LES ENSEIGNES ONT APPRIS DES CONFINEMENTS
Si le président Emmanuel Macron a acté la réouverture des commerces dits non essentiels, le samedi 28 novembre, pour le plus grand soulagement de ces derniers, beaucoup d’entre eux ont fait preuve de résilience et d’agilité. Le premier confinement était passé par là. Entre prise de conscience digitale et réflexes administratifs.
Nous avons interrogé des franchisés afin de savoir ce qu’ils avaient retenu des deux confinements. La première chose qui revient au cours de ces entretiens reste l’attention particulière apportée au lien avec les clients. Cela sonne comme une évidence mais des leçons ont été apprises. Chez SoCoo'c, si les points de vente sont fermés, l’enseigne a amplifié sa communication sur la possibilité de réaliser son projet à distance. Prise de rendez-vous en ligne, rendez-vous en visio, le cuisiniste a activé les leviers pour élaborer un nouveau parcours client. “Nous avons décidé de maintenir la communication actuelle et d’amplifier la communication du projet à distance. L’objectif est de continuer à rester présent auprès des consommateurs. C’est pourquoi nous avons maintenu un certain nombre de leviers, dont la production. Notre usine continue de fabriquer nos cuisines et nous avons rassuré nos clients en communiquant dessus, notamment sur les réseaux sociaux”, explique Arnaud Allantaz, directeur d'enseigne SoCoo'c.
Une communication bien huilée
Même constat chez Tryba. Certes les 305 magasins sont fermés au public, mais cela n’a pas empêché les équipes de travailler au regard de l’expérience du premier confinement. “Ce deuxième confinement a moins d’impact que le premier pour nous car nous nous sommes posés beaucoup de questions au mois de mars et nous avons amplifié notre politique digitale. Surtout, au printemps, nous avions dû fermer nos usines, ce qui n’est pas le cas actuellement, nous permettant de continuer à tourner et d’installer des produits chez les consommateurs”, remarque Marie-Emmanuelle Ascencio, responsable du développement chez Tryba. On le voit, les enseignes ont appris et ont su faire preuve d’une évidente agilité. Rester en lien et maintenir le contact. Encore et toujours. “Nous avons lancé plusieurs campagnes sur divers canaux de communication qui sont aujourd’hui pour 80 % les réseaux sociaux et les campagnes publicitaires en ligne”, précise Thierry Lambreghts, directeur Veneta Cucine France. Et ce dernier de poursuivre : “Nos futurs clients doivent savoir que nos équipes sont disponibles même à distance pour concevoir leur projet et prennent toutes les précautions nécessaires pour se protéger. Pour notre clientèle en cours de projet, il faut les rassurer en leur indiquant que les équipes de conception et de pose sont au travail en cette période de crise sanitaire.”
Le digital s’impose
Sans surprise, on le voit, le digital s’est imposé massivement. La communication mais aussi la vente. Y compris chez ceux qui étaient autorisés à ouvrir. En effet, si certaines enseignes n’avaient pas baissé le rideau, les consommateurs, eux, étaient beaucoup plus limités dans leurs déplacements. Chez la marque Comtesse du Barry, pour qui les mois de novembre et décembre représentent 50 % du chiffre d’affaires annuel, il a fallu innover. “Notre offre de services a été élargie avec la mise en place de la livraison express à domicile depuis le point de vente, avec paiement à distance sécurisé. Les clients peuvent ainsi téléphoner à la boutique pour passer commande et payer par SMS, e-mail ou téléphone fixe. Ils sont livrés en moins de 2 heures à leur domicile ou peuvent retirer leurs achats directement en boutique”, explique Philippe Kratz. Et le directeur commercial de poursuivre : “Cette offre représente aujourd’hui 15 % de notre chiffre d’affaires. Le confinement nous a appris que la valeur d’une entreprise ne réside pas dans son fonds de commerce, mais bien dans son fichier clients.” Une politique également mise en place par le chocolatier De Neuville. La période de Noël représente 35 % de son CA annuel et le confinement engendre bien entendu une perte non négligeable de trafic et de chiffre d’affaires plus ou moins équivalente à 50 % des chiffres A-1. Si la grande partie des boutiques sont ouvertes, il a fallu accélérer indéniablement sur l'e-commerce. “Nous avons bien entendu constaté que le digital était l’une des clés pour répondre à la demande de nos clients et c’est pourquoi nous avons massivement investi ce canal durant l’entre-deux crises et mis en place des équipes dédiées pour y répondre”, note Christophe Gautier, directeur général de l’enseigne. Outre des services
de click and collect, de réservation et de livraison, la marque a également mis en place des dispositifs de communication et un plan d’animation auprès de ses 300 000 clients cartés. Même état d’esprit pour le restaurateur Carl’s Jr. Si le ticket moyen a enregistré une progression de 20 %, la marque a mis en place un service de livraison via Uber Eats, du click and collect et des actions promotionnelles pour soutenir les ventes et la fréquence des visites.
