La montagne : Un beau terrain de jeu pour la franchise
Contrairement aux idées reçues, les montagnes ne sont pas actives qu’en hiver. Elles le sont toute l’année, offrant de belles perspectives aux candidats à la franchise. Mais encore faut-il se lancer en ayant anticipé les contraintes liées à ces zones très
Des Vosges au Jura, des Alpes aux Pyrénées, les zones montagneuses couvrent 29 % du territoire métropolitain, dans 50 départements, et accueillent 10 millions d’habitants par an. Elles représentent aussi 15 % du chiffre d’affaires du tourisme français. Mais attention aux idées reçues. Le commerce dans ces territoires ne se limite pas aux pistes de ski. “Quand on ouvre en montagne, on ouvre à la campagne, avec des stations. Il y a tout un ensemble de contraintes particulières, liées à la ruralité”, explique Laurent Kruch, dirigeant fondateur de Territoires et Marketing. Deux choix s’offrent au futur franchisé : s’implanter en altitude, ou en basse montagne.
Été comme hiver, des stations hyper-fréquentées
Côté stations, l’été pèse autant que l’hiver pour le tourisme. Selon Atout France, la période estivale représente 51% des nuitées et 45% des dépenses en moyenne-haute montagne. “Résultat, de plus en plus de stations sont ouvertes toute l’année, avec un flux quasi ininterrompu de touristes français, mais aussi anglais et belges”, note Laurent Kruch. Pour les commerces implantés dans ces zones, ne pas dépendre uniquement de la saison hivernale constitue une sécurité face aux aléas climatiques, mais aussi économiques ou sanitaires, comme l’illustre la crise du Covid-19. Si cette année, les stations de ski restent ouvertes pour les fêtes de fin d’année, les remontées mécaniques sont fermées, ainsi que les bars et restaurants. Au moins jusqu’au 20 janvier 2021. Ce qui risque de frapper durement les commerces situés dans ces zones. Selon Olivier Carrié, président de l’enseigne, les magasins Sherpa ont par exemple une clientèle à 95 % tou
ristique, et le mois de décembre représente à lui seul “entre 20 et 30 %” de leur chiffre d’affaires. Atout majeur du tourisme hexagonal, le domaine skiable français reste le leader européen en fréquentation, attirant surtout des visiteurs étrangers entre décembre et mars. “Une activité spécifique à la saisonnalité s’y développe alors, avec un grand besoin de restauration, de prêt-à-porter, de commerces alimentaires, de services à la personne et de magasins de sport”, commente Valérie Guillevic, dirigeante d'Amplitude Réso. Entre juin
et septembre, la fréquentation est davantage française. Le ski cède la place au vélo, aux randonnées, au thermalisme, au parapente et à l’escalade. Si bien que 4 magasins de sport sur 5 restent ouverts. En outre, les montagnards sont souvent très sportifs, au-delà du ski. Hors saisons touristiques, la montagne reste également vivante et active. De nombreux secteurs demeurent ainsi ouverts à la franchise toute l’année ; des commerces alimentaires de proximité aux réseaux d’agences immobilière, en passant par le jardinage/bricolage et
l’équipement de la maison. Dans des zones où 55 % des logements sont des résidences secondaires, “les services de conciergerie pour les propriétaires et leurs locataires présentent aussi un grand potentiel de développement. Tout comme les services d’aide aux personnes âgées ou de garde d'enfants”, indique Laurent Kruch.
Parmi les secteurs qui fonctionnent bien en montagne, on trouve aussi les services aux entreprises, du dépannage informatique au courtage en assurance. Qu’il s’agisse de l’alimentaire ou des services à la personne, les “activités nomades” présentent aussi un grand potentiel : “les commerçants mobiles n’ont pas de locaux physiques. Ils sont très flexibles, face aux contraintes des zones montagneuses”, observe le consultant.
Contraintes et potentiel de la haute montagne
Les stations de montagne présentent en effet des contraintes particulières, qui peuvent rendre une implantation compliquée. “Il s’agit de zones souvent étendues, faiblement peuplées, qui obligent les commerçants à faire des kilomètres pour toucher les clients. Le climat complexifie aussi l’activité commerciale. Il faut avoir en tête que l’on se trouve, toute l’année durant, dans un milieu rude, qui demande beaucoup d’organisation et un modèle économique adapté, différent de celui des plaines”, explique Laurent Kruch.
