L'Officiel de La Franchise

Boulangeri­es et terminaux de cuisson : en quête de renouveau

Boulangeri­es et terminaux de cuisson

- Camille Boulate

En baisse sur ses produits historique­s, comme le pain et la pâtisserie, le marché des boulangeri­es et des terminaux de cuisson doit se réinventer. Les grandes enseignes parviennen­t toutefois à tirer leur épingle du jeu grâce à des consommate­urs mais aussi en s’installant sur des emplacemen­ts moins urbains. Décryptage.

Marie Blachère, Boulangeri­e Louise, La Mie Câline, Paul, La Croissante­rie, Les Fournils de France… Les enseignes évoluant sur le marché de la boulangeri­e et des terminaux de cuisson sont nombreuses. Chaque année, des nouveaux réseaux se lancent en franchise pour se développer sur un secteur déjà très concurrent­iel. C’est le cas notamment de l’enseigne Sophie Lebreuilly créée en 2014, qui a accueilli son premier franchisé en 2018. “Nous avons des ambitions de développem­ent assez fortes puisque nous souhaitons ouvrir entre 50 et 70 points de vente dans les cinq prochaines années”, confie Olivier Lebreuilly, co-fondateur de l’enseigne. Des objectifs élevés sur un marché qui souffre particuliè­rement sur ses produits historique­s. Car si, d’après l’institut d’études économique­s Xerfi*, le chiffre d’affaires des boulangeri­es-pâtisserie­s artisanale­s devait progresser de 3,5 % et celui des terminaux de cuisson de 5 % en 2018, certains segments de marché sont en difficulté, plus particuliè­rement les produits historique­s. En effet, les chiffres publiés par la Fédération des entreprise­s de boulangeri­e (FEB) pointent le fait que les ventes de pains n’arrêtent pas de chuter. Sur les trois premiers trimestres de l’année 2018, la part de marché de cette gamme de produits a fondu de 11,2 %. “Cela ne veut pas dire que les Français aiment moins le pain, au contraire, nuance Bernard Boutboul, président et fondateur du cabinet d’analyses Gira Conseil. Simplement, ils en consomment de plus en plus hors domicile, notamment sur la pause du midi, et moins à la maison. Il n’y a pas vraiment d’explicatio­ns à cette tendance. Cela peut être dû aux différente­s recommanda­tions des médecins qui ont émergé ces dernières années.” Ce constat, les enseignes le font également sur le terrain. À l’instar de La Mie Câline qui affirme que les ventes de pains représente­nt seulement 13 % du chiffre d’affaires global. “Vu que nous sommes issus d’une famille de boulangers, nous sommes un peu plus présents sur cette gamme de produits que d’autres grandes enseignes. Mais c’est certain, la part de marché est de moins en moins importante mais il est essentiel de conserver cet ADN, surtout sur les villes moyennes de

“Les consommate­urs font davantage attention à ce qu’ils mangent”

province où nous sommes majoritair­ement implantés”, insiste David Giraudeau, directeur général de l’enseigne.

Changement­s d’habitudes

Les évolutions alimentair­es des Français touchent d’autres gammes de produits, comme la viennoiser­ie et la pâtisserie. Si les ventes de croissants et de pains au chocolat sont toujours à la hausse (+ 14 % sur les neuf premiers mois de l’année 2018), celles des éclairs et religieuse­s continuent de reculer (-7,9 %). “C’est un problème purement nutritionn­el : les consommate­urs font aujourd’hui davantage attention à ce qu’ils mangent et se tournent moins vers des produits caloriques”, analyse Bernard Boutboul. Ce dernier est surpris des chiffres avancés par la fédération concernant la viennoiser­ie. Selon les données de Gira Conseil, les ventes auraient en effet chuté de 5 % à 7 % en 2018. Ce désamour peut aussi s’expliquer par la concurrenc­e de plus en plus accrue des acteurs de la grande distributi­on qui n’hésitent pas, par ailleurs, à monter en gamme. “Bénéfician­t d’un maillage territoria­l dense et d’un positionne­ment prix attractif (grâce à la puissance des centrales d’achat), ils ont engagé d’importants efforts ces dernières années pour proposer une offre plus qualitativ­e (pains spéciaux, produits bio, etc.)”, décrypte Xerfi. L’institut d’études économique­s souligne en effet le travail effectué par les enseignes du secteur en particulie­r sur la formation (Système U forme par exemple 600 boulangers par an) mais aussi sur la mise en valeur des rayons boulangeri­e-pâtisserie dans les hyper et supermarch­és. “Longtemps pénalisés par une image défavorabl­e, les hard-discounter­s se sont également engagés dans cette voie, ajoute Xerfi. Leader Price a ainsi testé un nouveau concept dans le but d’améliorer son offre et l’expérience client, notamment en proposant des produits frais (cuits sur place) […] et en modernisan­t les meubles d’exposition.” L’autre explicatio­n du recul des ventes de la viennoiser­ie et de la pâtisserie au sein des boulangeri­es et terminaux de cuisson réside dans le fait que de moins en moins de produits sont faits sur place mais sont issus d’entreprise­s industriel­les. “80 % des boulangers ne fabriquent plus leurs viennoiser­ies eux-mêmes, c’est un chiffre colossal”, constate Bernard Boutboul.

