Devenir franchisé : Quel profil pour réussir ?
e n’est pas nouveau, la franchise attire tous les ans toujours plus de candidats. Selon la 16e édition de l’Enquête annuelle de la franchise réalisée par Banque Populaire et la FFF, sur les 31 % des Français qui aimeraient créer leur entreprise, 38 % souhaiteraient le faire via ce modèle. Ce dernier séduit également de plus en plus de femmes : “41 % des futures entrepreneuses envisagent de se lancer via la franchise, contre 36 % des hommes, indique Florence Soubeyran, responsable Commerce et Franchise Banque Populaire chez BPCE. Limiter les risques financiers (33 %) et bénéficier de la notoriété de la marque (34 %) sont les deux premières raisons également citées qui motivent les candidates à rejoindre un réseau, tandis que chez les hommes la marque est nettement l’avantage cité en premier (45 %)” Les candidats à la franchise mettent en avant d’autres raisons : exploiter un concept éprouvé, bénéficier d’un accompagnement poussé ou encore d’une assistance importante. “La franchise a ce côté rassurant, admet Laurent Delafontaine, dirigeant fondateur du cabinet Axe Réseaux. Le chef d’entreprise se dit qu’il va copier le succès d’une enseigne qui fonctionne.” Toutefois, intégrer un réseau n’est pas synonyme de succès immédiat. Votre implication et vos compétences conditionneront effectivement votre réussite. “Il faut avoir envie de créer son entreprise avant de se lancer et surtout avoir en tête que même en étant franchisé on reste entrepreneur indépendant, même si vous bénéficierez d’un accompagnement important de la part du réseau”, prévient Florence Soubeyran.
Esprit entrepreneurial
Dans ce contexte, comment déterminer que vous êtes bien fait pour la franchise et prêt à passer le cap ? D’abord, avant toute chose, il faut que vous vous interrogiez sur votre capacité à être entrepreneur. Surtout si, comme 76 % des franchisés qui se lancent chaque année, vous êtes un ancien salarié. “Pour ces profils, devenir franchisé, c’est changer de monde, insiste Sylvain Bartolomeu, dirigeant associé au sein du cabinet Franchise Management. Il faut donc être en capacité de vivre dans un environnement très incertain car vous n’avez plus de sécurité financière et cela peut être parfois difficile à assumer. Car si vous vous levez le matin et que vous ne réalisez pas de chiffre d’affaires, c’est votre faute, pas celle de votre patron.” Un aspect qui a été souligné par l’ensemble des interlocuteurs que nous avons interrogés dans le cadre de cet article et qui balayent l’idée reçue que le modèle de la franchise serait ouvert à tous les profils. “Tout le monde ne peut pas devenir franchisé. Si vous n’avez pas un mental de patron et d’entrepreneur, surtout quand on vit des crises comme celle que nous vivons actuellement, ce n’est pas la peine, vous n’y arriverez pas”, alerte Sylvain Bartolomeu. “Le profil que nous rencontrons le plus souvent ces dernières années reste le cadre/cadre supérieur d’une quarantaine d’années qui souhaite se mettre à son compte après avoir quitté son entreprise et a bénéficié d’indemnités de rupture. Ce type de candidats peut être alléchant pour les enseignes car ils ont les fonds nécessaires pour se lancer et la maturité professionnelle pour être de bons exploitants”, insiste Olga Zakharova-Renaud. Et l’avocat associé au sein du cabinet SCP BMGB d’ajouter : “La limite de ces profils reste qu’ils attendent parfois trop du franchiseur et n’ont pas l’esprit de chef d’entreprise.
