Enquête Pluri et multi-franchise : Chiffre d’affaires et organisation avant tout !
Vous avez envie de conquérir le monde avec la franchise avec laquelle vous avez signé ? Tant mieux, car les têtes de réseaux apprécieront votre ambition mais il faut tout de même rester vigilants sur quelques points notamment les finances et l’organisation opérationnelle.
Avant de commencer à parler de stratégie d’ouverture, clarifions ce que signifient la multi-franchise et la pluri-franchise. Un multi-franchisé est propriétaire de plusieurs points de vente de la même enseigne. Un pluri-franchisé possède plusieurs points de vente d’enseignes différentes. Vous êtes candidat à la franchise avec des envies de conquérir votre ville sous une enseigne en particulier ? Vous êtes déjà franchisé et pensez à vous développer avec d’autres points de vente ? Sachez que les enseignes apprécient les velléités de développement de leurs franchisés car c’est un signe de bonne santé du réseau. “En général, un franchisé qui souhaite ouvrir un 2e point de vente est un franchisé heureux, affirme Arnaud Allantaz, directeur du réseau SoCoo'c qui compte 25 % de multi-franchisés. D’autant plus que c’est un vecteur de performance car il y a de grandes chances qu’il puisse reproduire sa réussite, et même faire mieux. C’est aussi un vecteur de fidélisation car un multi-franchisé sera plus attaché à l’enseigne qu’un autre franchisé.” Bertrand Baudaire, président du groupe La Boucherie (entre 15 et 20 restaurants en multi-franchise sur 130 établissements), apprécie leur ambition : “C’est un plus pour nous car c’est un établissement supplémentaire. On voit la multi-franchise d’un bon oeil.” Du côté du franchisé, il peut en tirer plusieurs avantages. D’abord, il y a une vocation patrimoniale car cela apporte une certaine sécurité financière. Le risque est étalé puisque le chiffre d’affaires vient de plu
sieurs sources et que les contrats n’ont pas été signés au même moment. En général, on parle d’un chiffre d’affaires mulitplié par 2 pour un ratio de 3 points de vente. Sans oublier les économies d’échelle réalisées en ayant plusieurs points de vente. “Plus vous achetez, meilleure est la réduction, révèle Laurent Kruch, président et fondateur de Territoires et Marketing. Un multi-franchisé augmente son pouvoir de négociation”. C’est valable pour les biens matériels comme la marchandise ou le mobilier mais aussi pour l’immatériel comme les contrats d’assurance. “Il y a aussi une volonté d’occupation territoriale peu importe l’échelle (département, ville et agglomération..) pour éloigner la concurrence. Naturellement, cela freine leur développement sans cannibaliser tant que ça leurs propres points de vente”, déclare Laurent Kruch.
Stratégie et plan de développement
Dans tous les cas, une volonté de se développer en multi-franchise prend du temps et se prépare. Rien ne sert de négocier des ouvertures dès votre premier contrat. Il faut attendre d’être sûr que votre premier point de vente soit rentable. Même discours du côté des enseignes :“On ne s’engage jamais sur un schéma de développement défini à l’avance avec un franchisé. Nous faisons confiance à la force de la preuve : une performance en matière de chiffres, de suivi de dossier, de maîtrise du back office, etc. En général, il faut compter au moins 18 mois avant d’envisager la suite”, alerte Arnaud Allantaz. Pour le réseau La Boucherie, il n’y a pas de délai : “C’est surtout quand les franchisés sont prêts. Par contre, on ne contractualise pas dès le début. D’abord, on voit si ça marche. Les étapes, on les passe les unes après les autres”, annonce Bertrand Baudaire. “Un franchisé se tourne vers la multi-franchise quand il est rentable”, renchérit Laurent Kruch qui conseille d’attendre également entre 18 et 24 mois d’activité du premier point de vente. “Il n’y a aucune loi en la matière mais je recommande un droit
“Plus vous achetez, meilleure est la réduction”
de préemption pour le franchisé. Si le projet de développement vient de la tête de réseau, il peut proposer à son franchisé qui peut soit accepter, soit refuser. Dans ces cas-là, le franchiseur peut faire appel à un autre franchisé ou ouvrir une succursale. C’est ce qui se fait dans la pratique”, recommande-t-il. Avant d’ouvrir un autre point de vente, vérifiez bien que le premier est assuré de fonctionner car il ne sert à rien de se développer si cela met en danger les commerces existants. D’un autre côté, si le premier est très bien placé, une ouverture supplémentaire n’est pas forcément pertinente car cela pourrait vraiment cannibaliser le point de vente. C’est pour cela qu’il faut un plan de développement qui doit mentionner un calendrier, une implantation géographique et surtout des déclencheurs liés au chiffre d’affaires et à la rentabilité. Il doit être construit contractuellement et opérationnellement avec l’enseigne. “Il est également conseillé d’émettre des réserves si les déclencheurs ne sont pas atteints pour éviter des situations embarrassantes, préconise Laurent Kruch. Par exemple, si le franchisé ne parvient pas à un certain seuil de chiffre d’affaires, rien ne sert d’envisager une ouverture”.
