Enquête
5 étapes pour s’implanter dans une petite ville
Dans sa dernière enquête annuelle, la Banque Populaire révélait que 33 % des franchisés, hors Île-de-France, sont installés dans des communes de moins de 20 000 habitants. Autant dire qu’un véritable marché existe et qu’il ne faut pas le sous-estimer lors de son implantation. La rédaction a choisi de mettre en lumière cinq étapes clés avant de sauter le pas.
Force est de constater que les clients des petites villes sont en demande d’offres bien plus attractives qu’il y a quelques années et donc, logiquement, d’une plus grande présence de marques fortes. Ces agglomérations de moins de 20 000 habitants manquent cruellement d’enseignes. “Les réseaux ont longtemps boudé les petites villes essentiellement parce que les business model étaient conçus pour des agglomérations grandes à moyennes, et que le ratio entre l’implantation réalisée et les volumes générés était moins attractif, de prime abord, pour les franchiseurs”, explique Sylvain Bartolomeu. Et le dirigeant associé du cabinet Franchise Management de poursuivre : “Les enseignes qui savent proposer des offres généralistes, raisonnables en matière de coût d’implantation, répondant aux besoins des clients de petites villes, fonctionnent très bien. Citons par exemple le cas des enseignes de restauration rapide, mais aussi de celles du retail qui ont su construire un modèle adapté aux contraintes des petites villes, ou encore les enseignes de services aux particuliers. Sur les petites villes, les concepts généralistes (proposant une offre large combinant produits et services) ont plus de chances de réussir.” Comme le souligne de manière très cartésienne justement, Laurent Delafontaine, co-fondateur du cabinet Axe Réseaux, moins il y a d’habitants, moins il y a de potentiel et donc moins de chiffre d’affaires. Il faut donc viser des emplacements à faibles charges et des produits à forte marge, comme l’immobilier ou à fort volume de vente, la boulangerie par exemple. En somme, les commerces de rues piétonnes, c’est-à-dire ne nécessitant pas un grand local et bénéficiant d’un flux important. “Dans les commerces de bourg, l’exploitant est un homme ou une femme privilégiant le contact humain avant tout. Inutile de tenter sa chance si on est fan de reporting sur Excel. La réussite est derrière la caisse pas derrière un ordinateur”, explique Laurent Delafontaine. Les activités les plus présentes sont celles du commerce de détail : superettes, cavistes, fleuristes et des services comme les pharmacies, coiffeurs, agences immobilières, pressings, etc. Des activités dont la fréquence d’achat se prêtent bien à ce type d’implantation. Car comme le rappelle, Benjamin Aynes, consultant chez SAD Marketing, “le consommateur recherche de la proximité avant tout pour un gain de temps.” Et ce dernier d’ajouter : “La taille du marché est aussi indispensable. Certaines activités ont du mal a exister compte tenu de la taille du marché. Par exemple, les librairies avec des dépenses de 130 euros par an et par ménage fonctionnent difficilement tout comme les magasins de jouets avec une dépense annuelle par ménage de 138 euros. En comparaison, nous dépensons 2 407 euros en restauration. Sur ces petits segments, il est donc indispensable d’avoir une densité de population importante.”
“Les réseaux ont longtemps boudé les petites villes”
es plus petites agglomérations sont-elles attractives financièrement ? Sylvain Bartolomeu a un avis tranché sur la question. “L’investissement y est moindre donc si l’intensité concurrentielle est faible, voire inexistante comme c’est parfois le cas pour certaines activités, vous pouvez vous faire une place très intéressante.” Et ce dernier de poursuivre : “J’ai le souvenir d’un concept de réparation de smartphones qui s’était implanté dans une petite ville de 23 000 habitants juste en face du lycée. Le chiffre d’affaires au mètre carré aux alentours de cet établissement était impressionnant.” De son côté, David Borgel, consultant expert chez Franchise-me Up, se veut résolument pragmatique : “Dans la majorité des cas, la plus faible fréquentation, engendrant un plus faible chiffre d’affaires, est compensée par des coûts fixes également plus faibles. Tout est une question d’équilibre et de respect des ratios financiers.” Benjamin Aynes ne dit pas autre chose et estime que les implantations en petites villes offrent des opportunités car le foncier y est moins cher et le point mort plus faible. Pour Laurent Delafontaine, la rentabilité d’un commerce se calcule avant, pendant et après son exploitation. “Avant car les investissements pour un hôtel sont 10 fois plus importants que pour un caviste et tout le monde n’a pas les moyens d’investir dans un hôtel. Pendant, car la rentabilité d’un commerce va permettre la rémunération de son dirigeant. Plus le chiffre d’affaires sera important, plus la marge sera forte et plus la rentabilité sera au rendez-vous. Après, car la revente d’un fonds de commerce est significative si ce dernier dégage un chiffre d’affaires et un bénéfice”, remarque l’expert. Au sein de la fédération du commerce spécialisé Procos, on met en garde contre les idées reçues concernant les centres-villes des agglomérations à faible densité urbaine. “Ils sont principalement constitués de commerçants indépendants, et connaissent souvent aujourd’hui de grandes difficultés. Ces centres-villes sont particulièrement sensibles à la concurrence du commerce de périphérie sur certains secteurs d’activités clés tels que le prêt-à-porter.” Il faut savoir que le taux de vacance y est de 13,44 % contre une moyenne nationale de 11,9 %.
ien évidemment, une plus petite ville ne veut pas dire qu’il faille choisir son implantation au doigt mouillé. “De la même façon que pour n’importe quelle agglomération, l’emplacement reste la règle numéro un. L’enseigne doit se situer dans une zone de chalandise attractive à côté d’enseignes leaders ou de destination. Par exemple, un caviste privilégiera un local proche de la boulangerie, du boucher et du primeur”, remarque David Borgel. Mais attention, on ne s’implante pas dans un tissu commercial où tout le monde se connaît de la même manière que dans une grande ville. “Vos concurrents ne seront souvent pas des enseignes mais plutôt des petits indépendants isolés, implantés depuis de nombreuses années dans le tissu commercial local. L’étude de marché est donc essentielle pour s’assurer
que vous avez
Bune chance de vous faire une place durablement”, précise Sylvain Bartolomeu. Et ce dernier de poursuivre en précisant que dans les petites villes, la proximité avec les clients est la clé de réussite. Le choix d’implantation est souvent assez simple puisqu’il y a une ou deux zones cible à privilégier. Néanmoins, les experts s’accordent à dire qu’il existe des impératifs particuliers. “Il faut privilégier la proximité avec les parkings, si possible gratuits. Ayant décidé de généraliser le stationnement payant, de nombreuses mairies ont découragé les consommateurs de venir en centre-ville. Il faudra donc privilégier les zones piétonnes, les parkings et la diversité des commerces. Souvent la zone commerciale est située entre la mairie et l’église”, remarque David Borgel. Attention, en revanche, comme le souligne Benjamin Aynes à bien faire le distinguo entre une petite ville se situant à proximité d’une plus grosse dont le fonctionnement différera totalement d’une petite ville seule et autonome. Pour cet expert, les zones de chalandise ne seront pas du tout les mêmes. Dans le cas d’une ville un peu plus grande possédant au moins deux zones commerciales en sortie de ville, il convient bien entendu de ne pas choisir la mauvaise. “Le centre commercial est un endroit de destination, les commerces sont souvent tirés par une enseigne locomotive comme un hypermarché. Il convient donc d’analyser la performance de cet hypermarché, de son attrait local, de sa modernité”, note Laurent Delafontaine.