En outre, en montagne, le turn-over est important et il peut être difficile de recruter un personnel stable. À noter qu’en haute montagne, les franchisés font face à la prédominance traditionnelle de commerces indépendants, et que les loyers sont souvent élevés. “En raison de la saisonnalité, les chiffres d’affaires sont très importants pendant les saisons touristiques, ce qui se traduit par une vie plus chère. Ce qui signifie aussi qu’il ne faut pas se rater l’hiver et l’été”, observe Laurent Kruch. Pour toutes ces raisons, le fondateur de Territoires et Marketing conseille d’adapter au maximum son projet aux contraintes spécifiques de ces zones géographiques. Avec le soutien indispensable d’un réseau déjà expérimenté. “Les services à la personne, par exemple, sont très demandés en montagne, toute l’année. Mais il est nécessaire d’adapter son concept, et d’avoir derrière soi une enseigne qui connaît les spécificités de ces territoires”, prévient-il.
“S’installer en montagne peut faire rêver, quand l’objectif est de travailler seulement six mois intensément. Mais dans cette logique, il faut absolument anticiper l’organisation de son commerce en fonction de la saisonnalité. Il faut avoir tout prévu, notamment en matière de stocks. Il faut aussi tenir compte de la météo et des tendances de consommation”, constate Valérie Guillevic. Selon elle, un franchisé nouvellement implanté doit être bien armé financièrement pour pouvoir couvrir ses besoins en trésorerie “pendant les deux premières saisons au moins”.
En basse montagne, les “locaux” sont rois
L’importance de la fidélisation clients se pose aussi : “elle est à la fois saisonnière et annuelle. Il faut tenir compte des habitudes des touristes, qui ont un fort pouvoir d’achat et qui sont souvent étrangers de celles des résidents”, recommande Valérie Guillevic. À noter qu’en raison de la crise de la Covid-19, les touristes étrangers seront pour la plupart absents des pistes de ski cet hiver : “C’est dans ce cas de figure que l’on prend conscience de l’importance
d’adapter aussi son offre aux visiteurs français, ainsi qu’aux locaux”. Plutôt que de se focaliser sur les stations, les experts interrogés recommandent de s’intéresser à de petites villes de moyenne montagne proches des pistes, mais aussi des vallées, comme Chamonix, Saint-Gervais-les-Bains et Briançon : “elles sont très saisonnières, mais aussi très dynamiques. Avec encore peu de commerces sous enseigne”, avance Laurent Kruch.
En basse montagne, une poignée de villes de taille moyenne se trouvent aux pieds des principaux massifs français et drainent d’importants flux de population. On y trouve aussi deux fois plus d’enseignes franchisées que la moyenne nationale. Annecy, Chambery, Gap, Saint-Dié-des-Vosges, Albertville ou encore Évian-Les-Bains sont ainsi à scruter de près. Elles profitent de l’attrait des Français pour la montagne, mais aussi des flux réguliers de la population locale. “Viser de telles villes évite de devoir conjuguer avec le handicap que constituent les reliefs de moyenne montagne, et permet de bénéficier d’une double dynamique : celle du tourisme saisonnier, et celle des déplacements des résidents”, indique Valérie Guillevic. L’erreur serait ainsi de ne voir la montagne qu’à travers le prisme des stations de ski. Selon Laurent Kruch, “il faut garder à l’esprit que l’on se trouve dans des zones populaires, où le gros de l’économie, en dehors du tourisme, vient des personnes qui y vivent. Il ne faut pas s’implanter en montagne pour viser les Parisiens ou les étrangers, sur des périodes de vacances restreintes. Il faut intégrer les touristes dans son projet, mais avoir un concept adapté à la consommation locale.” En moyenne comme en basse montagne, les candidats à la franchise pourront se tourner vers le commerce alimentaire et des magasins de proximité tels que Sherpa ou Carrefour Montagne, qui y ont le vent en poupe depuis déjà 10 ans. “Ils génèrent d’importants chiffres d’affaires car ils disposent de petites surfaces hyper achalandées grâce à leur réseau, peuvent se permettre d’avoir un positionnement tarifaire plus élevé, et font partie du paysage local”, décrit Valérie
Guillevic. Outre les boutiques et les salles de sport, pour qui tout semble sourire quelle que soit la période de l’année, “la montagne présente de nombreuses opportunités pour des secteurs plus classiques, pour peu que l’on comprenne la logique des montagnards”, note Laurent Kruch. Là encore, les services à la personne et l’équipement à la maison sont ouverts à la franchise, en raison de populations locales éparpillées, qui ont besoin de différents services. La restauration, en revanche, appartient en majorité à des indépendants, et semble donc peu accessible. Enfin, les différents experts conseillent de ne pas hésiter à devenir multi ou plurifranchisé, c’est-à-dire de gérer plusieurs points de vente pour la même enseigne, ou pour plusieurs enseignes différentes. “Il s’agit d’un bon moyen de faire face à la saisonnalité de certaines activités”, indique le dirigeant de Territoires et Marketing. “Une bonne stratégie, très cartésienne, pourrait être de s’établir d’abord aux portes de la montagne, en vallée, puis d’ouvrir d’autres points de vente en altitude”, ajoute-t-il.