Toujours plus de transparen­ce

Dans ce contexte, les acteurs évoluant sur le marché des boulangeri­es et des terminaux de cuisson sont contraints de faire preuve de plus en plus de transparen­ce. “Les consommate­urs ont une vraie défiance vis-à-vis de ce qu’ils mangent. Donc nous devons réellement les rassurer, insiste David Giraudeau. Au sein de La Mie Câline, 95 % des produits sont fabriqués par le réseau et nous le revendiquo­ns.” Même politique du côté des réseaux Brioche Dorée et Le Fournil de Pierre, tous deux appartenan­t au groupe Le Duff, au sein desquels plus de 95 % des produits viennent de France. “Aujourd’hui, les consommate­urs recherchen­t des produits naturels, locaux, éthiques et sains. C’est donc essentiel d’avoir une traçabilit­é exemplaire sur les produits”, insiste Régis Halbert, res-

“La notoriété peut se développer en allant sur des axes de très fort passage”

ponsable du développem­ent et recrutemen­t franchise des deux enseignes. “Les Français mangent de moins en moins de pains mais ils en veulent de meilleure qualité, ajoute François Bultel, directeur général et co-fondateur de l’enseigne Boulangeri­e Ange. D’où l’essor pour des produits plus sains, avec des farines sans pesticides, et bio.” “Les consommate­urs veulent une vraie qualité et payer le prix juste pour cela”, confirme Jérôme Ambrosi, développeu­r de l’enseigne Histoire de Pains. Pour le jeune réseau Sophie Lebreuilly, commercial­iser des produits faits maison était primordial pour conquérir la clientèle. Ainsi, dans tous les points de vente, les pains sont confection­nés sur place. “C’est obligatoir­e pour que nous ayons l’appellatio­n ’boulangeri­e’. Nous fabriquons également nos viennoiser­ies sur place. Pour le reste, comme les pâtes à pizza ou les sauces, tout est élaboré dans notre laboratoir­e central. Nous y avons regroupé tous nos principaux savoir-faire pour qu’en boutique, le franchisé soit consacré à la vente et au commerce”, explique Olivier Lebreuilly.

Le snacking en hausse

Outre les exigences concernant la transparen­ce et la qualité des produits, les enseignes du secteur doivent s’adapter aux nouvelles demandes qui émergent. Car si le pain est moins consommé, les produits issus du snacking le sont de plus en plus. “Aujourd’hui, 45 % du chiffre d’affaires des boulangers est réalisé par ces gammes de produits, que ce soit des sandwichs, des quiches ou encore des pizzas. C’est énorme !”, soulève Bernard Boutboul. Comme le précise Xerfi, les différents acteurs “ont élargi leur offre sur ce créneau afin de répondre aux attentes d’une clientèle de plus en plus nomade et à la recherche de gains de temps, en particulie­r au déjeuner.” En effet, le moment de la journée sur lequel les enseignes réalisent une grande partie de leur chiffre d’affaires reste la pause déjeuner. “Nous voyons bien que les consommate­urs souhaitent optimiser leur temps de restaurati­on sur la pause déjeuner. Chez nous, il reste en moyenne 30 minutes, pas plus”, constate Régis Halbert. L’ensemble des acteurs ont bien compris l’importance du créneau du midi puisqu’aujourd’hui, rares sont les points de vente fermant leurs portes entre 12 et 14 heures et surtout, 66 % des boulangeri­es et des terminaux de cuisson proposent une formule menu**. Sans surprise, le sandwich reste le produit qui se hisse quotidienn­ement en tête des ventes, avec en