Les limites de l’exercice
Bien entendu, le digital n’est pas une fin en soi si le manque à gagner est trop important pour l’enseigne. On l’observe notamment dans la restauration à table pour qui le click and collect et la livraison ne s’imposent pas naturellement. C’est le cas de la marque Memphis. “Lorsque la date du reconfinement a été connue, une trentaine de restaurants proposaient déjà ces services en plus de la restauration à table. Aujourd’hui, sur les 84 restaurants de notre réseau, seuls 5 ou 6 continuent de proposer la livraison et le click and collect”, explique Philippe Roux, directeur général de l’enseigne avant d’ajouter : “Tout simplement parce que ce n’est pas rentable. Pour que cela le soit, les restaurants doivent réaliser au minimum 1 000 euros de chiffre d’affaires par jour, ce qui n’est pas le cas à date.” Et l’enseigne d’expliquer que ces restaurants sont situés dans des zones commerciales ou d’activité autour desquelles il n’y a pas beaucoup de densité d’habitation, freinant donc l’activité sur ces services. On le voit, les enseignes apprennent et savent être résilientes pour peu qu’elles fassent preuve d’agilité. Pour l’expert Sylvain Bartolomeu, “les commerçants physiques doivent profiter de cette crise pour s’interroger sur leurs propres concepts, parfois déceptifs pour le consommateur. Cette crise, par sa nature, fragilise ceux qui étaient sur des modèles 100 % physique. Mais encore une fois c’est la nature de cette crise qui impacte un pan d’activité, elle ne le remet durablement pas en cause.” Et l’associé dirigeant au sein du cabinet Franchise Management de poursuivre : “Cela accélère la prise de conscience que le commerce n’est plus physique ou digital, il est phygital. Faire du commerce c’est multiplier les points de contact avec le client, et simplifier la vie du client. Se poser des questions clefs comme : “qui sont mes clients ? D’où viennent-ils ? Quoi vendre et comment ?” n’a jamais été aussi important.”
“Nos futurs clients doivent savoir que nos équipes sont disponibles même à distance”
Les aides gouvernementales
En interne aussi, les enseignes ont appris du premier confinement et ont eu les bons réflexes. Supports administratifs et juridiques se sont déployés pour mettre en place les mesures gouvernementales et les dispositifs d’aide aux petites entreprises. Ainsi, Memphis a accueilli avec soulagement l’élargissement
du fonds de garantie pour toutes les entreprises qui comptent moins de 50 personnes et le crédit d’impôt pour les bailleurs. “Au premier confinement, nous avons réussi, certes avec beaucoup de mal, à obtenir la prise en charge de 50 % du montant du loyer par les bailleurs et l’étalement des sommes dues sur les 12/18 prochains mois. Nous sommes en train de négocier la même chose pour ce nouveau confinement en prenant en compte cette nouvelle aide”, remarque Philippe Roux. Comme l’explique Sylvain Bartolomeu, cette période d’incertitude risque de durer. Du moins jusqu’à l’obtention d’un vaccin. Il faudra peut-être d’ici-là s’habituer à cette alternance d’ouverture et de fermeture. “Pour le chef d’entreprise, il faut aussi être dans l’écoute attentive de son franchiseur et du réseau, et être très réactif et agile pour mettre en oeuvre les actions permettant d’amortir la crise et de favoriser le rebond. Certains franchiseurs ont mis en place des process, des
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mécanismes d’aide pour aider les franchisés les plus fragiles”, explique l’expert. L’avantage de l’enseigne en réseau. Le restaurateur Memphis, encore lui, a négocié des délais de règlement, au cas par cas, avec l’ensemble de ses fournisseurs. Si le franchisé ne pouvait pas régler à la date d’échéance ses factures, il prenait alors contact avec les fournisseurs qui sont enclins à faire des échéanciers de règlement. “De notre côté, en tant que franchiseur, même si nous sommes obligés d’éditer nos factures pour régler la TVA, aucun versement de royalties ne sera demandé pendant la fermeture des restaurants”, poursuit Philippe Roux. Le contexte dans certains secteurs reste toutefois très problématique. Il faut tenir. Jusqu’à ce que les règles du gouvernement s’assouplissent. Les restaurants, on l’a vu, mais également les salles de sport dont le click and collect ou la livraison ne sont d’aucun secours. Au sein du siège Fitness Park Group et des licenciés de marque, le
“Cette crise, par sa nature, fragilise ceux qui étaient sur des modèles 100 % physique”
chômage partiel a été mis en place comme pour les équipes opérationnelles. “Une permanence est toujours présente pour travailler sur des sujets de fonds (gestion du courant prioritaire, préparation 2021, adaptation des stratégies dans ce nouveau contexte, traitement des demandes clients, etc), en télétravail pour respecter les derniers protocoles sanitaires”, précise Jean-Philippe Ferrier, directeur marketing et communication au sein de l’enseigne de fitness. Pour ce dernier, la filière est plus que jamais dans le brouillard sans aucune prédiction si ce n’est la fermeture de bon nombre de clubs sur le territoire. “Il faudra donc faire preuve de résilience pour passer cette nouvelle vague, rebondir et apporter une valeur ajoutée à notre offre comme la digitalisation du fitness pour créer la préférence et faire partie des acteurs qui pourront accompagner ses adhérents que les salles soient ouvertes ou fermées”, conclut Jean-Philippe Ferrier.