L’interview du mois
Angelina : “Nous ne souhaitons pas galvauder la marque en dupliquant mécaniquement nos enseignes”
Sous ses allures de belle endormie, la Maison Angelina bénéficie d’une marque forte, notamment à l’étranger. Peu communicante sur ses lancements en franchise, le salon de thé à la française n’a pourtant pas chômé. Très active dans son déploiement à l’international, Angelina ne souhaite pas pour autant dupliquer son modèle à l’envi et prend le temps de choisir minutieusement ses partenaires. Le point avec Isabelle de Bardies, directrice générale de l’enseigne Vous vous êtes lancés en franchise en 1983 et pourtant vous faites preuve d’une discrétion de violette à ce sujet. Pourquoi cela ?
Nous avons été rachetés par le groupe Bertrand en 2005. Ce dernier reste assez discret. Nous ne souhaitons donc parler qu’au moment opportun. C’est notre culture d’entreprise.
À l’international, vos partenaires sont des master-franchisés. Comment faites-vous pour nouer ces partenariats stratégiques ?
Il se peut que nous passions par des apporteurs d’affaires en fonction des pays. Mais chaque cas est particulier. Nous apprenons surtout à bien connaître nos associés. Bien évidemment, ce partenaire doit avoir une forte valeur ajoutée dans le domaine de la restauration. Nous sommes sur un concept haut de gamme. Le franchisé doit impérativement adopter l’esprit de cette maison vieille de presque 120 ans. Mais à chaque ouverture correspond un business model spécifique. Cela ne se duplique pas à foison. En tous les cas, ce n’est certainement pas notre intention car nous ne souhaitons pas galvauder la marque. Nous devons garantir une certaine homogénéité. Qui plus est, nous pouvons bénéficier des fonctions support du groupe Bertrand pour trouver les candidats les plus adaptés.
Votre déploiement en franchise s’est accéléré depuis 2010. Quels pays avez-vous ciblé ?
Nous avons eu des opportunités de développement au Moyen-Orient avec des ouvertures au Qatar (2014), au Koweït (2016), au Liban (2016), en Arabie-Saoudite (2017), aux Émirats arabes unis (2013) et à Bahreïn depuis 2018. En Asie, nous sommes présents à Singapour et en Chine. Fin 2019, nous avons en effet rouvert un établissement à Changsha, la capitale de la province chinoise du Hunan. Nous sommes également implantés au Japon depuis 1983.
Votre développement en Chine a été mis à l’arrêt. Est-ce à cause du coronavirus ?
Oui, c’est exact. Nos chantiers sont mis en suspens jusqu’à nouvel ordre (l’interview a été réalisée début février, ndlr.). Nous ne connaissons pas encore l’impact de cette épidémie sur l’économie mondiale mais il est clair que nos projets suivent la politique mise en place par le gouvernement chinois sur ce sujet.
On a le sentiment que chacune de vos ouvertures se fait presque sur-mesure ?
C’est le cas. Nous devons prochainement ouvrir, je l’espère à la fin du mois de mars, à New-York sur la Sixième avenue. Une famille française
a décidé de se lancer en investissant dans la marque. Elle ne partira pas à l’aveugle et se fera aider par des partenaires locaux et des cadres de chez Angelina qui seront du voyage. Ici, en l’occurrence, le maître d’hôtel de notre établissement versaillais partira OutreAtlantique pour accompagner cette ouverture. Nous ne souhaitons pas nous lancer de manière industrielle. Surtout en France où nous n’avons pas d’obligation de développement en franchise. Cependant, je serais peut-être en mesure d’annoncer officiellement une prochaine ouverture parisienne fruit d’un partenariat avec un important promoteur immobilier. Sur une surface avoisinant sans doute les 800 m2. C’est un beau projet qui nécessitera des investissements financiers conséquents. À Toulouse, notre projet a été considérablement retardé par le mouvement des Gilets Jaunes, le centre-ville ayant été dégradé par les affrontements avec les forces de l’ordre. Mais j’ai bon espoir que cela aboutisse.
Pourquoi opter pour la franchise au regard de ces modèles d’ouverture qui font figure d’horlogerie de précision ?
Nous n’avons pas les équipes en propre pour aller dans toutes les villes françaises. C’est pour cela que nous déléguons également notre savoir-faire avec parcimonie. Nous saisissons les opportunités au bon moment. Mais nous ne sommes pas pressés et nous ne courrons pas après ces ouvertures tête baissée.
Vous êtes assez peu diserte sur les conditions financières nécessaires pour vous rejoindre ou encore sur vos revenus. Est-ce aussi la politique du Groupe Bertrand ?
Le droit d’entrée se fait au cas par cas. En revanche, s’agissant d’un contrat de franchise, nous sommes à 6 % de redevance sur le chiffre d’affaires. Dans le cas de la prochaine ouverture parisienne que j’espère imminente, le droit d’entrée n’est paradoxalement, à mes yeux, pas si élevé car la zone d’exclusivité est très petite. À l’international, le coût des travaux nécessaires peut osciller entre 2 500 et 4 500 euros le m2. Mais il est évident que chaque ouverture nécessite de gros apports financiers. À titre d’exemple, aux Galeries Lafayette Haussmann, c’est le groupe éponyme qui gère la franchise. À Lyon, c’est la Compagnie de Phalsbourg, spécialisée dans l’immobilier. De même, au musée du Louvre, la société Musiam (Ducasse) gère l'établissement. Je vous avoue que nous recevons une centaine de candidatures par an. Mais nous n’avons pas vocation à dire oui à tout le monde. Pour information, la marque sous enseigne réalise plusieurs dizaines de millions d’euros de chiffre d’affaires.