“Tout le monde ne peut pas devenir franchisé”
Ils pensent que la tête de réseau va les assister comme s’ils étaient gérants d’une succursale et encore salarié. Un petit nombre d’échecs pourraient être ainsi évités si ces profils avaient conscience qu’ils sont bien des commerçants indépendants, responsables de leur exploitation.” Si c’est à l’enseigne de vous questionner sur vos attentes et de bien déterminer si votre profil correspond à ce qu’elle recherche, interrogez-vous également sur votre capacité à être autonome, réactif et motivé malgré les coups durs. “Savoir rebondir face aux éventuelles difficultés et ne pas tomber dans la sinistrose est essentiel”, précise ainsi Laurent Delafontaine. “Demandez-vous ce que vous aimez faire et pourquoi vous êtes bons, ajoute quant à lui Sylvain Bartolomeu. La question que je pose toujours à un candidat est la suivante ‘qu’est ce qui va occuper 85 % de votre temps dans les 5 ans à venir ?’. Il faut savoir y répondre en enlevant le côté cosmétique du métier et en ayant bien en tête la réalité du terrain.” Aussi, avant de vous engager avec une enseigne, interrogez-vous sur votre capacité à vous insérer dans un collectif. Car intégrer une franchise c’est travailler pour la réussite du réseau. “Il y a des profils qui sont trop indépendants pour devenir franchisé. Cela peut arriver notamment avec des anciens commerçants qui souhaitent intégrer une enseigne pour gagner en notoriété”, soulève Olga Zakharova-Renaud. “Certains candidats sont de très bons entrepreneurs mais la franchise représente trop de contraintes pour eux car ils souhaitent prendre seuls toutes les décisions sans toujours respecter le modèle de l’enseigne”, ajoute Florence Soubeyran.
Force d’initiative
De son côté, Sylvain Bartolomeu rappelle que pour être un bon franchisé, il faut avoir un esprit entrepreneurial mais aussi collectif. “C’est un subtil mélange des deux. Au football, les meilleurs joueurs sont ceux qui
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savent dribbler, marquer et passer la balle. En franchise, c’est pareil. Les plus performants sont les profils qui savent être patron tout en étant collectif avec le reste du réseau.” Appliquer un concept éprouvé ne signifie pas pour autant que vous ne devez pas faire preuve d’initiatives. Le confinement et la crise de la Covid-19 l’ont démontré : toutes les idées venues et des franchisés peuvent être bonnes. “L’autonomie et l’initiative sont des qualités qui sont extrêmement recherchées. Cela peut paraître bizarre, car pendant longtemps les têtes de réseau cherchaient avant tout des profils qui appliquent à la lettre le concept, analyse Pierre Fleury, dirigeant du cabinet PF Marketing. C’est moins le cas actuellement et la crise que nous vivons l’a bien prouvé. Les initiatives locales et les propositions des franchisés sont les bienvenues. Les franchiseurs ont lâché un peu la bride et sont effectivement plus à l’écoute.” En effet, il n’a pas été rare de voir émerger des initiatives de la part des franchisés qui ont innové pour pallier le manque de chiffre d’affaires, notamment dans le secteur de la restauration via la mise en place de drive ou de livraison à l’échelle locale. Nombreuses sont les idées à avoir convaincu les têtes de réseaux. Ces dernières n’ont donc pas hésité à tester certains services dans d’autres points de vente.
“L’intelligence collective est importante, estime Sylvain Bartolomeu. Auparavant, les franchisés d’un même réseau échangeaient très peu. Désormais, on s’est rendu compte que si on ne jouait pas collectif, cela ne pouvait pas marcher car le savoir-faire évolue en permanence. Les réseaux misent davantage sur la co-construction.” Cette dernière est davantage présente dans les enseignes qui accueillent leurs premiers franchisés. Là aussi, avant d’intégrer ce type de réseaux, interrogez-vous sur vos attentes et sur votre capacité à être impliqué ou non dans l’élaboration du réseau. “Il y a plusieurs types de candidats. Certains ont plutôt un profil de “défricheur” très enthousiaste à l’idée de faire partie des premiers membres du réseau et qui, malgré un modèle moins assis, veulent contribuer aux finitions de la construction du modèle et du savoir-faire, détaille Florence Soubeyran. D’autres, seront plutôt des “suiveurs” qui se sentent plus à l’aise en intégrant un réseau déjà bien établi.”