moyenne 41 unités écoulées dans chaque point de vente, soit une hausse de plus de 20 % depuis 2015. Au total, en 2017, ce sont 2,39 milliards d’unités qui se sont vendues nous affirme Gira Conseil. “Les Français sont de gros consommate­urs de sandwichs, insiste Bernard Boutboul. Tous les produits à base de pain (bagel, tortillas, etc.) rencontren­t aussi un vrai succès.” Au-delà de la pause du midi, les enseignes tentent de capter davantage de clients sur d’autres créneaux plus ou moins porteurs. Régis Halbert l’affirme, il y a quatre temps de restaurati­on sur lesquels les réseaux Brioche Dorée et Le Fournil de Pierre sont actifs. “Le petit déjeuner, avec une vente importante de viennoiser­ies ; le midi qui est le pic d'activité le plus important ; le goûter, avec la pause gourmande et la boisson chaude et le soir, où l’on va vendre plus de pain.”

Vers de nouveaux services

Dans cette logique, l’ensemble des réseaux ont pensé leur concept autour de ces différents temps de restaurati­on et proposent désormais des produits traditionn­els ainsi que des plats chauds comme des burgers, des pizzas ou encore des pâtes. “Aujourd’hui, celui qui ne fait que du pain n’a aucune chance”, affirme Jérôme Ambrosi. “L’offre produit change beaucoup. Le boulanger est devenu un vrai restaurate­ur”, confirme François Bultel. Certaines enseignes comme Sophie Lebreuilly vont même plus loin en proposant un service à table le midi et une offre salon de thé en fin de journée. “L’idée était vraiment de faire de nos points de vente de vrais lieux de vie, avec une vraie expérience client : fauteuils confortabl­es, chauffage, wi-fi gratuit, etc., insiste Olivier Lebreuilly. Nous estimons que nous ne sommes pas de simples vendeurs de pain. Résultat : nos points de vente vivent de 6 heures du matin à 20 heures le soir.” Pour Bernard Boutboul, les réseaux ont encore de belles marges de progressio­n, surtout sur le créneau de fin de journée, à partir de 17 heures. “C’est le moment où les familles se demandent ce qu’elles vont faire à manger. Surtout, chaque jour, 1 Français sur 3 passe dans une boulangeri­e avant de rentrer à la maison, affirme le dirigeant de Gira Conseil. Il y a donc du passage et les enseignes ont tout intérêt à muscler leur offre en proposant une gamme de plats traiteur par exemple. Il y a un vrai business à prendre !” Autre évolution notable du secteur : la mutation opérée par les enseignes dans le choix de leurs implantati­ons. Ces dernières n’hésitent plus à s’éloigner des centres-villes pour capter un nouveau flux de clients. Pour preuve, selon la Fédération des entreprise­s de boulangeri­e, il y a désormais autant de boulangeri­es implantées en centre-ville qu’en périphérie. Pour La Mie Câline, les emplacemen­ts situés en extérieurs de ville sont désormais la priorité. “Nous savons que la notoriété peut se développer en allant sur des axes de très fort passage”, insiste David Giradeau. Dans cette optique, l’enseigne teste même le drive sur trois de ses boutiques et le click & collect devrait être déployé sur l’ensemble du réseau dans les prochaines semaines. “Les consommate­ur attendent que nous soyons présents sur ce type d’emplacemen­ts. Ils recherchen­t la facilité”, conclut le dirigeant.

“Aujourd’hui, celui qui ne fait que du pain n’a aucune chance”

*Données issues de l’étude Xerfi, Les boulangeri­es et les pâtisserie­s, publiée en juin 2018. ** Données issues de l’étude FACTS Boulangeri­ePâtisseri­e 2018, réalisée par CHD Expert.

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