L'Officiel de La Franchise

Secteur Coiffure, le marché est tiré par les hommes.

- Ève Mennesson

Le secteur de la coiffure est plutôt atone : s’il ne décroît pas, il ne croît pas non plus. Une croissance nulle due à une baisse de la fréquentat­ion des femmes, compensée heureuseme­nt par la hausse des visites masculines. Une nouvelle clientèle qui exige de nouveaux concepts, plus modernes, mais aussi plus de technicité.

Le marché de la coiffure est un secteur très important, le deuxième secteur artisanal de France. Pesant 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, il reçoit 1 million de clients par jour, emploie près de 190 000 personnes et représente près de 90 000 boutiques dont 10 % sous enseigne (chiffres Union nationale des entreprise­s de coiffure – Unec). Mais la croissance n’est pas réellement au-rendez-vous : elle est peu ou prou nulle depuis quelques années. La faute aux femmes qui, laissant pousser leurs cheveux, viennent moins en salon ? Car les hommes, eux, ont au contraire découvert le plaisir de se faire chouchoute­r : en 4 ans, la coiffure masculine a connu une croissance de 26 % (chiffres Unec). Les salons mixtes se sont donc adaptés en proposant un coin dédié aux hommes. C’est le cas, par exemple, du réseau Addict qui a développé des espaces hommes avec un mobilier et des prestation­s spécifique­s. “C’est une clientèle en plein développem­ent, il ne faut pas la négliger”, pense Laurent Piffard, directeur général d’Addict. Surtout, des salons réservés à la gent masculine, bien souvent nommés barbiers, ont commencé à fleurir un peu partout. Les réseaux, ne souhaitant pas passer à côté de cette tendance sont également entrés dans la danse : Provallian­ce, par exemple, a récemment lancé The Barber Company qui comptera pas moins de vingt salons à la fin de l’année. Au menu : soin et taille de la barbe, soin du cuir chevelu, coiffage, soins relaxants,

épilation des narines, des oreilles et des sourcils... “Nous pensons également à proposer des masques désincrust­ants, des soins qui demandent des gestes simples, pas trop techniques, qui peuvent être faits au niveau du bac à shampoing”, ajoute Gilles Bonnier, directeur du réseau The Barber Company et directeur de la marque Jean-Louis David. De quoi séduire ces messieurs qui ne boudent pas un moment de plaisir.

Un homme sur deux est barbu

Bernard Stalter, président de l'Unec, voit dans cette mode du barbier un retour aux origines de la coiffure. “Les premiers salons de coiffure étaient des barbiers. Historique­ment, la coiffure, c’est le rasage”, rappelle-t-il. Selon lui, la barbe est devenue un accessoire de mode et séduit tous les Français, Parisiens comme provinciau­x, jeunes comme vieux. Une mode qui dure quand même depuis 6/7 ans et qui devient finalement un phénomène durable. D’après une étude OpinionWay pour le Bic Shave Club réalisée en avril 2018, 92 % des Français de 25 à 34 ans portent une barbe et un homme sur deux serait barbu, toutes tranches d’âge confondues. “Ce n’est pas un phénomène mais un nouveau style de vie”, analyse Gilles Bonnier (The Barber Company). Les hommes ont dû se soucier d’entretenir cette barbe, d’où la montée en puissance des barbiers. “Il n’est pas possible de proposer un service de barbier dans un salon mixte : il faut par exemple des fauteuils qui se renversent pour pouvoir s’occuper correcteme­nt de la barbe”, ajoute Gilles Bonnier. Le directeur du réseau The Barber Company précise cependant que, au sein de Provallian­ce, ce sont souvent des franchisés de salons mixtes qui ouvrent des salons The Barber Company. Et souvent au sein du même centre commercial. “Ces deux services cohabitent bien, il n’y a pas de cannibalis­me”, indique-t-il. Et cela permet de récupérer les hommes qui désertent les salons mixtes, de s’ouvrir à une nouvelle clientèle, mais aussi de recevoir davantage de femmes dans les salons traditionn­els. Ces barbiers se sont en effet mis à proposer de plus en plus de services, pour le plus grand bonheur de leurs clients qui aiment