Changer de métier
À l’ouverture de points de vente supplémentaires, le franchisé change de métier et devient gérant de plusieurs unités. “L’exer
cice est particulier, tout le monde ne peut pas le faire. Le franchisé se met en danger en voulant se démultiplier. Il faut être capable de quitter le terrain mais pas trop”, analyse Laurent Kruch. Le secret ? Manager et déléguer car il faut gérer ses points de vente de plus loin, ce qui signifie recruter des personnes de confiance. “Le multi-franchisé assure les fonctions stratégiques, financières et de développement, un responsable s’occupe de l’opérationnel de chaque point de vente.” Du côté de SoCoo’c, la tête de réseau parle d’un temps d’adaptation pour ces franchisés qui deviennent dirigeants multi-sites. “Il peut y avoir une certaine frustration à être moins opérationnel et devoir déléguer le management des magasins d’autant que ce sont des gens qui n’en ont pas forcément l’habitude”, avertit Arnaud Allantaz. D’où l’importance du recrutement des managers de terrain - “c’est la clé du succès chez SoCoo’c”, sujet sur lequel la tête de réseau peut soutenir le franchisé avec des outils de recrutement et des
entretiens physiques, même si vous restez maîtres de vos embauches. Au moment de l’ouverture du second magasin, il faut vraiment que le premier soit verrouillé, comme s’il pouvait tourner seul. La distance entre les deux points de vente se gère également. Rien ne sert d’aller ouvrir à plus de 100 kilomètres grand maximum sinon votre santé y passerait. Ouvrir plusieurs points de vente demande de l’organisation et les enseignes s’en assurent. “Nous sommes attentifs au fait que deux points de vente appartenant au même franchisé ne soient pas à plus d’une heure de route pour qu’il puisse les piloter de manière assez sereine”, indique le directeur du réseau de franchise SoCoo'c. Devenir multi-franchisé implique aussi des investissements qui obligent presque à une rentabilité rapide pour financer les recrutements, la comptabilité, etc. “Ce sont des coûts cachés qu’il ne faut jamais sous-estimer”, met en garde Laurent Kruch. “Chez SoCoo’c, nous sommes attachés au fait que le 2e établissement ait nécessité un nouvel apport financier de la part du franchisé et que le magasin ne soit pas dépendant financièrement du 1er”, expose Arnaud Allantaz.
Pluri-franchise
Si vous ne souhaitez pas mettre tous vos oeufs dans le même panier, il reste la plurifranchise. “Le pluri-franchisé devient un chef d’entreprise multi-sites qui dépasse la simple logique de son activité, presque un manager de marque”, analyse Laurent Kruch. Si elle n’est pas forcément bien vue de toutes les enseignes qui essayent de s’en protéger, elle est régie par des clauses d’exclusivité dans le contrat de franchise. En général, les clauses vous empêchent d’ouvrir une franchise en concurrence directe avec l’enseigne avec laquelle vous travaillez déjà. Ce qui relève du bon sens finalement. “C’est compliqué à gérer. Il peut y avoir des problèmes de confidentialité”, explique Bertrand Baudaire, président du groupe La Boucherie. Du côté de SoCoo’c, la tête de réseau reste vigilante quant au fait que le franchisé continue dans un secteur connexe : “C’est plus simple car les modèles se ressemblent et ont une gestion assez proche. Encore plus quand vos unités sont proches géographiquement.” En revanche, pour un franchisé qui ouvrirait dans un autre secteur, ce serait totalement différent. “Quand il s’agit de métiers éloignés, cela nous met en alerte”, conclut Arnaud Allantaz.
“Un franchisé se tourne vers la multi-franchise quand il est rentable”