavistes doivent avoir la capacité de renou-veler leur offre pour répondre aux attentes des consommateurs, moins nombreux mais plus exigeants", confirme Nathalie Viet.
Toutn'est pas rosé
Mais attention, tout n'a pas la couleur du rosé dans le monde des cavistes. La direc-trice du syndicat patronal des cavistes pro- fessionnels évoque une vraie responsabilité sociale dans le fait de vendre de l'alcool. "Il y a une vraie rigidité de la société par rapport à ce genre de message. Il faut donc être vigilant", prévient-elle. On pense notamment à la loi Évin, plus souple pour le vin d'ailleurs, distinguant publicité et information pour cet alcool. Nathalie Viet parle même d'une "ambiance austère et de plus en plus prohibitionniste qui com-mence à faire mal aux cavistes". N'oublions pas que les bons moments sont la clé de leur chiffre d'affaires. "Nous sommes dans une société qui n'a plus le temps. Il y a un espacement de ces moments de consommation. La moralisation de ces plaisirs commence à compliquer la vie de leur commerce", s'inquiète-t-elle. Ces restrictions économiques peuvent impac-ter le chiffre d'affaires du secteur. C'est pourquoi de plus en plus de cavistes, et de réseaux, se tournent vers la diversification. D'abord, en ce qui concerne l'alcool vendu, ajoutant à leur gamme bières, spiritueux et même boissons sans alcool. Ensuite, en proposant des services comme des cours et des formations à licenologie et des dégustations. Certains ont tenté la »
“Les consommateurs occasionnels cherchent l’accompagnement et la fidélité”
diversification un cran au-dessus, comme le réseau V and B, commerce hybride entre cave et bar pour consommer sur place, dont le deuxième commerce représente tout de même 40 % de leur activité. “Aujourd’hui, on ne comprend pas pourquoi les cavistes ne se mettent pas à la restauration. La tendance se dessine chez les boulangers, bouchers, et même poissonniers, et cela marche, constate Bernard Boutboul, fondateur et dirigeant de Gira Conseil. Cela pourrait apporter une augmentation des ventes de bouteilles en attirant des gens qui viennent manger et ainsi améliorer le chiffre d’affaires”. Internet a aussi bousculé les habitudes des consommateurs, comme celles des cavistes. En France, les ventes en ligne représentent 9,4 % du marché en 2017, soit un chiffre d’affaires de 1,41 milliard d’euros (estimé à 1,5 pour 2018), selon le e-performance barometer de l’école Kedge Business School, soit l’équivalent de la part des cavistes. Elles sont trustées par de gros acteurs comme vente-privee. com ou lavinia.fr et les grandes surfaces comme Carrefour ou Auchan. La Vignery a lancé la première version de son site marchand en 2013, avec une nouvelle version il y a six mois : “C’est, pour nous, une façon moderne de servir nos clients, avec du click and collect et nos stocks mis à jour en temps réel par magasin”, affirme Jérôme Guilluy. Si pour l’instant la part du Web est relativement faible, sa progression est cependant très forte. “La création