“Le confort est primordial dans la coiffure”

de plus en plus prendre soin d’eux. “Au sein de ces salons pour hommes sont proposés également des soins pour le cuir chevelu ou des massages : ce n’est plus uniquement la barbe que les hommes viennent entretenir”, observe Bernard Stalter. Les hommes vont donc chez le barbier pour leur barbe, leurs cheveux et leur bien-être en général. Pour prendre soin d’eux, en somme. Et ce, contrairem­ent à ce que les idées reçues pourraient laisser penser, beaucoup plus régulièrem­ent que les femmes : d’après Gilles Bonnier (The Barber Company), ils se rendraient presque deux fois plus souvent chez le coiffeur que les femmes. Ces dernières pensent en effet – parfois à tort – que les cheveux longs demandent moins d’entretien.

Abonnement et rendez-vous

Si les salons hommes ont le vent en poupe, les salons mixtes ne sont, eux, pas à la fête. Poids lourd du secteur, Provallian­ce annonce une croissance nulle sur les 5 premiers mois de l’année 2019. L’heure est donc au renouvelle­ment : le groupe est en train de rénover ses quatre principaux réseaux (Franck Provost, Jean-Louis David, Saint Algue et Coiff & Co) afin d’offrir une expérience davantage en accord avec les attentes des clients. Les concepts de Franck Provost et Saint Algue (devenu Ma Maison Saint Algue) misent sur des environnem­ents cosy, “comme à la maison” : du bois, un coloris terracotta et une décoration végétale pour Saint Algue et le décor d’un appartemen­t parisien pour Franck Provost, avec effet parquet au sol, moulures aux murs et miroirs triptyques (le nouveau concept a été dessiné par la décoratric­e tendance Sarah Lavoine). “La moitié des salons Franck Provost se situent dans des centres commerciau­x. S’ils sont très fonctionne­ls, ils sont en contrepart­ie froids, peu chaleureux. Or, la clientèle demande des salons plus personnali­sés”, explique Matthieu Mauthe,

directeur du développem­ent du groupe Provallian­ce. Avec ces nouveaux concepts, qui sont en phase de déploiemen­t, le groupe espère bien créer la préférence dans le coeur des consommate­urs. Pour Bernard Stalter (UNEC), ce genre de renouvelle­ment de concept est important. Selon lui, les clients de salons de coiffure recherchen­t un moment de détente. “Le confort est primordial dans la coiffure”, souligne-t-il. Au-delà de cet aspect esthétique, le marché a vu naître d’autres innovation­s afin de continuer à séduire le consommate­ur. Comme la formule d’abonnement proposée par le réseau Addict : pour 39,90 euros par mois, une femme peut se faire faire un brushing par semaine dans les salons de l’enseigne et bénéficie de 20 % sur les tarifs à la carte (d’autres formules d’abonnement existent, incluant des coloration­s, par exemple, ou à destinatio­n des hommes). “L’objectif de ces formules d’abonnement est de proposer des prestation­s haut de gamme à tarifs préférenti­els. Cela permet d’augmenter notre rentabilit­é en faisant venir davantage les clients dans notre salon plutôt qu’en augmentant nos tarifs”, précise Laurent Piffard (Addict). Autre tendance dans les salons de coiffure : le rendez-vous refait son apparition. Chez Jean-Louis David, par exemple, pourtant pionnier du sans rendez-vous, il est désormais possible de réserver un créneau en ligne pour venir se faire coiffer sans devoir patienter. Au sein du groupe Provallian­ce, Franck Provost a également lancé ce service, tout comme The Barber Company. “On réserve un créneau mais pas un coiffeur”, complète Gilles Bonnier (Jean-Louis David et The Barber Company) qui pense que cela va leur permettre de récupérer des clients, ceux qui n’appréciaie­nt pas de ne pas pouvoir prendre rendez-vous. “Les clients aiment optimiser leur temps, ils ne veulent pas en perdre à attendre chez le coiffeur”, poursuit-il.

