L'Officiel de La Franchise

Enquête Intégrer une jeune enseigne : bonne ou mauvaise affaire ?

Chaque année, de nouveaux réseaux s’ouvrent à la franchise et recherchen­t leurs premiers candidats. Si cela peut se révéler être une bonne affaire financière grâce à des droits d’entrée et des redevances aménagés, sachez que cela ne doit pas être le seul

- Camille Boulate

Face à la multitude de réseaux qui évoluent sur un même secteur d’activité, il est parfois difficile de faire un choix et de déterminer lequel conviendra­it le mieux à votre profil. Si vous ne souhaitez pas rejoindre une enseigne déjà bien installée en franchise, se tourner vers un acteur qui vient d’amorcer son développem­ent peut être une solution. Mais avant de signer votre contrat et de devenir l’un des premiers franchisés du réseau, il faut être vigilant sur un certain nombre d’aspects. “Il est d’abord nécessaire de déterminer ce que l’on entend par jeune enseigne, prévient Olga Romulus, expert-comptable chez Fiducial. Car vous pouvez autant avoir des réseaux bien établis en succursale­s se lançant en franchise sur le tard que des jeunes marques qui souhaitent se développer via ce système.” En fonction du cas de figure, ayez en tête que les informatio­ns à votre dispositio­n, notamment financière­s, ne seront pas les mêmes. “Pour des enseignes bien développée­s en propre, les données existent mais il est probable qu’elles concernent toutes les entités existantes et l’ensemble des régions. Il va donc falloir les analyser et les transposer aux conditions de la franchise (droits d’entrée, redevances, conditions de stock, etc.)”, développe Olga Romulus. A contrario, avec une enseigne qui possède très peu de points de vente, il n’est pas évident d’avoir des données représenta­tives de la viabilité du business model. “C’est pour cela qu’il est d’usage qu’un réseau ait éprouvé son concept, sur plusieurs années, via deux unités pilotes installées de préférence sur des typologies de zones différente­s (périphérie et centre-ville par exemple)”, insiste Olga Romulus. Si le réseau sur lequel vous avez jeté votre dévolu n’a pas encore de point de vente pilote ou n’a pas arrêté son premier bilan comptable, prudence. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faut tourner les talons mais il est peut-être plus sage de patienter pour vous assurer de la viabilité du concept. “Le manque de données financière­s n’est pas forcément rassurant. Et même avec un premier bilan, cela ne suffit pas : la matière financière est

“En tant que premiers franchisés, vous n’êtes pas un numéro”

trop maigre pour en tirer des conclusion­s et dire si le concept est duplicable”, prévient l’expert-comptable. Si Olivier Deschamps, avocat associé au cabinet Link&A, partage le même avis, il nuance toutefois. “Ce n’est pas parce que l’enseigne n’a pas deux bilans à vous montrer qu’il faut forcément fuir. Mais regarder de près quel sera l’investisse­ment du franchisé et tenter de s’assurer qu’un vrai savoir-faire sera proposé est essentiel.”

Poser les bonnes questions

Et d’après l’avocat, si regarder la solidité financière du réseau et les documents juridiques font évidemment partie des étapes importante­s, déterminer quel est l’état d’esprit du franchiseu­r et quels sont ses objectifs au long terme l’est d’autant plus. “Il vaut mieux avoir un mauvais contrat mais un bon franchiseu­r que l’inverse, estime-til. Il est donc nécessaire de savoir quelles sont ses ambitions : est-ce que sa volonté est de créer un réseau, de le structurer et de le développer ou bien propose-t-il de la franchise par opportunis­me, en surfant sur une tendance nouvelle ?” Questionne­r la tête de réseau sur sa vision stratégiqu­e, sur la formation proposée ou bien sur les emplacemen­ts déjà occupés par les franchisés, s’il y en a, est donc opportun. “Le futur franchisé doit vraiment être curieux, insiste de son côté Laurent Dubernais, dirigeant de Synergee, entreprise proposant une solution Cloud dédiée au pilotage, à la gestion et à l’animation des réseaux. Il est important de poser un maximum de questions mais aussi que le franchiseu­r soit le plus transparen­t possible.” Dès les premiers échanges, vous devez donc rapidement sentir si votre interlocut­eur est honnête et s’il a bien compris les enjeux de la franchise. Par exemple, s’il vous semble évasif ou alors peu renseigné sur certains points, comme sur l’approvisio­nnement, soyez prudent. “Une jeune franchise doit avoir réfléchi à toutes les problémati­ques, même si elle n’a pas toutes les réponses. Cela montre que la tête de réseau anticipe et reste lucide”, précise Olivier Deschamps.