Compétences managériales
Quel que soit votre profil, il y a des compétences et des aspects communs que recherchent avant tout les enseignes. Globalement, les têtes de réseaux cherchent des personnes qui ont la fibre commerciale, une aisance relationnelle et des capacités de gestion. Un triptyque pas toujours simple à dénicher. “Il faut différencier le franchisé commerçant gestionnaire du franchisé commerçant commercial, prévient Sylvain Bartolomeu. Clairement, le premier sera à la tête d’un point de vente de destination où les problématiques principales seront la gestion de stock, des ressources humaines et des flux clients. Ce qui est le cas pour des magasins comme Boulanger ou la restauration. De l’autre, il s’agira d’aller chercher du business pour développer son portefeuille client et d’activité. C’est la typologie de candidats pour les franchises d’amélioration de l’habitat, telle que Tryba.” Et Florence Soubeyran ne dit pas autre chose : “Si l’on a des compétences de commercial et moins de commerçant, on ne visera pas les mêmes types de franchise. Il est donc important de savoir soi-même ce que l’on recherche et quels sont nos points forts”, insiste-t-elle. Une dimension à ne pas négliger également : celle de votre capacité à manager des équipes. En fonction du secteur d’activité que vous rejoindrez le nombre de salariés variera bien évidemment. Il est alors nécessaire de posséder des compétences managériales pour réussir en tant que chef d’entreprise franchisé. “C’est aussi pour cela que les anciens cadres qui ont géré des équipes sont appréciés des enseignes. Car une chose est certaine, manager cela ne s’improvise pas, affirme Pierre Fleury. Dans certains secteurs d’activité, il y a beaucoup de turnover et d’aspects RH à gérer. Le succès de l’entreprise repose donc beaucoup sur les compétences managériales du franchisé.” D’autres experts semblent moins catégoriques sur le sujet et nuancent : “Dans certains marchés, ce n’est absolument pas nécessaire, souligne Laurent Delafontaine. Quand vous êtes franchisé Jeff De Bruges dans une petite ville et que vous exercez seul, sauf de manière ponctuelle quand vous
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“L’autonomie et l’initiative sont des qualités qui sont extrêmement recherchées chez les franchisés”
“Il y a des profils qui sont trop indépendants pour devenir franchisé”
faites appel à un salarié, savoir manager n’est pas primordial. Ce qui prime, c’est votre talent de commerçant.”
Une capacité financière suffisante
Enfin, intégrer une franchise passe aussi, voire avant tout, par votre assise financière. En fonction de votre apport et de votre capacité d’endettement, certains secteurs seront pour vous inaccessibles. Il est donc important de ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre et d’investir de manière raisonnable, dans un réseau et un concept qui sont à votre portée financière. “Le niveau d’apport requis est dépendant de la rentabilité prévisionnelle de l’entreprise. Si les points de vente de l’enseigne que vous rejoignez dégagent une rentabilité forte, l’apport demandé par les banques pourra être moindre”, insiste Florence Soubeyran. “L’apport est le critère de qualification des contacts. Mais cela ne doit pas être un critère de recrutement. Surtout que de plus en plus, les enseignes développent des mécanismes plus souples pour permettre à des profils qui n’ont pas encore les moyens financiers de s’installer”, ajoute de son côté Sylvain Bartolomeu. Olga Zakharova-Renaud abonde dans ce sens : “Si le profil colle en tous points à ce que recherche l’enseigne mais que seul le financement pêche, il y a toujours des solutions à trouver. Le recrutement ne doit pas se faire uniquement sur le critère financier et les enseignes l’ont bien compris aujourd’hui.” En effet, de plus en plus d’enseignes proposent des contrats de location gérance qui permettent aux candidats de s’installer avec un investissement moindre, de se constituer un apport pour racheter au bout de quelques années le fonds de commerce et de devenir ainsi franchisé. D’autres proposent de prendre une participation temporaire dans l’entreprise afin d’accélérer l’installation. Si ces solutions peuvent vous aider à vous lancer à votre compte, les experts préviennent toutefois : “Il faut avoir une assise financière suffisamment importante pour ne pas être dans le stress et conserver un minimum de sécurité”, conseille Sylvain Bartolomeu. Surtout en ces temps de crise où les banques peuvent être un peu plus frileuses à financer des projets. “Notre rôle est d’accompagner ce qui nous semble être des réussites. La crise n’a pas changé notre métier, en revanche l’environnement économique a évolué et il faut le prendre en compte dans le prévisionnel”, conclut Florence Soubeyran.