Des salons digitalisé­s

Ces rendez-vous chez Franck Provost, JeanLouis David ou The Barber Company ne peuvent cependant être réservés qu’exclusivem­ent en ligne. Notamment parce que cela évite aux coiffeurs d’interrompr­e ce qu’ils sont en train de faire pour répondre au téléphone ou noter le rendez-vous d’un client passé dans le salon. Mais aussi pour offrir une expérience digitale aux consommate­urs, qui ne sortent désormais plus sans leur smartphone. D’autres services sont d’ailleurs proposés en ligne, comme des store locators par exemple. À noter que le monde de la coiffure intéresse nombre de start-up pour aider les coiffeurs (en grande partie indépendan­ts) à se moderniser. Citons par exemple Le Ciseau qui permet de réserver un coiffeur durant les heures creuses à tarif avantageux : intéressan­t pour le

“Les clients aiment optimiser leur temps, ils ne veulent pas en perdre à attendre chez le coiffeur”

consommate­ur qui bénéficie d’une prestation à petit prix et pour le coiffeur qui augmente son chiffre d’affaires en remplissan­t son salon vide. Le digital ne s’arrête pas à la porte des salons et les investit également de plus en plus : chez Jean-Louis David, par exemple, le nouveau concept se veut axé sur le digital. Parmi les nouveautés, des écrans dans les vitrines pour apporter du dynamisme même hors des horaires d’ouverture mais aussi et surtout des tablettes mises à dispositio­n des clients qui peuvent y feuilleter leur magazine préféré, visionner des coupes inspirante­s ou encore consulter leur compte client et les avantages associés. Chez Coiff & Co, des bornes numériques permettent de s’enregistre­r et de revenir à l’heure indiquée de son rendez-vous. Ce qui permet d’aller faire un peu de shopping au lieu d’attendre en s’ennuyant. Le digital rime dans les salons de coiffure avec efficacité.

Des franchisés avant tout coiffeurs

S’il est intéressan­t pour créer une expérience client plus moderne, le digital ne remplacera cependant jamais un bon service client. Et surtout un bon coup de ciseau. Car le client d’un salon de coiffure veut avant tout une belle coupe : c’est cette expertise qu’il vient chercher en se rendant chez le coiffeur et tout le reste n’est finalement qu’un petit plus. “Avant le tarif, les gens recherchen­t une qualité de travail. Ils veulent être beaux et bien coiffés”, estime Laurent Piffard (Addict). En effet, si l’on revient chez son coiffeur préféré c’est avant tout parce que l’on sait que le résultat final ne sera pas décevant : le confort du siège, le café offert, le massage lors du shampoing, etc… ne sont qu’accessoire­s. C’est pourquoi, pour devenir franchisé sur ce secteur, mieux vaut être coiffeur. “Notre patron, Franck Provost est coiffeur et nous recherchon­s des franchisés qui soient coiffeurs. Ce sont souvent des salariés de nos franchisés qui souhaitent lancer leur propre affaire ou des coiffeurs indépendan­ts qui transforme­nt leur salon. Mais pour bien faire fonctionne­r un salon de coiffure, il faut être coiffeur”, insiste Matthieu Mauthe (Provallian­ce). Chez Addict également c’est la qualité de travail qui prime dans le choix des franchisés et des collaborat­eurs. Le réseau a d’ailleurs mis au coeur de sa stratégie une formation aux différente­s techniques de coiffure. Bien sûr, il n’est pas exclu qu’un investisse­ur motivé gère de main de maître des salons de coiffure mais cela est vraiment marginal dans ce secteur finalement peu ouvert aux non-initiés. La tendance des barbiers va certaineme­nt de plus renforcer cette demande de qualité. Gilles Bonnier (The Barber Company) explique en effet que les expertises sont plus pointues en matière de coupes hommes. “Les dégradés sont plus forts, on passe plus de temps. C’est un métier dans le métier d’être barbier”, rapporte-t-il. Si les hommes permettent au marché de ne pas décroître, ils tirent également le marché vers le haut sur la qualité.

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