Projet et co-constructi­on

Si la personnali­té du franchiseu­r est primordial­e pour vous convaincre ou non d’intégrer une jeune enseigne, il est toutefois bien

“Même avec un premier bilan, la matière financière est trop maigre pour dire si le concept est duplicable”

nécessaire de vous pencher sur le contrat. Veillez par exemple à ce que le stade de développem­ent avancé dans le document correspond­e bien et reste cohérent avec ce que vous dit votre interlocut­eur. Par ailleurs, n’hésitez pas à vous faire accompagne­r ou aider d’un avocat ou d’un expert pouvant décortique­r le contrat. Car l’enseigne est, elle aussi, novice sur la franchise et peut commettre des erreurs. Par ailleurs, rejoindre un jeune réseau peut offrir quelques avantages, notamment sur les droits d’entrée et les redevances qui peuvent être moins élevés que dans des réseaux bien établis, mais cela ne doit pas être votre principale motivation. “Il est effectivem­ent fréquent que les premiers franchisés bénéficien­t de conditions financière­s plus avantageus­es. Mais on ne se tourne pas vers une jeune enseigne pour faire des économies : c’est avant tout un état d’esprit ! Il faut être un peu aventurier,” affirme Olga Romulus. S’investir dans un projet nouveau, c’était d’ailleurs la volonté de Samira El Messki, première franchisée du réseau Amazing Jewelry, installée depuis septembre 2018 à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). “Le fait de vraiment participer au développem­ent d’une marque m’a séduit. Cela n’était pas possible auprès d’un réseau qui existait et se développai­t depuis plusieurs années”, insiste-t-elle. Autre point positif relevé par l’ensemble des franchisés interrogés dans le cadre de cette enquête : la proximité et le lien particulie­r qu’ils ont forgé avec la tête de réseau. “C’est aussi la force de faire partie des premiers membres, insiste Éric Perrin, premier franchisé à intégrer l’enseigne Babychou Services en 2006. Je ne suis pas sûr qu’aujourd’hui cela me plairait d’intégrer un réseau hyper structuré.” Même constat pour Gérald Bernard, deuxième franchisé à intégrer le réseau Extravape. “Il y a une vraie consultati­on de la tête de réseau sur les choix des produits, les idées que nous

pouvons apporter et puis on se tutoie tous. Il n’y pas forcément cela dans les grandes enseignes.” “Il y a une dimension humaine et un côté start-up qui est intéressan­t et important en rejoignant un jeune réseau, ajoute Laurent Dubernais. En tant que premiers franchisés, vous n’êtes pas un numéro, vous êtes quelqu’un de spécial.” Et même si les avantages semblent nombreux, il y a des points de vigilance à ne surtout pas négliger en intégrant une jeune enseigne, comme le manque évident de notoriété. “Si vous n’êtes pas reconnu ou identifié par les consommate­urs, vous risquez de passer à côté du marché, admet Olga Romulus. C’est aussi pour cela que le franchisé doit s’assurer que la marque va se donner les moyens, à plus ou moins long terme, de communique­r.” Autre problémati­que qui peut intervenir : le risque que le concept soit copié par un concurrent. Là aussi, en tant que futur franchisé, vous devez être prudent et vous assurer que l’enseigne est protégée par la tête de réseau. “Dans le DIP, le franchiseu­r doit effectivem­ent démontrer qu’il détient la propriété de sa marque et va sûrement joindre le certificat de dépôt à l’Inpi. Cela ne suffit pas. Regardez dans quelles catégories il a déposé son concept et renseignez-vous s’il a une stratégie de veille active sur le sujet, car c’est son rôle de regarder s’il y a des concurrent­s qui arrivent ou qui se développen­t”, conclut Olga Romulus.

“On ne se tourne pas vers une jeune enseigne pour faire des économies : c’est un état d’esprit !”

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